#22 – Montpelliérien #022 – Du Satin Blanc

Alors ça va mieux vous ? C’était pas la forme hier. Comment ça moi ? Moi, ça allait très bien, seulement je ne voulais pas vous laisser seul·e à votre déprime alors, par solidarité, vous voyez quoi… Enfin, aujourd’hui vous avez repris des couleurs, on va en profiter pour causer un peu d’autre chose. On va causer cinéma.

Hier, donc, j’étais au pub. Et oui. Pas pour boire, pour voir un film, faites un effort s’il vous plaît. J’avais lu le matin même dans le e-metropolitain (comme l’article parlait d’autre chose que de gendarmes, de flics, d’affaires scabreuses et de faits divers morbides je n’avais pas reconnu le site au départ) qu’un film Montpelliérien, Du Satin Blanc, devait être diffusé le soir même au pub tendance irlandisante O’Sullivans. Donc, moi quoi faire ? Petite journée petit moral, soirée film : c’est idéal. Je me dis allons-y. S’il est pas bien ça me donnera l’occasion de le critiquer sur mon blog (voyez si je suis vilain quand j’ai pas toutes mes vitamines), s’il est bien je pourrai en parler aussi. Je vous spoile la fin de l’article, au cas où vous n’ayez pas le temps de le lire en entier parce qu’il est long : j’ai passé un très bon moment.

Est-ce que je vous raconte comment je n’avais pas vérifié l’heure avant de partir et que j’étais en avance, et comment je suis allé marcher une heure après avoir pris ma place parce que je n’ai plus une thune et que c’était soit la place pour le film, soit un jus de tomate ? Non, je ne vous le raconte pas, vous n’aurez qu’à l’imaginer. On va passer au film.

Juste avant, je tiens à dire que les spectateurs étaient accueillis par Gloria Rodenas et Camille Amilhat. Gloria Rodenas, c’est la réalisatrice du film, elle est également co-scénariste et actrice. Camille Amilhat est elle aussi co-scénariste et actrice. Si j’ai bien fait mes devoirs, je ne dirai pas de bêtise en racontant qu’elles sont toutes les deux à la base du projet, et donc qu’apparemment elles l’accompagnent attentivement dans les lieux où il est projeté. C’est une preuve que leur film leur tient à cœur. Je ne leur ai pas demandé si elles étaient présentes à chaque fois, mais si c’est le cas elles ont dû voir du pays puisque le film a été sélectionné pour des festivals à Moscou, Calcutta et Aoste, et a même remporté deux fois le prix du meilleur long-métrage indépendant à Londres et à Berlin. Indépendant, il l’est, car le financement s’est fait en bonne partie sur KissKissBankBank (8500€). Le reste du financement ce sont deux aides : une par la ville de Montpellier via la Bourse Initiative Jeune, l’autre par le Crédit Mutuel via le prix Jeunes Qui Osent. Je crois que Gloria a annoncé les chiffres exacts de ces subventions-là, mais j’ai pas été assez rapide pour noter, dommage. Ça, ça aurait pu vous intéresser si vous étiez jeune réalisatrice·teur. Heureusement que je ne suis pas payé pour écrire, ce serait un scandale.

Photo par Gwlad (rue du Grand Saint Jean)

Vous en voulez du Montpellier ? Du Satin Blanc vous en donne. Des rues, des places, des références, ça foisonne. Dès la séquence d’introduction. C’est plaisant. En tant qu’habitant de la ville on s’identifie pas mal. Regardez, les verres dans lesquels les personnages boivent le pinard, c’est ceux des Estivales, comme chez tout le monde ici. On ne les voit pas se briser à peine posés dans l’évier, mais on l’imagine très bien. Ce n’est pas l’essentiel du film, ce Montpelliéranisme exacerbé, mais c’est quand même agréable de voir sa ville comme un décors de cinéma pour une fois, plaisir d’ordinaire réservé aux Parisiens. La dernière fois que j’ai vu Montpellier dans un long-métrage, c’était dans Didier, la comédie d’Alain Chabat dans laquelle il joue un labrador transformé en homme. Hum.

L’histoire… Mais ai-je envie de vous raconter l’histoire ? Non j’en ai pas envie, j’aimerai plutôt vous parler de ce qu’a provoqué le film chez moi. Le synopsis vous pouvez le trouver n’importe où. Enfin on a quand même besoin de parler des personnages avant, ne serait-ce que pour nommer les acteurs principaux. Les personnages, donc : quatre jeunes entre vingt et trente ans, chacun leur genre, chacun leurs soucis. Gloria RODENAS joue Rose, employée d’un salon de coiffure, sur le point de se marier. Camille AMILHAT joue Lily, jeune fille qui semble enchaîner les relations extra-courtes et qui aimerait bien trouver le bon mec. Lise-Dehlia CHEMSSEDDOHA joue Sarah, jeune mère au chômage qui élève seule sa fille de six ans, Amina (jouée par Léna TASSEL). Enfin, David GUERCHON joue Simon, jeune mec qui cherche son homme parfait, en attendant lui est l’ami parfait de Sarah.

Voilà. Qu’est-ce que je voulais en dire de ces personnages ? On écrit, on écrit, et puis on fini par se perdre. Laissez-moi me relire. Ah oui. Les personnages sont tout le film. C’est un film réaliste, il n’y a pas plus d’intrigue qu’il n’y en a dans nos vies. Il y a des évènements, il y a des attentes, de la part des personnages et donc des spectateurs, mais il n’y a pas de dénouement d’une situation attendue depuis le départ dans un grand feu d’artifice. Et ça, ça ! C’est vraiment bon. Ça fait du bien. Attention, je ne dis pas qu’il n’y a pas de progression visible au cours du film. Il y en a. Chaque histoire avance de son côté et notre relation aux personnages se développe, donc on se laisse être de plus en plus touchés·ées par eux. Autrement dit, les évènements prennent de l’importance à mesure que la bande en prend pour nous, mais on ne nous impose simplement pas une histoire principale. Choisissez celle qui vous plaît le plus, et au final laissez-vous séduire par toutes.

Ce qui m’a le plus touché chez ces personnages, c’est, outre le fait qu’ils soient tous extrêmement sympatiques et qu’on aimerait faire partie de leur groupe d’amis, la manière dont chacun·e semble être dans une situation parfaite à un moment donné, mais comme en vérité chacun·e peut se mettre à souffrir une fois seul·e dans son coin. Et de quoi chacun·e souffre-t-il ou t-elle ? De peines de cœur. Évidemment. Pas très original vous allez me dire. Non. Mais c’est bien fait. C’est doucement traité. Oui, c’est ça. D’une, je trouve que c’est un thème important de notre époque. Aujourd’hui, chacun·e se montre sous son meilleur jour, publie son meilleur profil, raconte ses meilleures anecdotes, passe sous silence ses doutes et chagrins. Mais même la nana super mignonne qu’a l’air d’avoir tous les mecs qu’elle désire à ses pieds connaît ses moments de solitude, même la fille qui va se marier avec l’amour de sa vie a ses petites faiblesses dans son rapport aux autres qui finissent par lui nuire, même la bonne pote qu’a toujours la patate et le sourire au bec, qui fait marrer tout le monde, des fois elle chiale le soir quand elle est seule. Et de deux, c’est traité sobrement, c’est très naturel. Rien de plus rien de moins que ce par quoi nos amies·s et nous sommes tous passées·s. Pas de grand drame. Pas de violons en renfort des situations désespérées, de grands cris, de vaisselle qui se brise. Quand les personnages pleurent, ils pleurent en se cachant, avec toute la pudeur qu’on met dans ces instants-là. Quand ils souffrent dans une scène, rien ne vient nous forcer à trouver plus d’intensité à celle-ci qu’à la précédente, celle où le petit groupe passait du bon temps ensemble, où l’on se réjouissait justement des liens forts qui peuvent se tisser entre des personnes qui s’aiment, qui se choisissent comme famille. Il y a pourtant des passages assez poignants, moi en tout cas j’en menais pas large quand j’ai compris ce qu’impliquait la scène tournée à la place de la Canourgue (c’est ma façon de spoiler le moins possible, tant pis si vous comprenez rien à ce que je raconte), mais ce n’est pas parce qu’on m’y a incité en me piquant les côtes avec du piano triste, ni en me découpant des oignons en rondelles de ralentis dramatiques sous le nez (cherchez pas, ça veut rien dire). Non, c’est parce que je m’étais lié au personnage et que je me sentais concerné. J’avais envie de faire quelque chose pour elle, mais en tant que spectateur, hélas, j’étais impuissant.

Photo par Gwlad (rue du Grand Saint Jean)

Sur ce film souffle un petit vent frais, donc. L’histoire n’est pas ultra originale, c’est vrai. Comment le serait-elle puisqu’il s’agit du quotidien de personnages qui pourraient être vous, qui pourraient être moi ? Mais je suis resté dans le film du début à la fin, je n’ai pas décroché un seul instant quand bien même, à l’exception des acteurs principaux, le jeu était parfois approximatif. J’aurais vraiment aimé les connaître ces personnages, ils me semblaient exister pas loin, à deux rues de chez moi. Ils m’ont rappelé ma vie de jeune adulte, la vie en groupe d’amis, des choses qui me manquent un peu aujourd’hui. Parle-t-on du fait que dans les cinq personnages principaux il y a trois jeunes femmes, une petite fille et un seul mec, et qu’il est homo ? Non. On n’en parle pas, l’article est déjà bien trop long pour une simple note de blog comme ça en passant, mais ça fait également du bien cette originalité de plus. Je le déplore bien, que ce soit une originalité, le fait de ne pas avoir un mec hétéro qui finira par séduire une nana en tant que personnage principal, mais dans le monde dans lequel on vit, c’en est une. Message aux producteurs bornés : en tant que mec hétéro moi-même, ça ne m’a pas empêché de m’identifier aux personnages. Osez sortir des modèles habituels, ça fait du bien à tout le monde.

Il y a beaucoup de choses à dire, et j’écris trop mal pour les dire bien. Si je devais résumer mes sentiments là, vite fait : je suis allé voir le film le moral dans les chaussettes et j’en suis sorti apaisé, un petit sourire aux lèvres. Je me suis dit que j’avais pas perdu mon temps. Je me suis dit aussi qu’il y avait des gens qui avaient dû soulever des montagnes pour faire un film qui parle de la simplicité en même temps que de la complexité du quotidien, des joies de la bande de potes et des petites souffrances solitaires, et que ça, ça faisait plaisir. Qu’elles et qu’ils avaient dû faire tout ça avec très peu de moyens et avec une volonté énorme, et c’était émouvant. Je me suis laissé dire par Gloria et Camille, en discutant deux minutes avec elles avant de partir, qu’un nouveau projet était en cours d’étude, on suivra ça de près. J’ai aussi entendu dire que le film existait en DVD, si vous n’avez pas l’occasion d’aller le voir diffusé en salle ou dans un pub, c’est une option. Moi j’avais même pas les cinq euros pour me le payer, tant pis. J’aurais bien aimé les encourager plus, d’autant que les sous récoltés par les entrées et les DVD servent semble-t-il à inscrire le film dans divers festivals autour du monde. C’est comme ça qu’un film indépendant vit. Doit-on le rappeler ? Je le rappelle.

Bon c’est trop long et c’est confus. J’arrête là. Bonne journée à tous et toutes et à demain.

2 réflexions sur « #22 – Montpelliérien #022 – Du Satin Blanc »

  1. Bonjour Mathias,
    Merci infiniment pour ces lignes …
    je n’aurais pas les mots pour dire comme ils m’ont touchés…
    J’ai eu des frissons et le ventre un peu retourné tout le long de ma lecture, pour finir par verser ma larmichette au dernier paragraphe …

    C’est déstabilisant de voir à quel point tu as su voir autant de nous et de manière si juste…
    C’est tellement touchant …

    Merci infiniment pour ton partage et je peux parler en notre nom à toute les deux, nous sommes ravies d’avoir pu contribuer à te sortir le moral des chaussettes hier.

    Merci, merci, merci …

    Camille.

    1. Merci à toi et à toute l’équipe pour le film, et donc la soirée ! J’espère que vous aurez de bons retours dans les festivals et projections à venir. Bonne continuation !

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