#390 – Pas concluant

Je me demande si je ne vais pas écrire un peu ici à nouveau.

Après tout, depuis le 30 mai, j’ai arrêté d’écrire, j’ai arrêté de faire de la musique, ou d’inventer tout un tas de petits projets ridicules et irréalisables mais qui me font tant plaisir, tout ça pour me concentrer sur ma recherche de travail. Or depuis ce 30 mai, je peux compter sur les doigts d’une main le nombre de CV que j’ai envoyés.

Pour ce que je veux faire, il est quasi-impératif que je signe un contrat avant la fin du mois d’octobre si je ne veux pas perdre une année. Le supermarché me tue à petit feu. Je démissionne en septembre quoi qu’il en soit. Si je démissionne je n’ai droit à aucune aide. Si je ne trouve pas de travail ni n’ait droit à aucune aide, je ne sais pas payer mon loyer plus de deux mois, et je ne compte pas retourner en France. Encore moins chez mes parents. C’est vraiment la merde.

Ce dernier mois, je suis au plus bas, et ces deux dernières semaines je suis au plus bas du plus bas.

Hier, en sortant du travail où pour une fois j’étais du matin, je suis allé visiter le cimetière d’Ixelles. Ça me fait toujours du bien de visiter les cimetières. En plus du calme, des chants d’oiseaux, des arbres et des chats, marcher entre les morts m’aide à relativiser un peu toutes mes misères. Puisqu’à la fin il n’y a que ça, la tombe, j’en ressors en général apaisé. Prêt à profiter à fond de cette période indéterminée qu’il me reste à gigoter, rire ou même pleurer pourquoi pas, tout ça n’est pas très grave. Il faisait grand soleil, hier. Le cimetière était beau. Il y avait même quelqu’un qui jouait de la guitare entre les stèles. Le temps que j’y suis resté, j’y étais bien. Comme chez moi. Mais ce cimetière ferme tôt, à 16h30, alors je n’ai pu y passer qu’une petite heure. J’ai tout de même réussi à trouver la tombe des seuls résidents que j’y connaissais, Elisée et Elie Reclus. Minuscule entre les autres tombes, la leur se contente de n’être qu’une simple plaque d’à peine un mètre carré.

En sortant, j’ai contacté le seul ami que je savais parfois traîner dans le quartier mais il n’était pas disponible. Et il faisait beau. Et il faisait chaud. Et je me sentais tellement seul. Je me suis dit que tant pis, j’allais prendre une petite bière avec moi-même un peu plus bas, pas loin des étangs. Mauvaise idée, comme toujours quand il s’agit de boire seul. Je n’ai pas su m’arrêter à une. Au bar, j’ai fumé un paquet de cigarettes en deux heures en lisant des textes d’Elisée sur mon téléphone à la batterie mourante. J’ai papoté un peu avec des voisins de table. C’est eux qui m’ont sollicité, je n’ai pas été cet ivrogne qui embarrasse des inconnus. Ce n’était pas désagréable, mais n’ayant pas dormi plus de cinq heures au cours des deux nuits précédentes et n’ayant rien mangé le jour-même alors que j’avais travaillé de 7h à 14h et que le soleil cuisait les crânes, les bières m’ont assommé. Pourtant, j’avais bien fait attention. C’était de la bière blanche ne dépassant pas les 5%. J’ai envoyé des messages à des amis sur mon téléphone. Et puis…

Et puis j’ai failli encore une fois couper tous les ponts après que l’alcool m’a aidé à me convaincre que je ne pouvais pas continuer à imposer une personne comme moi aux gens que j’aimais. Le malaise, le souci que je devais leur provoquer quand ils me savent sur la brèche tout en étant incapable de m’aider en quoi que ce soit n’était pas digne d’un véritable ami. Je n’en ai rien fait. Tant mieux. Je commence peut-être à me connaître, et même saoul je finis par me rendre compte que sans alcool je ne penserais pas ça. Ou pas avec autant d’intensité. À une heure du matin, je suis donc allé me coucher et j’ai dormi jusqu’au lendemain, me suis levé trente minutes avant de devoir filer au travail, pour ne me laisser strictement le temps que de prendre une douche et me laver les dents, et surtout pas de réfléchir beaucoup plus à ma situation.

Je me demande donc si je ne devrais écrire un peu ici à nouveau, car au final je ne cherche pas plus de travail en n’écrivant pas, et clairement ça ne me rend pas plus heureux de n’alterner qu’entre travail-torture et sommeil forcé, avec occasionnellement ici et là une glissade sur pente éthylique qui n’arrange rien.