#337 – 柊キライ (Hiiragi Kirai)

Un peu de musique cheloue.

Je vous ai déjà parlé ici du logiciel de musique Vocaloid, un synthétiseur permettant de créer des lignes de chant, musique et paroles. C’est un logiciel de Yamaha, principalement utilisé par des musiciens japonais.

Malheureusement, en cherchant sur internet, on trouve plus de cercles de fans des personnages associés aux banques de sons du logiciel que de bonne musique. La plupart des morceaux trouvables sur le web sont soit complétement amateurs et manquent de finition, soit répondent entièrement aux codes de la j-pop commerciale, que j’ai particulièrement beaucoup de mal à apprécier dans son ensemble.

Mais, il existe quelques artistes qui se concentrent vraiment sur l’aspect musical de leur production, s’inscrivent dans le courant pop sans s’y dissoudre totalement, et viennent se frotter à cette vocaloidmania par le truchement de sons recherchés, à la limite de l’attendu et de l’expérimental, sans essayer de vous vendre des figurines, des posters ou des coussins à l’effigie d’un personnage d’animation.

C’est pour moi le cas de l’artiste Hiiragi Kirai (柊キライ), pour lequel je serais bien incapable d’écrire une biographie, même courte.

(si vous ne connaissiez pas déjà, appréciez l’intégration des commentaires directement sur la vidéo caractéristique de la plateforme niconico)

Tout en étant bien sûr influencé par la musique pop de son pays, le Japon, Hiiragi Kirai fait de bons mélanges étranges. Les paramètres des banques de son (les voix donc) sont chez lui poussées à leurs extrêmes et déformées, coupées, scratchées de diverses manières, ce qui confère un côté étrange, hors de ce monde, inquiétant, à ses musiques. On peut sentir des influences electro, rock, pop, jazz, afro-cubaines et baroques dans l’ensemble des morceaux de l’artiste. Cela peut parfois rappeler les mélanges electro-rock-jazz manouche tant à la mode par chez nous au début des années 2000.

Mais chez Hiiragi Kirai, il y également une volonté d’intégrer des dissonances, des instruments (dont la voix) qui sonnent faux, ou à peine justes et qui rendent le tout moins facilement intégrable à l’idée qu’on se fait d’un morceau mainstream. Ces dissonances voulues soulignent les thèmes sombres que l’on retrouve dans les paroles, et les voix qui déraillent complimentent très bien les émotions instables et hors de contrôle des personnages.

(dans cette chanson, par le choix de sons, la composition et l’esthétique de la vidéo l’accompagnant, on reconnait un hommage aux musiques de Yasushi Ishii, compositeur de la bande son d’Hellsing, entre autres)

Évidemment, un artiste naissant se cherche. Je ne tombe pas en admiration devant tout ce que produit Hiiragi Kirai. Ses premières musiques ne sont pas de mon goût, l’album sorti même après le premier succès (tout relatif, 1 750 000 de vues sur la plateforme niconico en deux ans) d’un de ces morceaux, ne m’a pas franchement emballé. Mais voilà, reste que de temps en temps, je vais voir ce qu’il fait et tombe sur un petit objet musical curieux pas dénué d’intérêt ni de charme.

On commence à sentir qu’il a trouvé le bon filon, la formule qui va bien. Mais est-ce un mal ? Pour l’instant, alors que je vois très bien quels éléments il me ressort à tous les morceaux, il reste assez de variations dans tout le reste pour me procurer assez de plaisir à l’écoute. Hiiragi Kirai est tout de même bien balaise niveau rupture de rythmes et sens de la mélodie.

Au cours de cet article, je vous ai partagé les trois dernières musiques sorties par Hiiragi Kirai, de la plus récente à la plus ancienne, il était donc naturel que je vous quitte sur la chanson qui a attiré mon oreille au tout début, celle qui l’a fait connaitre (tout relativement, comme je disais, il reste un compositeur tout à fait underground à ce jour), sortie en août 2019 :

Je ne sais toujours pas si j’aime ou pas cette musique. Ce que je sais, c’est que parfois, je ne peux pas m’empêcher de l’écouter une dizaine de fois d’affilée. Il y a à la fois quelque chose qui m’attire et autre chose qui me repousse dans ce morceau, et plus généralement dans ses morceaux. Et je trouve ça fort. J’aime ne pas savoir si j’aime. J’aime ne pas savoir quoi faire de cette musique. J’aime qu’elle m’attrape par des détails, et me rende accro car je n’ai pas tout à fait eu ce que j’attendais en l’écoutant et qu’il reste donc un manque à combler.

Dans tous les cas, je garde un œil sur cet artiste.

#321 – Colin prend sa baffe

Combien de fois devrais-je vous le répéter ? Je suis un être d’inconséquence. Ce n’est pas parce que je vous ai dit hier que nous aborderions un nouveau sujet que je m’y tiens aujourd’hui.

Hier, donc, dès la publication de l’article, je reprenais mes recherches sur ce fameux air, et fouillais du côté de la plus vieille source citée sur divers sites. Laquelle est-elle ? Colin prend sa hotte. L’article dit que l’air de cette chanson-là ressemble étrangement à l’air qui nous intéresse, et qu’il fut publié en 1719 par Christophe Ballard.

Pour ma part, je l’ai trouvé dans un livre publié par Christophe Ballard, en effet, mais en 1704 : Brunetes ou petits airs tendres, avec les doubles, et la basse-continue, meslées de chansons a danser. Recüeillies & mises en ordre par Christophe Ballard, seul Imprimeur de Musique, & Noteur de la Chapelle du Roy. Tome second.

Il m’est impossible de résister à écrire ces titres en entiers, c’est comme ça. Vous pouvez retrouver ce livre numérisé sur le site de la bnf ici.

Mais qu’est-ce qui m’a poussé à revenir sur ma parole et vouloir vous le partager aujourd’hui ? D’une le fait qu’il s’agisse encore d’un gougeât qui interagit avec une femme, thème qui à l’air de coller de près à cet air, et de deux le fait que je ne savais absolument pas quoi vous raconter aujourd’hui.

Voilà donc à quoi ressemble cet air de Colin prend sa hotte :

et ce que ça donne une fois joué :

Avec un super son de synthé pourri, j’avais rien d’autre sous la main.

Mais, évidemment, ce sont les paroles qui m’ont intriguées, car on peut y voir un Colin se croyant tout permis, et une Godon ne se laissant pas faire, qui nous rappelle que même avant 1700 le consentement n’était pas une notion purement décorative.

Colin prend ſa hotte,

Et ſon hoqueton :

S’en eſt allé voir

La belle Godon,

Bon, Haut le pied, Fillette,

Ma Mer’ vend du ſon.

S’en eſt allé voir

La belle Godon,

La trouva dormant,

Auprés d’un buiſſon

Bon, Haut le pied, Fillette,

Ma Mer’ vend du ſon.

La trouva dormant,

Auprés d’un buiſſon

Il s’approche d’elle

Luy prit le menton,

Bon, Haut le pied, Fillette,

Ma Mer’ vend du ſon.

Il s’approche d’elle

Luy prit le menton,

La Fille s’éveille,

L’appella Fripon,

Bon, Haut le pied, Fillette,

Ma Mer’ vend du ſon.

La Fille s’éveille,

L’appella Fripon,

J’iray en Juſtice,

J’en auray raiſon,

Bon, Haut le pied, Fillette,

Ma Mer’ vend du ſon.

J’iray en juſtice,

J’en auray raiſon,

Pardonnez la Belle,

A ma paſſion,

Bon, Haut le pied, Fillette,

Ma Mer’ vend du ſon.

Pardonnez la Belle,

A ma paſſion,

La faute en eſt faite,

N’y a point de pardon,

Bon, Haut le pied, Fillette,

Ma Mer’ vend du ſon.

Voilà. C’est pas joli joli.

Vous vous demandez sans doute ce que peut bien vouloir dire « haut le pied, fillette, ma mère vend du son ». Moi aussi. D’après mes recherches, le sens le plus probable en est : « Godon, dépêchons nous de baiser, ma mère est partie au travail ». Mais mère au travail ou pas, il me semble être clair que Godon n’est pas super chaude. Et non, c’est non.

Quant à l’air et à la structure, c’est vrai qu’il y a quelque chose de Kradoutja. Cela dit, c’est tout de même une mélodie très basique, je ne mettrais donc pas ma main à couper que les deux airs soient reliés.


Police d’écriture utilisée pour la reproduction du texte ancien : IM FELL DW Pica. The Fell Types are digitally reproduced by Igino Marini. www.iginomarini.com

#320 – Comment en est-on arrivé là ?

Dans la cour de l’école primaire, mes camarades chantaient une drôle de chanson. Une drôle de chanson fort raciste. C’était le début des années 90, nous étions dans le sud de la France, quasiment les pieds dans l’eau de la Méditerranée, et voilà ce que disaient les paroles :

Je m’appelle Moustapha, et j’habite au sahara,

Je joue du tam-tam sur le cul de ma bonne femme,

Elle me dit : « salaud », alors je sors mon grand couteau,

Elle me dit : « assassin », je lui coupe les deux seins.

Délicieux n’est-ce pas ? On a tous envie de voir son enfant de six ans rentrer à la maison cette gerbante chanson aux lèvres. Mais c’était comme ça, les cours d’école, à mon époque.

Et sur quel air chantaient-ils ça les enfants ? C’est plus compliqué. Disons qu’en France, on dira le plus souvent qu’il s’agit de l’air de « Travadja la moukère », qualifiée de chanson de pieds-noirs, ou de chanson des soldats français en Algérie. Connue, selon les sources, depuis au moins 1910 ou 1940. Belle fourchette. On verra un peu plus loin que cet air est en réalité bien plus ancien.

Voici un court extrait de l’interprétation qu’en fait Mohammed ben Abd-el-Kader :

Extrait de Travadja la moukere par Mohammed ben Abd-el-Kader

Comment en est-on arrivé là ? C’est la question que je me suis posé depuis l’enfance, sans jamais vraiment faire de recherche à ce sujet. Depuis, précisément, que mes parents m’ont offert la cassette vidéo de L’Étrange Noël de monsieur Jack de Tim Burton, qui s’ouvrait sur le court métrage Vincent, du même réalisateur.

Quelle était la bande originale de ce court métrage ?

Extrait de la B.O. de Vincent de Tim Burton, composée par Ken Hilton

Comment. Comment ? COMMENT ??

C’était impossible à comprendre pour mon cerveau d’enfant. Tim Burton avait-il été élève dans mon école ? Chantait-il « Moustapha » sans comprendre la portée des paroles même si ses parents faisaient les gros yeux ? Un vrai mystère.

Bon, clarifions. Il semblerait qu’il s’agisse en réalité d’un air traditionnel Algérien nommé Kradoutja, connu en France depuis le XVIIe siècle. Enfin, c’est ce qu’on dit. Personne n’a retrouvé de partitions en attestant. On trouve par contre des partitions d’airs similaires depuis le XIXe siècle (voire XVIIIe).

Mais comment cet air s’est il retrouvé dans un film de Tim Burton ? Il semblerait qu’il ait été popularisé aux États-Unis par la chanson The Streets of Cairo de James Thornton, publiée en 1895. Depuis, dans l’inconscient collectif américain, cet air est lié à la danse du ventre et aux charmeurs de serpents.

Et les charmeurs de serpents, comment charment-ils les serpents ? En leur jouant de la flute. Et que fait le petit Vincent au début de Vincent ? Il joue de la flûte.

Voilà. Maintenant je sais, et vous savez aussi.

Bon, j’ai rédigé cet article en une heure. Et je me suis bien rendu compte en commençant à me documenter qu’il s’agissait là d’un très gros morceau d’archéologie musicale et folklorique. Je m’engage donc à préparer un petit dossier bien roboratif au sujet de cet air, mais ce ne sera pas pour tout de suite. Laissez-moi du temps.

Je tiens tout de même à vous dire que selon Ethan Hein, aux États-Unis aussi, les enfants, et les adultes, mettent des paroles sur cet air, et voilà ce que cela peut donner :

Ethan Hein cite lui-même le livre Beethoven’s Anvil de William Benzon

Mais ce n’est pas tout ! Wikipédia nous dit : « Alternate titles for children’s songs using this melody include « The Girls in France » and « The Southern Part of France » » ou encore « They Don’t Wear Pants in the Southern Part of France. »

Et voici deux versions des paroles de ces chansons, toujours données sur wikipédia :

There’s a place in France

Where the ladies wear no pants

But the men don’t care

’cause they don’t wear underwear.

ou

There’s a place in France

Where the naked ladies dance

There’s a hole in the wall

Where the boys can see it all

Cavanna disait quelque chose du genre les Français sont pour les Américains ce que les Italiens sont pour les Français, et ce que les Arabes sont pour les Italiens. C’était pas la phrase exacte, c’était peut-être même pas ça du tout. Mais ça illustre bien ce retournement de situation. On remarquera que, dans tous les cas, de Moustapha aux Martiennes, c’est la femme qui est nue, qu’on reluque, qui est l’objet de fascination ou sur laquelle on tape. Pas bravo.

Allez, un petit dossier sur cet air de musique qui traverse les époques dès que j’en ai le temps, et demain un article certainement sans aucun lien.

Bises

#316 – Ce film que cette fois j’ai vu…

…et dont je vous parlais hier s’appelle toujours Don’t Think I’ve Forgotten: Cambodia’s Lost Rock And Roll, et il est remarquable. C’est bien dommage qu’on ne le trouve qu’à la location, et un peu cher.

Que vous en dire maintenant ? Qu’il donne envie de trouver toutes les chansons des artistes présentés ? Oui. Qu’il donne envie de prendre un instrument, de monter un groupe avec ses amis et de chanter ? Oui. Qu’il fait voir comment liesse et horreur sont juxtaposées sans transition aucune sur la frise du temps ? Oui. Qu’il rappelle qu’il n’y a rien à attendre de bon des gouvernements américains ni des communistes ? Oui. Que vous devriez vraiment le regarder ? C’est vous qui voyez. Que si vous êtes sensible vous devriez quand même prévoir un paquet de mouchoirs ? Oui.

Les images sont d’archives. Les interviews sont récentes. Les langues sont le khmer, le français et l’anglais. Les artistes sont, entre autres, Sinn Sisamouth, Ros Serey Sothea, Sieng Vathy, Pen Ran, Huoy Meas, Yol Aularong et les groupes Baksey Cham Krong et Drakkar.

Photo tirée du documentaire de John Pirozzi. Crédits : Roland Neveu/Argot Pictures

Bon, on va pas s’éterniser là-dessus. Matez-le, matez-le pas, à vous de voir. Vous avez toutes les infos nécessaires pour ou pour pas.

Tout cela m’a quand même rappelé que, quand j’étais gamin, le patron de ma mère était Cambodgien. C’était pas un gars très sympa. C’était même un vrai con. Il a viré ma mère parce qu’elle était enceinte de moi, elle avait 21 ans. L’a reprise plus tard. L’a jamais augmentée, alors qu’elle était l’une des meilleure vendeuse de la ville dans son domaine. Ma mère a fini par se barrer de là, avec toute sa clientèle. Tant pis pour lui. Je sais pas comment ni pourquoi ni quand il a atterri en France. Le mec était quand même patron d’une des plus grandes pharmacies de la ville.

Bien plus sympathique, l’une des collègues de ma mère de la même époque était également Cambodgienne, assez maltraitée par ce patron également. Je crois avoir compris qu’elle lui devait quelque chose. Peut-être simplement le fait d’avoir du travail. Elle était extrêmement gentille, et je me souviens d’elle toujours souriante. Elle nous offrait souvent de la nourriture traditionnelle et des nems qu’elle nous disait préparer le soir avec ses enfants devant la télé. Généreuse, et pourtant pas très argentée : au smic, comme ma mère, mais seule avec deux enfants. Son fils était un peu plus jeune que moi et je me souviens que ma mère lui donnait tous mes habits dès qu’ils devenaient trop petits pour moi. Ma mère devait l’aimer pas mal, parce qu’en vérité elle me poussait souvent à lui donner mes habits même s’ils m’allaient encore bien.

Je vous parle de ça… j’avais entre 6 et 9 ans je pense, c’était la première moitié des années 90. Maintenant que je connais un peu mieux l’histoire, je me demande par quoi ces gens sont passés.

Allez, secouons ces souvenirs ! Demain on part sur autre chose. Je sais pas quoi encore, mais je trouverai bien.

J’espère.

#315 – Ce film que j’ai pas vu…

…mais dont j’ai écouté la bande son des dizaines et des dizaines de fois, Don’t Think I’ve Forgotten: Cambodia’s Lost Rock And Roll, est un documentaire réalisé par John Pirozzi.

L’album, de la musique du film, je suis tombé dessus par hasard à la bibliothèque de Lyon. Je l’ai écouté, je l’ai adoré, je l’ai copié, j’ai scanné le livret, j’ai conservé tout ça comme un trésor précieux, car à l’époque je ne trouvais aucun moyen de me procurer le disque ou documentaire sur internet ou en boutique.

Petit saut en arrière. 1941. Norodom Sihanouk a 18 ans. Et 18 ans, ça se fête, on vous fait de beaux cadeaux. Le cadeau de Norodom Sihanouk, c’est d’être couronné roi du Cambodge. Il aurait peut-être préféré un vélo, mais enfin, un cadeau c’est un cadeau, il dit merci et il embrasse la famille parce qu’il est poli.

Et il n’est pas que poli, il est également cultivé et raffiné. Il peint, il écrit des poèmes, il réalise des films, et, comble du raffinement, il renvoie les Français chez eux en 1953 en négociant l’indépendance du Cambodge qui fait jusque là partie de l’Indochine française.

Mais en vérité, ce qu’il aime par dessus tout, ce bon roi, c’est la musique. Il compose, il fait des concerts, il chante, il joue du sax, il connait la musique classique européenne, la musique moderne états-unienne… tout. Il fait monter des orchestres nationaux, fait organiser des concours de chants aux quatre coins du royaume. Il inspire toute une jeunesse à prendre les instruments et à faire du monde sonore un monde plus beau. Le métier de musicien n’était pas un métier noble ? Il le deviendra, en partie grâce à son influence.

Et voilà ce qu’on peut entendre au Cambodge dans les années 60 et jusqu’en 1975 :

Extraits de Don’t Think I’ve Forgotten: Cambodia’s Lost Rock And RollSoundtrack album of the music from the film, et mosaïque de pochettes issue du livret.

Pourquoi jusqu’en 1975 ? Parce que depuis quelques temps déjà, les Américains mènent leur guerre chez les voisins, le Vietnam et déstabilisent toute la région. Sihanouk souhaite que son pays reste neutre, mais perd peu à peu de son influence. En 1970, son régime est renversé au cours d’un coup d’état soutenu en douce par les Américains (pour changer).

Dans une tentative de revenir au pouvoir, il s’allie avec ses adversaires d’alors, des communistes, qu’on appelle les Khmers Rouge. Une grande partie des paysans et des campagnards les rejoignent tout en restant fidèles au roi. Ça peut chémar, s’est-il sans doute dit. Ben ça a pas chémar. Pas du tout.

Les Khmers Rouges n’ont aucune intention de partager le pouvoir, veulent tout mettre en commun mais prêtent pas leurs jouets ceux-là. En avril 1975, ils le prennent totalement, le pouvoir. Ils appliquent alors leur idéologie radicale, radicalement. Plus de possessions personnelles, plus de liberté de mouvement, le pays est transformé en une immense ferme-prison. Et ils massacrent, massacrent, massacrent tout ce qui n’est pas de leur bord, ceux qui ont eu des liens avec le gouvernement précédent, les minorités ethniques. Combien de morts ? Oh… 1,5 à 2 million de personnes. Un quart de la population totale, à la louche, on va pas chipoter.

On estime aujourd’hui que 9o% des artistes et des intellectuels sont morts exécutés, morts de faim ou de maladie. Rock is dead, et c’était vrai.

Cette histoire me hante. Ces chansons aussi. Et si je les aime d’abord pour la musique en elle-même, elles ont maintenant une profondeur inatteignable par un tube de l’été quelconque, grâce à cet album et à son livret très détaillé, où tout ce que j’ai écrit ici est raconté (en anglais), et où sont dressés en doubles pages les portraits d’une quinzaine de musiciens de l’époque.

Et vous savez quoi ? Aujourd’hui, en rédigeant cet article, j’ai découvert que le film était enfin accessible. On peut le louer sur viméo. Vous savez maintenant comment je vais utiliser le temps libre qu’il me reste avant d’aller au travail. Je vous laisse avec le teaser.

Merci les artistes, merci John Pirozzi.

#293 – C’est peut-être de la merde, mais maintenant c’est de la merde légale

Je viens de faire l’acquisition, très légalement cette fois-ci, du synthétiseur Vocaloid et de la voix synthétique nommée Flower. En trente petites minutes, on peut créer grâce à tout ça d’infâmes morceaux pop à base de voix robotiques, ce qui me plaît beaucoup puisqu’en ce moment je n’ai ni le temps ni les moyens matériels de faire mieux.

J’en ai bien bavé pour télécharger des gigabytes à 120 kb/s à l’heure où tous les voisins pompaient la bande passante ce soir, mais j’ai quand même pris quelques minutes pour tester le machin avant de devoir aller me coucher :

Test viteuf de VOCALOID5 et v4_flower

Vous pouvez entendre de la reverb, elle est native du logiciel. Pas mal d’effets sont déjà présents (compresseur, delay, disto… une dizaine en tout) de bonne qualité (c’est un produit Yamaha, les mecs débutent pas dans le métier…), et il y a encore plus de paramètres pour régler finement ses voix et les rendre les plus humaines possible que ce que j’expliquais de vocaloid 4 dans ces articles. C’est même incomparable niveau accessibilité, tous les défauts que je trouvais à l’ancienne version ont été gommés. N’importe quel-le amateur-trice (comme moi) peut en quelques secondes, et avec un peu de motivation, mettre en œuvre ses idées et les faire sonner correctement à grands coups de presets avec cette version 5 du logiciel.

Seul hic, toujours aucun vocaloid francophone. Il faudra faire avec la phonétique anglaise ou japonaise. Perso je prends la japonaise, mais comme je n’ai toujours pas le niveau pour écrire des chansons en japonais, c’est un vrai frein à la création. On reste dans l’onomatopée, les oooh, les aaah, les kiki kaka. Je veux dire qu’on serait forcé d’y rester, dans l’onomatopée, même en prenant plus de 20 minutes pour faire un vrai morceau, faute de paroles originales. Ou faudrait se cantonner aux reprises. Ou trouver un ou une poète du Japon pour nous pondre un joli texte.

Bon ben dans tous les cas maintenant je pourrais faire chanter des kaka kiki à un robot japonais en toute légalité, et qu’est-ce que vous dites de ça ?

#284 – Le temps passe mais pas tant que ça

Aujourd’hui je vis mon troisième vendredi de la semaine. Si si, je vous assure, comme dans ces histoires de science-fiction ou d’horreur dans lesquelles le personnage revis jour après jour la même journée. Comment est-ce possible, hein ? Eh bien avant-hier, mercredi, j’ai cru toute la journée qu’on était vendredi. À un moment mon amie m’a bien parlé de « ce week-end qui arrive » mais comme elle n’a pas relevé mon « donc demain quoi » (ce qui prouve bien que personne ne m’écoute (ou qu’elle a trop l’habitude de m’entendre dire n’importe quoi)) je ne me suis rendu compte de rien. Ce n’est que le soir, tard, avant d’aller au lit qu’elle m’a fait remarquer que non, « demain ce n’était pas le week-end. » Zut, que je me suis dit, je suis bien bête. J’en ai donc déduit qu’on était jeudi et je me suis couché.

Hier, jeudi, j’étais donc persuadé qu’on était vendredi. Ben si, puisque mercredi s’était en fait avéré n’être pas la veille du week-end. Je m’étais dit que je m’étais trompé d’un jour, voilà tout, j’étais loin de me soupçonner d’être assez con pour me tromper de DEUX jours… Et comme hier nous n’avons pas parlé de ce week-end avec mon amie, je n’ai pas pu être détrompé une nouvelle fois. Ce n’est qu’en sentant mon amie sortir du lit tôt ce matin et en ne la voyant pas revenir tard dans la matinée que j’ai commencé à me demander où elle pouvait bien être. Je fus, je dois l’avouer, assez surpris en apprenant qu’elle était au travail dans sa réponse à mon SMS.

Voilà donc comment je vis aujourd’hui mon troisième vendredi de la semaine. Vous pouvez applaudir.

Bon, mais paradoxalement, sans que je m’en rende compte, il se sera bientôt passé un an sans que je fasse réellement de musique. Pas possible ? Si. À Lyon, dans notre petit appartement de 22 m² pour deux, je n’en avais pas vraiment la place. Maintenant que je suis en République Tchèque, j’ai la place. Sauf que tous mes instruments sont encore à Lyon et chez mes parents un peu plus au sud encore que Montpellier. C’est donc pas tout de suite que je vais pouvoir m’y remettre comme j’aimerai.

MAIS ! Puisque j’ai dit qu’il y aurait de la musique sur ce site (je sais plus quand je sais plus où mais j’ai bien dû le dire un jour) j’ai ouvert ici même un nouveau blog dédié :

Musicouilleur

(accessible depuis le menu principal en haut du site)

Je l’ai créé indépendant du blog principal (en apparence, puisque dans les faits c’est le même mais les articles de la catégorie musicouilleries apparaissent là-bas et pas ici) parce que je compte le mettre à jour fréquemment et y faire figurer à terme tous mes morceaux vieux ou récents, courts ou longs, cools ou chelous, et je souhaiterai éviter que le blog principal ne soit noyé là dedans.

C’est que la plupart des morceaux sont plus vieux, courts et chelous que récents, longs et cools et j’ai peur d’ennuyer celles et ceux qui s’en tapent de mes petites expérimentations sonores. Je n’ai pas non plus envie que le blog principal devienne uniquement une vitrine pour mes propres fabrications, je veux qu’il reste un endroit où je peux parler du reste du monde aussi.

Chaque article de ce blog musical sera donc consacré à un morceau, ou à un petit ensemble de morceaux s’ils s’y prêtent, et comprendra :

  • le morceau en question à écouter en ligne
  • la vidéo d’accompagnement s’il y en a une
  • les paroles s’il y en a
  • un commentaire du morceau avec anecdotes et infos sur le contexte dans lequel il a été fait
  • des liens de téléchargement vers l’audio et la vidéo s’il y en a.
  • un espace pour poster vos commentaires (pour l’instant « laisser un commentaire » n’apparait pas à côté des articles, mais il suffit de cliquer sur le titre de l’article et d’aller à la section commentaire tout en bas)

Parce que les morceaux ont beau être plutôt vieux (pour l’instant), courts et chelous, ça n’empêche pas qu’ils sont là et qu’il sera toujours plus intéressant de les consulter de cette manière que par une simple liste de 300 fichiers téléchargeables (qui existera cela-dit aussi et sera bientôt accessible depuis la partie Archivouilleur du site).

En espérant que vous y trouviez des trucs qui vous plaisent. La bise.

#247 – Lyonniais #073 – Vocaloid – mode d’emploi

Hier, Feldo me disait qu’il serait intéressant de savoir comment ça marche concrètement le vocaloid. Alors je vais faire une présentation des éléments de base. Si vous avez déjà touché à un logiciel de MAO, vous allez voir que ce n’est pas sorcier. Sinon, ben vous pouvez toujours en profiter pour vous lancer. Accrochez-vous, ça va être long même si je vais tâcher d’être le plus rapide possible.

Brève présentation du machin

Vocaloid est un logiciel distribué par Yamaha. C’est un synthétiseur et un séquenceur MIDI. Un synthétiseur, vous savez ce que c’est, et un séquenceur MIDI, ce n’est qu’un orgue de barbarie numérique. Vous voyez les orgues de barbarie ? Cet instrument dans la fente duquel on fourre des plaquettes de carton trouées puis dont on tourne la manivelle pour qu’il joue les notes perforées dans les plaquettes ? Voilà. C’est ça. Le petit singe sur l’épaule est optionnel.

Attention, comme je le disais dans un précédent article, les vocaloids sont aussi des chanteurs virtuels. Ils s’achètent indépendamment du logiciel vocaloid. On les appelles normalement « banques de voix ». Donc, pas confondre vocaloid et vocaloids. Avec la version 5 du logiciel, quatre banques de voix sont intégrées. Si vous utilisez une version ultérieur il vous aura fallu en acheter au moins une pour pouvoir faire quoi que ce soit avec, mais de toute façon elle n’est plus à la vente. Donc si vous vous y mettez aujourd’hui, vous aurez forcément des banques de voix intégrées. Moi, j’utilise la version 4 du logiciel, mais ne vous inquiétez pas, la v5 n’est qu’une version améliorée de la v4. Tout ce que je vais vous montrer fonctionnera donc très bien sur les deux versions.

Allez. Vous avez le logiciel ? Vous avez au moins une banque de voix ? Alors lançons la machine.

On prépare le terrain

C’est sobre, c’est simple, c’est… Non, c’est pas beau, mais sobre et simple c’est déjà pas mal.

Vous pouvez déjà voir les blocs essentiels ici.

  • tout en haut, la barre de menu
  • juste en dessous de gauche à droite : les outils pour dessiner vos mélodies et ajuster les paramètres midi / un petit bouton sur lequel nous reviendrons plus tard si j’y pense / les boutons liés à la lecture du morceau (pas plus compliqué qu’un magnétoscope, hein ? Oui je me fais vieux.) / les indicateurs de position, de tempo et de signature rythmique / des informations relatives à la position et durée des notes et la façon dont ces dernières vont s’aimanter à vos barres de mesures ou à leurs subdivisions.
  • En dessous encore l’éditeur de piste. Imaginez que votre orgue de barbarie a plusieurs fentes, chacune de ces pistes en est une. Il y a également des pistes dédiées aux fichiers wav. Pour que vous puissiez synchroniser la musique pour laquelle vous composez votre ligne de chant.
  • Toujours plus bas, l’éditeur de musique, ou piano roll : ce sont vos plaquettes de carton, et c’est ici que vous allez les perforer là où il faut pour que l’orgue de barbarie joue les note que vous voulez entendre. (En fait le terme piano roll vient des piano automatiques qui marchent sur le même principe que l’orgue de barbarie, on y glisse des partitions sur rouleaux de papier perforés et le piano joue tout seul.)
  • Dans la même section, un endroit pour gérer les diverses modifications qui s’appliqueront aux notes que vous aurez dessinées juste au dessus.

Si aucune piste n’est crée (mais il y en a toujours au moins une), ben commencez par en créer une. Patate. Une ou plusieurs si vous voulez faire jouer plusieurs voix en même temps, car on ne peut pas superposer plusieurs notes dans la même piste. On dira donc que chaque piste est monophonique. Elle ne produit qu’une note à la fois.

La piste est créée. Bravo, vous venez de créer une fente dans votre orgue de barbarie, maintenant il va falloir créer les plaquettes en carton sur lesquelles vous allez perforer (enfin, ici dessiner) vos notes. C’est ce qui s’appelle une « part » dans ce logiciel. Plus communément, dans les logiciels de MAO (Musique Assistée par Ordinateur), on appelle ça une région MIDI. Cliquez sur une piste, puis allez chercher « Add Part » dans la barre du menu.

Chaque piste peut contenir plusieurs régions MIDI (les unes après les autres), et pour chaque région vous pouvez sélectionner une banque de voix différente de la précédente. L’avantage c’est que vous pouvez donc alterner les vocaloids sur une même piste si vous n’avez pas besoin de les faire chanter simultanément. En bout de course une piste est souvent égale à un fichier wave, donc c’est de la place économisée sur votre disque dur.

Évidemment, si vous créez plusieurs pistes, ça va vite être le bordel niveau volume sonore. En appuyant sur F3 vous pouvez ouvrir le mixeur. Ici vous contrôlerez le volume et le panoramique stéréo de chaque piste.

Bon. Vous avez créé une piste et une région MIDI (part) sur cette piste. En cliquant avec le bouton droit de la souris là-dessus, un menu déroulant s’ouvrira grâce auquel vous pourrez choisir quelle banque de voix vous voulez utiliser. En gros, c’est le choix de l’instrument.

Moi j’utilise v4flower, parce que c’est ma préférée. On a tous des chouchous.

Tout ça s’annonce bien. Seulement, je ne vais pas faire une mélodie comme ça toute seule sortie de mon imagination. Parce que je suis fainéant. Je vais donc importer une musique déjà existante et reproduire la ligne de chant du refrain de ce morceau. Ce morceau, c’est le générique des Mystérieuses Cités d’Or. Pour importer le fichier un simple glisser-déposer depuis le dossier où se trouve le fichier jusqu’à la piste wave stéréo.

Attention : vocaloid v4 n’accepte que les fichiers wave encodés en 16bit

Maintenant je cherche le tempo de la chanson, je trouve que c’est à peu près 104.5 BPM, donc je double clique sur l’indicateur de tempo que vous avez pu voir sur la première image et je rentre cette information. Vous pouvez voir sur l’image juste en dessous qu’il est également possible de modifier le tempo en cours de morceau, pour cela il suffira de spécifier à quelle mesure et sur quel temps le faire varier.

Ensuite, on s’appuie sur la forme d’onde pour faire correspondre le premier temps des mesures du morceau aux barres de mesure du logiciel et on prie pour avoir trouvé le bon tempo sinon ça va se décaler et… bon ben ça va être la merde parce que musique et voix n’arrêteront pas de se désynchroniser.

Dernier ajustement avant de commencer à dessiner vos notes dans l’éditeur de musique. Sélectionnez les bonnes durées pour la quantification et la durée des notes, sinon vous allez de venir fou·folle. Comme vous le voyez ci-dessous, vous pouvez sélectionner une durée (1/4 : une noire ; 1/8 : une croche ; 1/16 : double croche…) dans ces deux catégories. Le quantificateur (quantize) va déterminer à quelles subdivisions de mesure le début de vos notes vont pouvoir s’accrocher, la durée (length) déterminera la durée minimale des notes que vous pourrez dessiner : noire, croche etc… et quand vous étirerez votre note, de quelle durée vous l’étirerez au minimum.

En gros, si vous sélectionnez 1/4 pour le quantize, vous ne pourrez débuter vos notes que sur chaque temps d’une mesure. Si vous sélectionnez 1/8 pour le length, à chaque fois que vous dessinerez une note le logiciel vous proposera des durées égales à des multiples de croches. Donc plus vous sélectionnez des fractions de petite durée plus vous pourrez ajuster finement le placement et la durée de vos notes.

Avec 1/64, je suis peinard. Ma note peut commencer sur l’une des 64 subdivisions de ma mesure, et je peux dessiner des notes aussi courtes que des quadruple-croches si je le veux.

Maintenant on peut commencer à faire n’importe quoi

Bon, ben voilà. On peut commencer à dessiner nos notes. Sélectionnez la bonne piste et la bonne région. Avec le bouton droit de la souris, cliquez sur le piano roll et sélectionnez l’outil crayon (ou allez le chercher tout en haut à gauche de l’écran comme vous avez pu le voir sur la première image de l’article). Ensuite dessinez vos notes à la hauteur et de la durée que vous désirez.

Voilà la mélodie du refrain du générique des Mystérieuses cités d’or une fois dessinée. Je me suis calé sur la piste wave importée de la musique originale pour retrouver les hauteurs de notes et leur durée.

De base, quand on dessine les notes, elles sont remplies par la voyelle [a]. Voici donc le résultat de mon dessin sans avoir encore modifié les phonèmes de chaque note :

Vous savez que si j’aime autant v4 flower, c’est parce que dans les graves on dirait un·e gamin·e qui fait la gueule, et dans les aigües, ben on dirait la voix du refrain des Mystérieuses cités d’or. Oui, je suis un brin nostalgique comme garçon.

Bon, faites gaffe. De base quand vous dessinez de longue notes, le logiciel vous colle d’office un vibrato, si vous voulez le virer, placez votre curseur à la base des vaguelettes sur la ligne affichée en dessous des notes, maintenez le clic et tirez vers la droite. Si au contraire vous voulez en ajouter, placez le curseur au bout de la partie droite de la ligne horizontale et maintenez le clic en tirant vers la gauche.

Les choses sérieuses maintenant. On va commencer à rentrer les paroles. Attention, très compliqué : double-cliquez sur la note dont vous voulez éditer le phonème.

Maintenant entrez vos paroles. Tadaa. C’est fait. Sauf que. Sauf que v4flower est une chanteuse virtuelle japonaise. Donc ici j’utilise le japonais. Pour passer votre clavier en japonais, y a des tutos partout sur le net, merci de vous y référer.

Donc, pour commencer : une note = une syllabe. C’est pas obligatoirement le cas, mais là c’est un tuto grand débutant, alors on fait simple. Ici, on veut lui faire dire « Esteban, Zia ». Je commence donc par entrer les syllabes japonaises qui sont le plus proche possible du son que je veux obtenir sur chaque note.

エ – テ – バ – シ – ア / E – TE – BA – SHI – A

Les japonais n’ont pas de syllabe « zi », mais ont un « dji » à la place. Pour palier à ça, je veux lui faire prononcer « si » pour le « zi » de « zia ». Mais ils n’ont pas de son « si » non plus. Ils ont « sa », « so », « se », « su », mais avec le i, ça devient un « shi ». Cela dit pas de problème. Le phonème [i] existe, le phonème [s] aussi. Alors allons modifier ça dans les propriétés de la note.

Clic gauche sur la note, puis clic droit : tadaaa, menu déroulant

Voilà ce que me donne le logiciel pour le シ / « shi » : [S i]. Pour le logiciel, ce S majuscule dans la case « phonetic », correspond au son « ch » en français, comme dans chat. Je vais donc modifier ça manuellement.

Attention, confondez pas シ avec ツ et ソ avec ン sinon on va pas s’en sortir.

Je remplace donc le [S] par un [s], qui lui désigne le son ssss. Oui, comme le serpent. Bravo. Vous avez 5 ans ou quoi ?

Une question ? Pourquoi je n’ai pas choisi [z i] ou [dz i] ? Parce que ça passait mal avec v4 flower. Comme je vais vous le dire deux paragraphes plus bas, à chaque banque de voix sa prononciation particulière.

Notez avant ça qu’on n’a pas besoin de changer la syllabe des paroles associées quand on modifie l’aspect phonétique. Paroles et phonétique sont dissociées, même si quand vous entrez des paroles directement dans les notes, le logiciel remplit directement la note avec des phonèmes adaptés. Cliquez sur « protect » pour faire en sorte que même si vous modifiez cette syllabe dans les paroles, les phonèmes que vous avez choisis restent inchangés.

En ce qui concerne les symboles phonétiques acceptés par le logiciel pour les vocaloids japonais, je vous laisse apprendre ça par cœur sur ce site (il existe également un page similaire pour les vocaloids anglais). Sachez toute fois que chaque banque de voix gère différemment les phonèmes, donc pour chacune il faut adapter ses techniques. D’où le fait que la plupart des compositrices et compositeurs restent fidèles à une poignée de vocaloids qu’elles et ils maîtrisent bien.

Si vous êtes assez maligne ou malin, vous aurez pigé que vous pouvez directement entrer les phonèmes dans la case phonetic de chaque note sans passer par le clavier japonais. Ce qui peut être utile, bien que sans savoir quels sons existent en japonais, ça risque d’être assez fastidieux.

Allez, la suite. Je rajoute un « su » (ス) après le « E » de Esteban, et je neutralise le son « u » (noté [M] dans le logiciel) en lui adjoignant un petit [_0] pour qu’il ne reste que le son « s ». C’est ce qu’on appelle un dévoisement, en phonétique. Eh oh, vous vous doutiez bien qu’en voulant faire causer un synthétiseur vous alliez un minimum devoir bosser votre phonétique non ? Sans déconner, veulent plus bosser les jeunes aujourd’hui…

Je rajoute également un [N] après le « ba » de Esteban. Et je fais ainsi pour toutes les autres notes auxquelles il manquait des sons complexes à produire pour des japonais après que je leur avais attribué une syllabe simple.

Voici donc ce que donne donc cette même mélodie avec tout les phonèmes qu’il faut là où il les faut :

Heureusement il n’y avait pas de « r » à prononcer car ce son n’existe pas en japonais. Enfin, à part à « or » de cités d’or, mais c’est en fin de mot donc ça passe.

C’EST PAS TERMINÉ !!!

Enfin, pour moi si, parce que je suis un gros fainéant. Mais voici tous les potards que vous pourriez tourner pour changer le son global de chaque note :

D’abord de succinctes descriptions, ensuite quelques démos.

  • VEL: La manière dont la première consonne est prononcée (sur certains phonèmes c’est l’intensité avec laquelle ils sont prononcés, sur d’autres ça joue sur le timing). N’affecte que les consonnes.
  • DYN: Un bouton de volume en gros. En haut ça gueule, en bas ça chuchote.
  • BRE : Pour rajouter du souffle dans la voix, pour simuler la respiration, ou simplement ajouter un petit grain à la voix.
  • BRI et CLE: Deux filtres type égaliseur qui jouent sur les haut médiums et aigües, jouant donc sur la clarté et la brillance du son.
  • OPE: Un autre filtre qui simule la proportion dans laquelle la voix virtuelle ouvre sa bouche qui n’existe pas. Ce qui étouffe ou rend plus claire l’énonciation.
  • GEN: Pour jouer sur la qualité masculine ou féminine de la voix.
  • POR: pour régler à quel point la note précédente bave sur la suivante.
  • XSY: J’ai pas pigé. Cherchez vous-même.
  • GWL: Pour ajouter du grognement. De la saturation dans la voix.
  • PIT et PBS: Pour modifier manuellement et très finement la hauteur des notes.

On sélectionne ces effets dans le sélecteur d’effets (sans dec…) dont vous pouvez voir le menu déroulant dans l’image du dessus, et on les module avec l’outil crayon en dessinant des courbes et lignes (la partie verte et les barres dans l’image) sous les notes.

Illustrations de quelques uns de ces effets. Évidemment, pour que vous entendiez bien les différences, j’ai poussé les boutons à fond, ce n’est pas très esthétique.

NORMAL
BREATHINESS : souffle
GROWL : grognement

En jouant finement de ces deux paramètres, on peut arriver à reproduire des voix plus réalistes. Mais moi je suis un bourrin donc j’y touche pas trop. Du coup j’ai essayé quand même, pour donner un exemple, mais c’est peu concluant et ça m’a vite saoulé :

BREATHINESS et GROWL presque finement réglés.

Autre exemple, le paramètre GEN pour gender :

Voix plus masculine.
Voix plus féminine (limite enfant là, j’ai trop tourné le bouton)

Voilà. Quand vous avez fini de faire mumuse avec tout ça (moi je ne le fais pas trop, mais si vous voulez un résultat soigné vous devriez). Vous pouvez ajuster vos volumes dans le mixeur si vous avez créé plusieurs voix, ainsi que le panoramique stéréo (ce que j’ai oublié de faire).

Et finalement il ne vous reste plus qu’à exporter le résultat en wave. Plusieurs options s’offrent à vous, elles sont listées dans l’image ci-dessous.

Toujours 16bit max sur la v4.

OUF !

C’est fini. J’en peux plus. Définitivement je ne suis pas fait pour rédiger des tutoriels. J’y ai passé bien trop de temps et j’ai les yeux éclatés. J’espère que vous avez appris deux trois trucs au moins.

Et que vous avez la musique des Mystérieuses cités d’or dans la tronche pour quelques jours.

Avec plusieurs voix pour donner l’effet chœur mais c’est pas fameux, je commençais à en avoir ma claque de ce tuto.

À demain. Et désolé pour les fautes, mais clairement cet article est trop long, je vais pas me relire.

#246 – Lyonniais #072 – Une vraie note de blog

Je dis à mon amie qu’il faut que j’écrive ma note de blog. Elle me dit : « tu en fais une vraie aujourd’hui, hein ? » Alors me voilà parti pour une vraie note de blog, car je suis facilement influençable, et que de toute façon nos deux mètres carrés de coin cuisine sont occupés par la confection d’un pain maison, alors je ne peux pas faire réchauffer les haricots rouges qui vont nous servir de repas.

Une vraie note de blog, une vraie note de blog… Pfff. J’avais promis que je ne parlerai plus de vocaloids, mais en fait je ne fais que ça de mes journées. Difficile de parler d’autre chose. N’ayant pas encore le niveau pour écrire des chansons en japonais, je les fais chanter en espagnol en reprenant toutes sortes de chansons cubaines. Oui, j’aime la musique cubaine. Qui n’aime pas ça ? Les cons. Bravo. Très bonne réponse.

Ce doit être parce que nous avons un grand ciel bleu depuis deux semaines que je me remets à la musique cubaine. C’est un peu la programmation de tout mes printemps et mes étés. Les éternels Buenavista et autres Panchos… Y a du soleil là dedans. Y a des joies et des larmes. De la bonne musique comme on l’aime.

En tentant de reproduire une musique jouée par un groupe cubain sur mon logiciel de musique j’ai fait une étrange découverte aujourd’hui. Les gars sont dans le temps une mesure sur dix. Il y a bien un tempo reconnaissable, mais entre deux parties où ils se calent les uns sur les autres, ça part dans tous les sens. Pourtant, ça sonne d’enfer. Comment est-ce possible ? Ils doivent tellement avoir l’habitude de jouer ensemble qu’ils se connaissent par cœur, et peuvent donc accélérer, ralentir, sans que la musicalité n’en souffre, sans jamais manquer de retomber sur leurs pattes. Au début, j’ai cru que le contrebassiste était à la ramasse, mais en fait ils le sont tous, ou aucun ne l’est. C’est vraiment bluffant. Je suis jaloux.

Ah ! La pâte à pain est dans la machine à pain, je peux donc aller faire la cuisine. Je vous parlerai en détail de la musique cubaine une autre fois. En attendant… euh… ben non. J’ai rien à ajouter

À demain.

#242 – Lyonniais #068 – Fleur contre fusil

Dernier point sur les vocaloids, après je n’en parle plus, promis. Quand on ne cause pas japonais, ou pas assez bien, il est vraiment difficile de trouver quoi leur faire chanter. Le problème c’est qu’on ne peut pas non plus composer un air d’abord et y coller des paroles plus tard quand on n’a encore développé aucun instinct de la langue en question. Les meilleures mélodies pour voix sont celles qui collent avec le texte, qui jouent avec la rythmique et les intonations naturelles du langage. Pour remédier à ça, je m’entraine donc en ce moment en utilisant des textes courts que je trouve ici ou là.

Voici par exemple v4 flower qui vous chante le 9ème article de la constitution japonaise.

ブイフラワ – 日本国憲法第9条

日本国民は、正義と秩序を基調とする国際平和を誠実に希求し、国権の発動たる戦争と、武力による威嚇又は武力の行使は、国際紛争を解決する手段としては、永久にこれを放棄する。

前項の目的を達するため、陸海空軍その他の戦力は、これを保持しない。国の交戦権は、これを認めない。

Pourquoi l’article 9, me demandez-vous, et pas le 7 ou le 10 ? Parce qu’il a quand même de la gueule cet article 9. En voilà la traduction :

Aspirant sincèrement à une paix internationale fondée sur la justice et l’ordre, le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation, ou à la menace, ou à l’usage de la force comme moyen de règlement des conflits internationaux.

Pour atteindre le but fixé au paragraphe précédent, il ne sera jamais maintenu de forces terrestres, navales et aériennes, ou autre potentiel de guerre. Le droit de belligérance de l’État ne sera pas reconnu.

Cela dit, le gouvernement en place au Japon, droite conservatrice, cherche actuellement, et depuis un moment, à modifier cet article. Ou, si vraiment trop de voix continuaient à s’élever pour les en empêcher, à en proposer au moins une réinterprétation. Ce qui a déjà été fait plusieurs fois depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Qu’est-ce que je voulais vous dire aujourd’hui déjà ? Je ne sais plus vraiment, je suis fatigué. Bon ben c’est déjà pas mal, vous avez eu droit à un mini-morceau de musique expérimentale et à un point histoire, vous n’allez quand même pas vous plaindre ?

Allez, à demain.