#339 – Vive la mort !

Chaval écrivait : « j’ai la conviction que les morts sont les gagnants. Certaines morts sont douloureuses et longues mais cela vaut la peine.
Je crois au néant, à l’inexistence comme d’autres croient en un dieu.
Essayez de vous suicider, si vous avez la malchance de ne pas vous réussir sur le coup, ces cons de vivants mettront tout en œuvre pour vous refoutre en vie et vous forcer à partager leur merde.
Je sais que dans la vie certains moments paraissent heureux, c’est une question d’humeur comme le désespoir et ni l’un ni l’autre ne reposent sur rien de solide. Tout cela est d’un provisoire dégueulasse. L’instinct de conservation est une saloperie.
On a du mal à imaginer que ceux qui ne sont pas encore au monde ont une existence terrestre. Alors pourquoi ceux qui quittent la vie en auraient-ils une ? Certains vous diront que les nouveaux-nés gueulent parce que l’oxygène brûle leurs poumons. Il me semble plus raisonnable de penser que ces petits cons ont conscience qu’on va les faire chier.
Les signes de l’au-delà, etc., sont certainement des conneries imaginées par les vivants qui ni peuvent pas concevoir que la mort est la seule solution, tout le reste ce sont des jeux de cons, j’en suis sûr.
Aimer la vie me semble aussi stupide que d’être patriote.
Vive la putréfaction, premier degré vers la sagesse, vive la mort.
»

Chaval n’était pas un con. Il devait être un tout petit peu de mauvaise humeur quand il a écrit ça, mais je partage globalement sa vision des choses. Aujourd’hui, moi, je suis de bonne humeur. J’ai bossé moins que prévu, le ciel est bleu, le soleil brille, la ville est vide, je suis en repos toute l’après-midi et demain toute la journée, je suis en pleine santé… De bonne humeur, quoi. Heureux diraient celles et ceux qui aiment les grands mots. Je peux donc me parler de la mort, je peux me faire remarquer l’absurdité de la vie. Tout cela n’atteindra guère mon moral. Tout au plus cela m’aidera à savourer ce jour davantage.

Sticker vu à Ixelles

L’une de mes collègues l’est moins, de bonne humeur. Son tonton, dont elle était proche, est décédé des suites d’une longue maladie. Il agonisait depuis des mois. Alors, je ne lui parlerai pas de la mort, et de comment la vie n’a aucune sorte d’importance. Je dis la vie, je parle de sa vie propre. Pas à elle, à on. Allez pas raconter que je pousse au meurtre. Si vous pensez ça, vous m’avez mal lu. La vie dans son ensemble est difficile, absurde, n’y rajoutons pas plus de peine et de chaos. Je ne lui dirai pas, donc, que c’est tant mieux ou tant pis. Je la consolerai comme je peux. J’acquiescerai avec franchise quand elle me dira qu’au moins il ne souffre plus, je lui confirmerai qu’elle a raison quand elle me dira que la vie continue et qu’elle vaut le coup d’être vécu, avec sans doute un brin de perplexité au fond des yeux.

Il y a des jours pour briser les lieux communs, et des jours pour s’en abstenir. Si je peux souvent me plaire à jouer les iconoclastes, c’est dans l’espoir que les gens qui m’écoutent en soient rendus moins englués dans les réflexes de pensée bidons dont on nous bourre le cerveau depuis la naissance. Qu’ils ressentent cet appel frais des chemins encore inexplorés. Que s’évapore ce sentiment d’enfermement mental qui peut s’abattre sur tout un chacun quand le quotidien se fait trop monotone, répétitif, que les idées se répètent et se fixent. Mais il n’est pas dit que cela rende tout le monde, et dans tous les contextes, moins malheureux. Garder ça en tête, et ouvrir ou n’ouvrir pas sa gueule en conséquence, c’est ce qui fait la différence, par exemple, entre un bon humoriste qui tape là où ça fait mal, avec une bienveillance toute dissimulée mais bien là, et ce qu’on appelle aujourd’hui communément un edgelord.

Hein ? D’où je m’autorise à donner des leçons de sagesse ? Mais de quelle leçon parlez-vous ? C’était un mémo pour moi-même. Allez, à demain.

#62 – Montpelliérien #062 – Ça me brise les œufs

Aujourd’hui on est dimanche de Pâques, demain, on sera lundi de Pâques, et moi je n’ai jamais bien pigé ce que c’était, Pâques. Pâques est un de ces mots avec un accent circonflexe PLUS un « s » silencieux à la fin. Je sais qu’on est pas là pour juger mais quand même. Pâques, ça m’étonnerait pas qu’il y ait encore le petit Jésus planqué là-dessous. C’est sans doute le jour où il s’est pincé les doigts dans l’une des portes du tramway de Bethléem, ou alors c’est le jour où sa maman lui a fait un bisou sur le bobo et lui a acheté des sucreries pour le consoler. Vous m’excuserez mais quand j’étais petit y avait que les œufs qui m’intéressaient, ceux en chocolats. Les autres je les bouffais qu’à la coque avec des mouillettes.

En fait j’ai vérifié, on fête la résurrection de Jésus. Enfin, on… Vous peut-être, mais moi je fête rien du tout.

Maintenant même les œufs ne m’intéressent plus. Les récits d’enfants esclaves qui bossent quinze heures par jour sans pause pour aller chercher le bon petit cacao qu’on se baffrera comme si de rien n’était, ça me coupe l’envie. Ça me donnerait même plutôt envie de chier sur l’humanité. Pas le journal. La partie de l’humanité, pour être précis, des gens qui sont fiers de manger du nutemerde par exemple, et qui ne se rendent pas compte d’à quel point ils sont bêtes, d’à quel point ils sont laids. Ah je sais bien, ils ont fait tellement de pub pour séduire les gamins et leurs parents depuis des décennies qu’il y a de fortes chances que vous, vous qui me lisez, soyez accro au merdella. Ben écoutez, que vous dire, je veux pas vous vexer, mais quand même… En parlant de journal, Libération, avait très bien titré, enfin très bien, disons bien, il y a fort longtemps : « Pas d’enfants esclaves, pas de chocolat ». Vous trouvez qu’on exagère, Libé et moi ? Il y a sans doute des marques qui, vous vous dites. Mouais, y en a pas beaucoup. Les petites mains propriétés d’entreprises, c’est surtout à la base qu’elles sont là, dans les plantations, à ramasser les fèves. Ensuite, où ça part et qui en fait quoi… Entre 300.000 et un million d’enfants, ils et elles sont, à « bosser » dans le cacao, rien qu’en Côte d’Ivoire. Bosser ça veut dire ne pas avoir le temps d’aller pisser parce que pas de pause, être logées·s comme des merdes à vingt dans une cabane, et acheté·e vendu·e ou échangé·e par les exploitants, être donc possédé par un privé, n’être nourri que ce qu’il faut pour avoir la force de bosser. Vous reprendrez un nœunœuf de Pâpâques ? Gouzi gouzi. Tenez, votre œuf de Pâques, et étouffez-vous avec. On verra lundi si vous avez ressuscité.

Photo par Gwlad (avenue du Pont Juvénal)

Voilà, je suis énervé pour rien maintenant. Enfin pas pour rien, mais à part ne pas en manger soi-même de chocolat, ne pas en acheter, je ne vois pas quoi faire d’autre. Oui, je gueule mais moi aussi ça m’arrive d’en croquer un carré, et je vais pas aller vérifier par quelle filière il est passé. Et s’il n’y avait que le chocolat, ce serait tellement facile. Il n’y a quasiment rien que l’on puisse acheter aujourd’hui qui n’ait pas, de sa fabrication à sa distribution, nécessité que certains·es se fassent exploiter copieusement pour que d’autres puissent en tirer bénéfice. Mais, d’une, c’est pas parce que c’est partout que ça doit être une excuse pour ne faire d’effort nulle part et, de deux, à part ne pas filer de blé à ces filières en évitant d’en consommer du cacao, la seule chose à ma portée, c’est d’en parler. Comment voulez-vous qu’avec du chocolat partout dans les rayons et sur les affiches depuis une semaine, je puisse ne pas penser à la manière dont ces choses sont faites ?

Alors, c’est bien gentil Pâques, mais si j’étais croyant, je me dirais que tout ça doit faire pleurer le petit Jésus.

#56 – Montpelliérien #056 – J’espère que vous étiez pas venu·es pour vous marrer

Le genre humain excelle dans deux domaines : souffrir et mourir. Parfois, il n’est pas mauvais pour rire non plus. S’il est dur de rire lorsqu’on souffre, et qu’on n’a que rarement vu des gens mourir de rire ou rire en mourant, on peut en tout cas très bien mourir en souffrant et souffrir en mourant, ce qui est rigoureusement la même chose. C’est pourquoi ces deux-là vont de pair et pas les autres. On peut également se donner la mort à cause d’un excès de souffrance, ou bien souffrir en excès de la mort d’un congénère ou de la disparition d’un être ou d’une chose. En revanche, on se suicide rarement de ne plus en pouvoir de rire à longueur de journée, bien qu’on puisse en ressentir de lancinantes douleurs aux joues.

Pourquoi je vous dis tout ça ? Parce qu’alors que j’étais parti marcher au soleil de bon matin pour voir un peu si mes idées noires allaient se faire pulvériser par la pluie de photons, un homme, juste à côté de l’Opéra Comédie, arrivé pile à mon niveau, hurle : « VIVE LA FRANCE !!! » et, s’accompagnant du geste des conducteurs de locomotives relâchant la vapeur et pliant les genoux, pète deux fois : prout, prout ! Je n’ai pas tout de suite compris ce à quoi je venais d’assister. C’est monté au cerveau quelques mètres plus loin. J’étais trop triste pour rire franchement, mais au fond de moi quelque chose a remué, et pendant quelques secondes j’ai dû sourire un peu. C’est toujours ça de pris.

Oui, je sais, je devrais pas écrire ce genre de choses. Je veux dire ma tristesse, pas le gars qui fait vive la France prout prout. Des trucs comme ça, justement, faudrait que j’en écrive plus. Mais là j’ai beau fouiller dans ma mémoire, le seul truc y ressemblant c’est un mec qui, en passant à vélo à côté de moi, a gueulé : « que la mort emporte toute l’humanité, qu’est-ce que j’en ai à foutre moi ? », alors vous voyez… Je peux même vous donner la date, j’avais noté ça sur mon téléphone, c’était le 14 août 2016. C’était juste à côté de l’arrêt Pompignane de la ligne 4 du tramway. Il faisait super chaud, je me souviens. Dire que déjà ce jour-là j’étais sorti marcher en espérant que ça irait mieux au soleil. C’est désespérant.

Photo par Gwlad (place Auguste Gibert)

Aujourd’hui, j’ai pas noté de choses à faire. Ni concerts, ni expo, ni pièces de théâtre, ni pique-nique, ni rien. Aujourd’hui, j’attends qu’on soit demain. On verra bien, les choses y paraîtront peut-être un peu moins moches. Passez donc une bonne journée pour moi si vous le pouvez, sinon dites-vous qu’on est au moins deux à se triturer l’humeur si ça peut vous soulager. Allez, salut.

#50 – Montpelliérien #050 – Le premier jour de la fin du cauchemar

Aujourd’hui on va pas faire dans l’original. Parce que d’habitude c’est ce qu’on fait ? Taisez-vous mauvaises langues, vous n’arriverez pas à me gâcher cette journée. Aujourd’hui, on va pas faire dans l’original parce que c’est mon jour préféré de l’année, comme tout le monde. Oui, c’est vrai, c’est déjà une originalité de parler d’aujourd’hui aujourd’hui sur ce blog. Bon, décidément, vous ne voulez pas me laisser tranquille. Ce que je voulais dire c’est qu’aujourd’hui, où que vous alliez, on va certainement vous le rappeler une bonne centaine de fois, que c’est le printemps.

Qu’est-ce qu’il peut bien avoir ce printemps pour que tout le monde souhaite le revoir une dernière fois avant de mourir ? Et bien, voilà comment je vois les choses :

Le début du printemps, c’est un peu la convalescence. On sort d’une bonne grosse maladie qui nous a tenu·e au lit pendant trois mois et qui s’appelle le putain d’hiver à la con. On n’est pas encore certain·e que c’est complètement fini, qu’il n’y aura pas de rechute, mais bon, on peut se lever de temps en temps et aller faire un petit tour dans son jardin, sur le trottoir devant la porte, c’est déjà ça. Ah, oui, je ne vous ai pas prévenu que j’allais donner dans la métaphore, c’est assez rare, si à un moment ou un autre vous ressentez comme des nausées, c’est tout à fait normal, sautez directement au chapitre suivant. Puis les jours passent et on prend confiance, on commence à reprendre des activités saines et le physique semble suivre, on peut sortir se balader tout à fait librement, on commence à recevoir des nouvelles des connaissances qu’on avait perdues de vue, à en donner également, il se peut même qu’on fasse de nouvelles rencontres à l’occasion de promenades. Enfin, on a totalement oublié qu’on avait été malade, on se met à prévoir de grosses fiestas pour les jours à venir, on sait qu’on va sans doute se cramer, mais on s’en fout, c’est l’euphorie, l’avenir est dans notre esprit une fête sans fin, c’est reparti pour l’aventure. Les randonnées, les voyages, les rencontres, les soirées de beuverie, de musique, de danse et de baise intense les yeux dans les yeux. Tout ça va arriver très bientôt, le printemps nous l’a promis, l’été va nous l’apporter. Et puis justement, l’été arrive, il fait trop chaud, on reste chez soi et on ferme les volets.

Photo par Gwlad (rue Rondelet)

Le printemps, c’est la promesse de quelque chose à venir, c’est un départ à neuf, c’est le moment où l’on projette le mieux ses fantasmes sur la toile encore blanche de l’avenir (faut que j’arrête les images, je me rends malade tout seul). Contrairement à l’hiver, durant lequel on lutte pour atteindre ses objectifs comme une personne à la mer en pleine tempête lutte pour garder la tête hors de l’eau (non, vraiment, stop), pendant le printemps, on se laisse porter. Tout semble aller tout seul.

Enfin, bon, vous avez compris quoi. Moi j’aime bien le printemps. Même si à la fin très peu des choses que j’avais espérées se réalisent, au moins pendant trois mois environ j’ai pu rêver, et c’est déjà ça.

Bon, mais concrètement que faire aujourd’hui à Montpellier ? Ben, c’est mardi. Niveau concerts gratuits en bar, vous avez les scènes ouvertes et jam sessions au Little Red (jazz), à la Pleine Lune (musique du monde (ça veut rien dire)) à la Petite Scène (ce que vous voulez). Sinon vous avez le Moonrise Jazz Quartet qui joue au Gazette Café, si vous aimez les concerts au Gazette Café. Et sinon démerdez-vous.

#47 – Montpelliérien #047 – Un soir à pas foutre le nez dehors

Misère. J’avais complètement oublié que ce soir c’était la Saint Patrick. Moi qui comptait sortir en ville ce samedi… Je suis dégoûté. Je déteste les fêtes prétextes à beuverie de grande envergure, plus qu’un prétexte d’ailleurs, une injonction à. Attention, faut pas croire, je dis pas ça parce que je ne bois plus. Même quand je buvais mes cinq litres de bière par soir, les férias, les fêtes de la musique et autres Saint Patrick, ça me faisait chier. Les rues bondées de suants·es puant beuglant louchant rotant pissant dans tous les coins et gerbant dans leur pisse, franchement c’est lourd. Ça se croit drôle mais c’est juste affligeant, ça se croit fort et pour le prouver ça se tape sur la gueule pour un rien. Ces soirs-là les gens boivent parce que c’est ce qu’ils sont supposés faire, nul, tout le monde s’engueule parce que personne ne veut aller au même endroit et que chacun·e pense être celui ou celle qui attend les autres alors qu’en fait c’est le contraire, zéro. Bon, vous avez pigé, j’ai en horreur ces fêtes qui ne sont pas improvisées parce qu’on a envie de se bouger sur le moment, les dates prévues chaque année au même jour sur le calendrier, je trouve ça laid, je trouve ça triste, ça vient pas du cœur, c’est pas spontané. Bref, ce soir, je sortirai peut-être quand même, si je me fais trop chier, mais je serai pas jouasse, et je bouderai.

Je vous avais encore jamais vraiment fait le ronchon sur ce blog, hein ? C’est une facette de ma personnalité que les gens adorent d’habitude, quand je chie sur tout ce qu’ils aiment devant eux, alors je la garde toujours pour la fin. Façon de parler. C’est pas du tout la fin du blog. Ce n’est que le début. Hier, j’ai décidé que je le tiendrai quotidiennement pendant un an au minimum. Ensuite on verra. Ce qui me plairait beaucoup, c’est, d’ici un an, avoir assez développé mon écriture pour être capable de pondre un article convenable par jour à coup sûr, d’avoir mis en place une organisation, une méthode qui me permette d’imprimer cet article tout de suite et de l’afficher en ville en plusieurs lieux avant midi. Ou alors, écrire dans un quotidien. Mais pas 20 minutes ou une merde du genre. Honnêtement, je ne vois pas comment un groupe d’indépendants pourrait se donner les moyens de publier un quotidien, alors ce sera sans doute en solo.

Photo par Gwlad (rue Cité Benoît)

Allez, au programme aujourd’hui : à 14h à Le Faubourg, ou au Faubourg, je sais jamais, 15 rue du Faubourg de Nîmes, c’est Repair Café. Vous pouvez y aller faire réparer les objets du quotidien tombés en panne, et apprendre, surtout, à les réparer vous-même. Tous ensemble pour combattre l’obsolescence programmée et la consommation de société.

Ce soir, démerdez-vous. C’est la Saint Patrick, okay, mais soyez pas cons·nes, sortez si vous en avez vraiment envie, vous forcez pas à boire, et vous habillez pas en citrouille sur gazon seulement parce que tous·tes vos amis·es le font.

À demain, bises.

#45 – Montpelliérien #045 – Un bon titre pour une soirée de merde, ç’aurait été gâcher

Hier soir, très petite forme. Tellement petite que j’avais pas envie d’être vu dans cet état par des gens que je connaissais. Seulement j’avais pas non plus l’envie de rester enfermé seul comme un con dans ma piaule. Ce genre de moments, quoi. J’aurais dû aller rejoindre Koinkoin et une pote que je vois très rarement à la conférence sur la mémoire de l’Agora des Savoirs, mais j’ai pas réussi à me dire que j’allais être là sans être là, incapable de sourire, sans l’envie de sortir un mot. Alors j’ai préféré aller à la Pleine Lune. Vu le genre de musique et le jour de la semaine, il y avait très peu de chances que je tombe sur une connaissance. Et puis qui sait, peut-être que la musique changerait les choses. Spoiler : ça n’a rien changé.

Le genre de musique, c’était ce qu’on appelle ska, le groupe : les Sagittarians. Eh non, vous ne rêvez pas. Ils ont été épargnés par le syndrome du salon de coiffure, ils ont esquivé de justesse le Skagittarians. Boudons pas notre plaisir devant cette originalité, accordons-leur un bon point. Ça aurait pu me mettre de bonne humeur avant même le lever de rideau, mais non. Les alcooliques relous, les bousculeurs·ses de tables, les fous·folles hurleurs·ses, d’habitude je trouve qu’ils et qu’elles apportent leur dose de vraie vie aux spectacles, mais là j’aurais juste voulu qu’ils et qu’elles ferment leur gueule et se tiennent tranquille. The Girl from Ipanema diffusée à bloc juste avant le concert achève de me donner envie de disparaître de la surface de la terre. Vous savez à quoi ça ressemble un pauvre trou du cul déprimé qui fait la gueule devant son jus de tomate seul dans un bar pendant que tout le monde autour danse et s’amuse ? Non ? Vous êtes bien gentil·le, vous ne le dites pas pour ne pas me faire de peine mais au fond de vous je sais que vous avez la réponse.

À ce moment-là de la soirée, la moindre contrariété est prétexte à fusiller chaque personne présente dans ma tête. Par exemple, le concert est supposé commencer à 21h30, mais quand je regarde ma montre pour bien m’assurer qu’on se fout de ma gueule parce que rien n’a encore commencé, je vois qu’il est 21h44. C’est un scandale ! Quel putain de manque de respect pour le public. Ils croient quoi les saltimbanques ? Que j’ai le pognon pour reprendre des verres à volonté jusqu’au bout de la nuit ? Non ! J’ai un jus de tomate déjà à moitié vide pour toute la soirée ! Alors qu’ils commencent fissa et qu’on en finisse vite que je puisse rentrer me coucher. Dois-je préciser que le concert était gratuit et qu’au moment même où je regardai ma montre, les musiciens montèrent sur scène ? Non, heureusement que tout ce pestage se passait uniquement dans ma tronche, sinon j’aurais vraiment eu l’air d’un connard, en plus d’avoir l’air d’un paumé. Je compte donc sur vous pour ne pas trop ébruiter cet épisode. Si vous m’aimez un peu, ne partagez pas cet article sur les réseaux sociaux, laissez-le couler dans les profondeurs sombres de l’internet et effaçons-le de nos mémoires à tout jamais.

Photo par Koinkoin (rue Saint Guilhem)

Je vais pas vous parler du groupe ni du concert en fait, vous voyez bien que j’étais pas en état d’apprécier. Ça aurait pu être Georges Brassens & The Wailers que ça m’aurait laissé froid. Je vais plutôt vous dire que ce soir à l’atelier-galerie d’art La Jetée, 80 rue du faubourg Figuerolles, c’est le vernissage de l’expo « Les dessins figuratifs » de l’artiste Pierre-Guilhem, et c’est à 19h.

À 20h, tremplin musical organisé par le CROUS au Trioletto, 75 avenue Augustin Fliche. Apparemment c’est gratuit. L’évènement s’appelle « Musique de R.U. », et c’est la finale régionale. J’espère que leur sélection musicale sera meilleure que la bouffe qu’ils y servent, au R.U., le CROUS, parce que dans mes souvenirs c’était vraiment la déprime papillaire. Les quatre artistes/groupes qui y passeront, c’est Odysé, Last Fucking Minute, Persian Rugs, Seagulls. Vous n’en connaissez aucun ? Eh ben c’est l’occasion. On est pas à l’abri de découvrir de nouvelles·eaux musiciennes·s Montpelliériennes·s qui valent le coup, et puis déjà que de participer à un tremplin musical organisé par le CROUS c’est la loose, alors si en plus la salle est vide ! Montrez-vous un peu solidaires quoi.

Sur ce je vous laisse, passez une meilleure journée que moi hier, et à demain, qui est un autre jour. Un autre jour parmi les fameux jours qui passent et se ressemblent, et qui du coup s’assemblent puisque qui se…se…, si bien qu’à la fin on ne sait plus très bien où on en est et qu’on se dit que les dictons, au fond…

#39 – Montpelliérien #039 – Le temps fait tout de même au moins un tout petit peu quelque chose à l’affaire

Ce matin, je me suis presque levé de bonne humeur. Pourtant, la journée d’hier, à part pour deux heures de bénévolat en début d’après-midi, a été complètement vide. Vide d’évènements, vide d’envie quelle qu’elle soit, et donc vide de sens. Une de ces journées où j’erre, non pas à la recherche de ce que je désire, mais plutôt à la recherche de désir tout court. Je n’ai pas pu me rendre au festival de l’Université Paul-Valéry à cause de cette session de bénévolat entre 14h et 16h et puis de toute façon, bon. J’ai voulu aller voir un concert le soir, mais je n’ai pas eu le courage de m’assoir seul à une table dans un bar bondé avec mon jus de tomate, et puis de toute façon, bon. Alors j’ai marché dans la ville de nuit pendant deux heures, seul quand même. D’ailleurs, de la journée, à part heureusement quelques SMS échangés avec Gwlad qui subissait les réactions typiques à la journée des droits des femmes au boulot, je n’ai eu de contact avec personne de proche, pourtant je pense que ça m’aurait fait du bien, j’aurais dû faire péter les textos et les e-mails mais je l’ai pas fait, et puis toute façon, bon. Pour finir, pour la première fois depuis le lancement du blog, je n’ai eu quasiment aucune visite en journée. Les stats me disent que quelques personnes sont finalement venues fouiner vers 22h ou 23h, c’est dommage pour une fois que je parlais de choses qui se passaient le jour même et pas la veille, mais de toute façon, bon.

Pourtant, malgré tout ça, j’ai bien dormi le soir. Je m’en veux un peu de ne plus m’en vouloir de vivre des journées sans goût, au point de ne plus insomnier d’angoisse la nuit venue. Ça n’incite pas à faire changer les choses, de s’en foutre. C’est sans doute que je vieillis. M’angoisser, c’était un signe d’avoir des désirs et de les voir frustrés. De savoir que ces paysages fantasmés c’était pas moi qui les verrai, que ces sentiments tant anticipés c’était pas moi qui les vivrai, que cette nana tant aimée c’était pas sur moi qu’elle se coucherait… Pourquoi est-ce que ça continuerait maintenant que je me suis fait à l’idée qu’il suffit juste d’attendre la seconde d’après jusqu’à ce que tout ça se termine, et que tout se terminera bien assez vite ? Non vous voyez, les soirs à pleurer de déception de soi, c’est réglé. Par contre, je pensais que j’arriverai à trouver avec l’âge, et surtout sans alcool, sans joints et sans tabac une sorte de constance dans l’humeur. Mais non, vraiment ça dépend des jours. Aujourd’hui, comme je vous le disais, je me suis presque levé de bonne humeur, alors que le temps est gris dépression et qu’hier, c’était vraiment pas top. Sans doute est-ce justement le fait d’avoir bien dormi. Parfois ça a du bon de vieillir et d’être assez blasé pour dormir bien malgré une vie insipide au possible.

Photo par Gwlad (rue Levat)

Je vous laisse avec un extrait de La conspiration de Paul Nizan qui me hante depuis que je l’ai lu pour la première fois, me reconnaissant et reconnaissant trop mes insomnies passées à chaque phrase. Si je ne savais pas qu’il parlait de lui-même, je mettrais ma main à débiter en tranches qu’il parlait de moi. Je crois que c’est lui qui a décrit le mieux, mais vraiment dans le détail, au poil de chatte, ces angoisses de la vingtaine :

« Pour que les jeunes gens se tiennent tranquilles, les hommes de quarante ans leur racontent que la jeunesse est le temps des surprises, des découvertes et des grandes rencontres, et toutes leurs histoires sur ce qu’ils feraient s’ils avaient de nouveau vingt ans, leurs jeunes espoirs, leurs jeunes dents, leurs jeunes cheveux, avec leur fameuse expérience de pères, de citoyens et de vaincus. La jeunesse sait mieux qu’elle n’est que le temps de l’ennui, du désordre : pas un soir à vingt ans où l’on ne s’endorme avec cette colère ambiguë qui naît du vertige des occasions manquées. Comme la conscience qu’on a de son existence est encore douteuse et qu’on fait fond sur des aventures capables de vous prouver qu’on vit, les fins de soirées ne sont pas gaies ; on n’est même pas assez fatigué pour connaître le bonheur de s’abîmer dans le sommeil : ce genre de bonheur vient plus tard.

Personne ne pense avec plus de constance à la mort que les jeunes gens, bien qu’ils aient la pudeur de n’en parler que rarement : chaque jour vide leur paraît perdu, la vie ratée. Il vaut mieux ne pas s’aventurer à leur dire que cet impatience est sans raison, qu’ils ont l’âge heureux et qu’ils se préparent à la vie. Ils vous répondent que c’est gai, cette existence de larves en nourrice en attendant d’être de brillants insectes de cinquante ans. Tout pour les ailes futures : nous prenez-vous pour des hyménoptères ? Quelle est cette morale d’insectes ? À trente ans, c’est déjà fini, on s’arrange ; comme on a commencé à s’habituer à la mort et qu’on fait plus rarement qu’à vingt ans le compte des années de reste, avec tout ce travail qu’on a, les rendez-vous, les politesses, les femmes, les familles, l’argent qu’on gagne, il arrive qu’on croit tout à fait à soi-même. La jeunesse a fait son temps, on va rendre de petites visites à cette morte, on la trouve touchante, heureuse, auréolée du pathétique halo des illusions perdues : tout cela est moins dur que de la voir mourir en vain, comme on fait à vingt ans. »

Et vous, sinon, ça va ?

#28 – Montpelliérien #028 – Le matin de tous les possibles

Si j’avais commencé à publier des articles le 1er février, celui-ci serait le dernier du mois. Mais il a fallu que je commence le 30 janvier, et donc, malgré le fait que ce soit le vingt-huitième, il m’en reste encore deux à écrire pour février. C’est le destin qui s’acharne, que voulez-vous.

Quand je me suis réveillé ce matin, je me suis dit tiens, je vais leur parler du rêve que je viens juste de faire, ça sera intéressant. Maintenant je doute. Seriez-vous intéressées·s par le fait de savoir que je suis remonté dans le temps, jusqu’en 1993, dans un hôtel en montagne, des clients partout, avec des petits couloirs et des halls où tout le monde discutait et était accessible, que j’avais dans mes poches et dans mon sac à dos toutes les preuves pour convaincre que je venais du futur, que ça intéressait les gens et me valait quelque succès auprès des filles, mais qu’il y avait là mes parents car nous y avions passé des vacances quand j’étais petit et que, me voyant à l’âge de six ans, je découvrais qu’en vérité j’étais handicapé mental et que personne ne me l’avait dit jusque là ? Est-ce que ça vous intéresse vraiment ? Parce qu’on peut entrer dans les détails si vous voulez, hein. C’est bien ce que je pensais. On va essayer de trouver un autre sujet.

En ce moment, j’ai un peu l’envie de voyager. Pas dans le temps, non, même si aussi. Juste partir de Montpellier, ne serait-ce qu’une semaine. Ça fait bien un an que ça ne m’est pas arrivé. Quant à voyager hors du sud de la France, ça fait bien quatre ans. Je crois qu’un de ces jours je vais prendre un bus et aller me perdre quelque part en Bretagne. Enfin, une dizaine de bus probablement. En un an j’ai réussi à économiser cinq-cent euros sur un compte à part auquel je m’interdis de toucher pour les besoins de la vie quotidienne. Ça me met un peu la pression de devoir les dépenser correctement, faudrait pas que mon seul voyage depuis si longtemps et qui ne se reproduira pas de si tôt soit raté. Penser comme ça c’est le meilleur moyen de passer des vacances de merde. Déjà il ne faut pas que je parle de vacances, il faut que je me dise que je pars à l’aventure ! L’aventure en auberge de jeunesse ou en couchsurfing, on ne sait jamais sur quoi on va tomber, un·e co-chambreur·se qui pue des pieds ou des punaises de lit. Héroïque épopée en perspective.

Est-ce que vous sentez que c’est le matin et que je vous écris tout ça depuis cette espèce d’état où on profite d’être encore sous l’influence des rêves pour imaginer qu’on peut changer sa vie du tout au tout, partir au Guatemala sur un coup de tête cet après-midi même, et que ce sera plaisant, et qu’on fera plein de rencontres, et qu’on prendra des apéros jusqu’à pas d’heure dans des petites cours éclairées de lampions où il y aura des musiciens et des musiciennes, des chants d’oiseau et beaucoup de rires, le tout dans une éternelle atmosphère de soirée de printemps ?

Photo par Koinkoin (rue des Gagne Petit)

Mais non, je suis bel et bien à Montpellier. Cette sensation de nuit prolongée dans la matinée commence à s’estomper et je ne partirai pas au Guatemala.

Je ne vous ai pas vraiment parlé de ce qui se passait en ville aujourd’hui. Ben non. J’ai même pas regardé. J’ai envie de dire des banalités. J’aimerai bien vous y voir vous, à faire un article par jour quand on a une vie commune comme pas permis. Donc, banalités. Il fait super beau, ça durera pas. Aujourd’hui c’est le printemps, dès après-demain c’est l’hiver qui reprend. Si vous voulez aller travailler, faites comme bon vous semble, mais moi à votre place j’irais plutôt me promener. Oui, c’est sûr, c’est pas comme ça que vous vous paierez des vacances à Hokkaido. De toute façon y a toujours un truc qui va pas avec vous.

#27 – Montpelliérien #027 – Deux concerts, zéro coup de cœur

Hier, il y avait deux concerts. Je me doute bien que ça vous intéresse moins quand je vous parle des concerts d’hier plutôt que de ceux de ce soir ou de demain, mais c’est comme ça. Ce soir y a pas grand chose et demain non plus. Emballez, c’est pesé. Normalement, l’expression « emballé, c’est pesé » veut dire que ce qu’on attendait qu’il se passe va se passer comme prévu, ou qu’on fera bien ce qu’on s’était dit qu’on ferait, mais moi je préfère « emballez, c’est pesé », dans le sens je t’ai dit ce que je pensais, ou la valeur que je donnais à ce dont on parlait, si t’es pas content·e c’est pareil, maintenant tu prends ton petit paquet et tu te casses. Emballez, c’est pesé. Hier, donc, deux concerts. Évidemment, dans tout Montpellier il y en avait plus de deux mais on en a vus que deux. Pour une fois je dis on et c’est vraiment on troisième personne du singulier pluriel puisque nous étions trois, ce qui apportera du poids quand je vous dirai que ces concerts n’étaient pas très bons, vu que je n’étais pas seul à le penser. Pas extrêmement mauvais, mais vraiment rien qui vaille le coup qu’on se déplace pour. Emballez, c’est pesé trois fois.

C’était où, c’était quoi ces concerts ? Mmh… j’ai l’impression de dénoncer des juifs pendant la Deuxième. J’aime pas trop parler de ce que j’ai pas aimé. J’ai pas non plus envie de vomir sur des gens qui se sont cassés le cul à s’organiser, prendre des instruments, monter sur scène pour faire des concerts gratuits pour le public tout ça pour remplir mon blog parce qu’il faut bien trouver un truc à dire chaque jour. Ça tient quand même un peu de ça, si j’avais pas eu de blog j’y aurais même pas repensé ce matin. Je devrais peut-être trouver autre chose…

Photo par Gwlad (rue Rondelet) – Un exemple terrible de fushi-shinjū (voir billets #009 et #013)

En même temps, Seamróg, qui passait hier au Gazette Café, et pas pour la première fois, c’est vraiment un groupe qui fait pas honneur à la musique irlandaise. C’est mou d’une mollesse à faire chialer un gros dur du Sinn Féin. Bon j’étais beaucoup moins déçu que la première fois où on m’avait dit « éh, y a un concert de musique irlandaise ! » Ni une ni deux, je sautais dans un froc et je me pointais au Gazette. J’avais failli pleurer. De déception. Deception ça veut dire tromperie en anglais. Coïncidence ? Quatre musiciennes·s qui jouaient chacun·e dans leur coin sans s’écouter les uns·es les autres. Les airs connus tellement ralentis et sans rythme ni cohésion que pas reconnaissables. Quand on les reconnaissait finalement on aurait préféré ne pas. Non là, c’était la seconde fois, je m’étais préparé. Je vais vous dire, c’est pas vraiment les musiciens qui ne sont pas bons chacun de leur côté, c’est quand ils s’y mettent à plusieurs. La chanteuse est vraiment talentueuse, elle sauve le tout. Il y a des gens qui ont aimé le concert, s’il n’y avait pas eu la chanteuse, qui est également tin whistliste, ils se seraient fait royalement chier, gratuit ou pas, le concert. Heureusement, elle est là. Je lui souhaite pour l’avenir de trouver un bon groupe, afin de poursuivre une carrière de musicienne et non de cache-misère. Faudrait juste qu’elle arrête de fumer, après la pause clope elle avait du mal à reprendre sans tousser. Moi je m’en fous, c’est pour elle. Le bassiste est également pas mauvais, il apporte un peu de rythme, mais bon sang, il en faudrait quatre comme lui dans le groupe pour qu’on puisse vraiment parler de rythme dans leurs morceaux. Le violoniste, il fait pas trop mal aux oreilles son crin-crinnage, c’est déjà ça, il apporte un peu de couleur mais je l’ai senti absent. Le guitaro-bouzoukisto-bredouilleur… Je l’aime pas. Non seulement je le trouve moyen au jeu, médiocre en chant, mais si vous voulez en savoir plus sur pourquoi je peux plus le supporter allez donc lire la seconde partie de l’article #008 – Le bağlama, ça c’est makam. Que dire d’autre ? Rien. J’ai assez dit de mal comme ça, c’est pas mon truc, je me sens barbouillé. Y en aurait à rajouter, mais vous n’avez qu’à aller les voir quand ils repasseront, ils sont du coin, vous vous ferez votre propre avis.

Le second groupe. Soal Ferdusson à la Pleine Lune. Pas mauvais concept, des ambiances bien sympathiques, mais ce soir là sans doute pas inspirés, ou fatigués, ou mal préparés. Un guitariste, un saxophoniste. Chacun des machins électroniques à tripatouiller devant lui. Jouent, samplent, bouclent, ajoutent, filtrent. Des sonorités un peu rugueuses et des rythmes chaotiques côtoient des lignes de sax suaves et reverbées à fond, la guitare est rythmique et destructurée plus que mélodique. Faut aimer les ambiances, souvent nébuleuses et brumeuses colorées, teintées de rythmes qui claudiquent sur des harmonies jazzizantes. Moi j’aime bien, mais j’ai senti comme un manque de maîtrise du côté electro-bidouille qui m’empêchait de me faire emporter totalement par le truc, des foirages quoi pour le dire clairement, même si au vu du genre, les foirages doivent faire partie intégrante du machin. Et puis c’était languissant. Pas assez de variations, le système des samples-boucles voulant que, sans doute. Après, j’avoue, j’étais sobre. C’est ma faute. J’imagine qu’un petit verre dans le nez ou quelques grammes de ganja dans le fond des poumons doivent aider à apprécier mieux. Je ne sais pas pourquoi, j’ai pensé à Marc Ribot pendant le concert. Je sais pourquoi en vérité mais j’ai la flemme d’expliquer. Bref, c’était clairement pas nul, ça m’a simplement pas renversé. Mais ça m’a quand même donné envie d’en savoir un peu plus sur ce qu’ils font ces deux mecs, j’ai l’impression que c’était juste pas leur meilleur soir. Enfin, pareil, z’avez qu’à aller écouter par vous même la prochaine fois qu’ils passent, vous vous ferez votre propre avis et on en recausera ensuite.

Si vous avez lu jusque là bravo. Même moi je ne l’ai pas fait. Passez donc un bon dimanche, prenez le temps de faire les choses, ne vous pressez pas, on arrivera tous·tes à lundi en même temps.

Emballer ses pesées, ça fonctionne grammaticalement mais ça n’a aucun sens.

#23 – Montpelliérien #023 – R.A.S. au R.S.A.

Je vous ai dit que j’avais plus une thune ? Ah, oui. Je vous l’ai dit hier même. Je sens que vous vous êtes inquiétées·s. Il ne fallait pas. Non, vraiment, tout ça est bien mérité. On ne m’a pas volé, on ne m’a pas viré. J’ai décidé de faire la mendicité à la société plutôt qu’à… Ah attendez, j’ai un tout petit texte écrit il y a plus de deux ans, je vais vous le mettre là, il est de circonstance.

La charité

Hier, je sors de chez moi, un mec barbu devant ma porte se précipite pour me demander du pognon. Arrivé au bout de la rue, un mec pieds nus se précipite pour me demander du pognon. Au distributeur, une femme âgée reste assise pour me demander du pognon. Devant les portes du supermarché, un gringalet titube vers moi et me demande du pognon. À la caisse, une fille fatiguée me demande du pognon. En sortant, le même gars qui titube me redemande du pognon. Je vais m’asseoir dans le parc pour manger mon sandwich, un type s’assied à côté de moi pour me demander des clopes. Ou du pognon. Je rentre à l’appartement, j’ouvre mes e-mails, un virement n’est pas passé, mon agent immobilier me demande du pognon. À peine ai-je le temps de répondre au message que mon téléphone sonne, c’est mon banquier, il me demande du pognon. Il faudrait vraiment que je cherche du travail, mais je n’ose pas aller trouver un patron, il va bien se douter que je viens lui demander du pognon.

Voilà, voilà. On peut pas dire que ce soit un grand texte à thèse sur la défense du sans-emploiïsme, mais c’est tout ce que j’avais en stock. En tout cas, on peut pas m’accuser de n’être pas la France qui se lève tôt, comme disait un certain Sarkozy aujourd’hui oublié de l’Histoire et c’est tant mieux. Puisque tous les matins je suis debout à 7h30. Avant c’était 7h45, maintenant c’est 7h30, j’aime être un poil en avance sur le soleil. Vous en connaissez beaucoup vous, des qui se lèvent si tôt alors qu’ils ne travaillent pas et qu’ils ne cherchent pas de travail ? Oui, en fait il y en a beaucoup. Ça s’appelle des « retraités », retenez bien ce mot, un jour vous en rêverez. Oh mais bien sûr, je vous vois venir, 7h30, c’est de la gnognotte. Combien se lèvent à 6h, pour se préparer, déjeuner, lever les enfants, les préparer, les faire déjeuner, les amener à l’école, faire quarante-cinq minutes de voiture jusqu’au boulot, travailler leurs sept heures, et rentrer chez eux, récupérer les enfants, leur faire faire les devoirs, leur faire à manger, manger soi-même, les mettre au lit, se mettre au lit, tomber dans un sommeil sans rêve et rebelote le lendemain ? Tout ça pour un SMIC ? Et ben, si vous croyez que c’est avec des descriptions d’un enfer pareil que vous me donnerez envie d’aller me faire employer… Je comprends que certaines·s aient fait des erreurs au cours de leur vie, ou que d’autres n’aient juste pas eu les moyens de voir le piège se refermer sur eux·elles, mais s’il vous plaît, ne me dites pas que pour vous c’est la seule manière correcte de vivre. Ça c’est pas possible.

En fait, c’est même pas de bosser qui me gène, je crois. C’est de faire ça parce que tout le monde le fait dans des conditions à peu près similaires, dans l’urgence, sans trop se poser de question. Comme si leur survie en dépendait, prennent le premier job qui leur tombe sous la main sans se soucier de ce que ça implique pour eux et pour les autres, d’aller bosser chez McDo par exemple… Ce qui m’ennuie surtout, c’est de faire les choses pour le pognon. Je fais un blocage sur ça. Faire les choses pour de l’argent me paraît sale. Se pourrir la vie, et celle des autres parfois, pour de l’argent… C’est immonde. Travailler à atteindre des objectifs qui nous sont chers, à faire le monde un peu moins moche, à faire que les gens soient un peu moins malheureux, je le conçois et j’admire. Il y a de beaux métiers qui incidemment rapportent à ceux et celles qui les exercent un petit paquet de fric. Ça ne me pose pas plus de problème. Mais il y en a peu dans le genre, et peu de gens qui envisagent le travail de cette façon. Du coup je préfère en rester à mon bénévolat dans les diverses associations qui me tiennent à cœur.

Photo par Gwlad (rue Albert Leenhardt)

Je viens de calculer, là, comme ça pour voir, ces textes que je ponds tous les matins, d’une moyenne de 900 mots par texte, et bien si j’étais payé pour, à 75€ les 1000 mots, ça me ferait un peu plus de 1800€ par mois. Ouais, je sais, faudrait que quelqu’un ose me payer pour ça, sans doute que les autres patrons de presse se moqueraient de lui·elle. Je vais lui économiser ça, je n’irai pas le ou la trouver pour lui demander du travail. Vous voyez, je suis un chômeur altruiste.

Blague à part, ce que je cherche bien maladroitement à vous dire c’est que de ne pas bosser, ce n’est pas simplement le choix du fainéant. Du feignant. Non, définitivement du fainéant. Connaissez la différence ? Oui ? Ben tant pis, je vais la dire quand même, j’ai envie d’étaler ma science. Le fainéant, ou la fainéante, c’est celui ou celle qui fait néant, qui ne fait rien. Au contraire, le feignant ou la feignante, c’est celui ou celle qui feint de faire, qui fait semblant de travailler. Donc soit fait mal la tâche qu’on lui a assignée, soit ne fait rien, seulement il faut démasquer son petit stratagème avant de s’en rendre compte. Le fainéant et la fainéante assument, alors que le feignant et la feignante jouent la comédie. Choisissez votre camp.

Donc, ne pas vouloir gagner de thune, ça va plus loin que de ne pas vouloir bosser. Par exemple je vais bientôt sortir un petit recueil de mes textes écrits pour un magazine gratuit, il y aura d’ailleurs dedans le texte sur la charité que vous avez lu plus haut, ce recueil fera 100 pages, il me coûtera 250€ les cinquante exemplaires. Et il sera gratuit. C’est du suicide me dites vous ? Disons pas du suicide, mais la promesse de ne pas manger équilibré pendant un bon mois pour quelqu’un au RSA. Mais c’est un choix que je fais, un choix motivé par autre chose que l’envie de ne rien glander, vous vous en rendez bien compte ? Enfin, on en rediscutera un jour, si j’ai au moins réussi à vous faire ne serait-ce que pressentir que parfois les gens qui ne travaillent pas, ce n’est pas juste pour profiter des autres, c’est parce que l’argent ne les attire pas ou que l’organisation du travail les repousse, ce sera déjà ça.

Bon. Ce soir il faut bien sortir quand même, on est pas des bêtes. Mauvaise expression. On est des bêtes, mais on n’est pas des bêtes du genre qui vivent au fond des grottes. Bon, z’avez pigé. Et où qu’on va quand on a pas de thunes ? On va là où les concerts sont gratuits et où les patrons·nes nous font pas trop chier quand on consomme pas, j’ai donc repéré pour ce soir cinq [quatre ?] trois concerts gratuits dans le Mama Sound. Ben oui, vous voulez que je les repère où ?

On nous dit que c’est du jazz : Gramophone Stomp à 20h30 à L’Angélus (rue de l’ancien courrier) apparemment c’est un resto, oubliez si vous avez pas la thune, Little Guinguette à 21h au Gazette Café (à deux pas de la gare), et la classique Jazz Session à 21h30 à la Petite Scène (quartier Saint Roch). [On nous dit que c’est du blues : Siryel  à 21h au Willie Carter Sharpe (3 rue Collot, juste à côté de la place Jean Jaurès) Mais paraît qu’ils font chier pour laisser rentrer le gens si y a pas de places assises donc ça voudrait dire qu’il faut absolument consommer, j’irai vérifier ça par moi-même un de ces jours. En attendant, allez-y, allez-y pas, ce sera la surprise]. On nous dit que c’est risqué : soirée Open Mic à 20h30 au Black Out (derière les Halles Castellane).

Voilà. Dites-donc, ils sont de plus en plus longs ces articles. Alors que je n’ai pas de plus en plus de choses à dire. C’est mauvais signe. À demain si je n’ai pas fait un burn-out.