Les recherches d’appartement

Les recherches d’appartement, c’est comme les endives, disent ceux qui n’ont jamais goûté d’endives mais qui voient bien à la tronche de leur petit copain de table qu’il vaut mieux ne pas s’en balancer une pleine gueulée sans y être bien préparé.

Le premier pas est le plus dur. C’est ce qu’on se dit avant le premier pas, mais on révisera son jugement à chaque nouvelle étape en se confirmant bien que non, finalement, c’est maintenant le plus dur. Allumez donc votre ordinateur, connectez-vous sur « le bon coin », sur « se loger », mais pas sur « de particulier à particulier », ce site est officiellement mort.

Revenons-en aux endives une seconde. Demandons à ceux qui y ont vraiment goûté ce qu’ils en pensent. Interrogeons en un au hasard. Vous, là, alors, qu’est-ce que vous pensez des endives ?

« C’est de la daube. Plus amer que le gland d’un cultivateur de pamplemousses qui se tremperait la bite tous les matins dans sa marchandise. N’en mangez pas c’est dégueulasse. »

Voilà qui nous renseigne bien sur l’état du marché de la location en France.

La seconde étape, maintenant que vous êtes connectés, c’est de se faire une bonne liste d’annonces. Bien séparer celles postées par des propriétaires et celles postées par des agences. Pour ces dernières, trier par agence. Quand on a une centaine d’annonces, on peut commencer à passer les appels.

On remarque d’abord que tous les propriétaires sont des agences. On note ensuite que les agences ne répondent au téléphone qu’une fois sur trois, et que celles qui répondent le font uniquement par sadisme, pour vous annoncer qu’il vous faut être étudiant si vous n’avez pas de CDI, mais que le propriétaire n’accepte de toute façon pas les étudiants. Vous avez un CDI ? Les statistiques disent que non. Tant pis pour vous.

Si toutefois, par un pur hasard, vous aviez un CDI, il vous faudra gagner trois fois le montant du loyer. Autant dire mille cinq cent euros par mois pour loger dans un studio de vingt mètres carrés. Dommage, vous y étiez presque.

À ce moment, trouvez un ami dans le même cas que vous et montez une colocation.

Si vous n’avez pas de CDI, que vous n’êtes pas étudiant, et que vous cherchez une colocation, économisez-vous du temps, mentez. Dites que vous êtes étudiant. Inscrivez-vous à l’Université du Tiers Temps, par exemple, ça peut marcher. Si en plus de ça vous vous appelez Hamid ou Fadila, passez à casto, ils ont de la corde bien solide. À moins que vous n’aimiez fort fort le chicon. Dans ce cas-là, pendez-vous tout de même.

De plus, s’il se trouve que le propriétaire accepte les étudiants, il n’est pas certain qu’il accepte les colocations d’étudiants. Les colocations d’étudiants, pour les propriétaires, c’est ce qu’il y a de pire juste avant la famille arabe.

Vient ensuite le temps des visites. Voilà un jeu très drôle auquel jouer au cours de cette étape, car il faut penser à fréquemment s’amuser pour éviter une dépression fulgurante : le jeu consiste à deviner qui est l’agent immobilier avec lequel vous avez rendez-vous avant qu’il ne descende de son scooter. Indice : chaussures pointues, chemisette bien repassée, pins « Les Républicains » ou « Sarko Revient », c’est lui.

Si un appartement vous a séduit au cours des visites, ça peut arriver, préparez votre dossier. Il vous faudra fournir pour chaque colocataire :

  • La photocopie d’une pièce d’identité
  • Les trois dernières quittances de loyer du dernier appartement loué
  • Une attestation étudiante ou le trois derniers bulletins de salaire en CDI ainsi que le contrat de travail (si on ne vous demande rien de tout cela, faites bien attention à la foudre en sortant de chez vous)
  • Les avis d’imposition des deux dernières années
  • Une photocopie de la carte grise, s’il y a un parking
  • Un RIB

Pour chaque garant, il faudra fournir :

  • La photocopie d’une pièce d’identité
  • Les trois dernières quittances de loyer ou l’avis de taxe foncière ou un acte de propriété
  • Les avis d’imposition des deux dernières années
  • Les trois derniers bulletins de salaires ainsi que contrat de travail ou toute note de pension de retraite, celles du départ ainsi que les avis de versements récents pour chacune des caisses auxquelles vous avez cotisé et tout papier justifiant de ce qui est assimilé à une rente, dont les assurances vie, pour pouvoir retrouver la même somme que sur l’avis d’imposition
  • Un RIB

Attention, dans cette liste se sont glissés des documents que l’agence immobilière n’a légalement pas le droit de vous demander, vous avez légalement le droit de ne pas les leur fournir, mais faudra pas venir pleurer si votre dossier est refusé.

Une fois le dossier déposé et accepté par l’agence, l’agent contacte le propriétaire et vous prévient aussitôt que les colocations d’étudiants ne sont pas acceptées. Comment ça vous n’êtes pas forcément étudiant ? Vous avez menti dans votre dossier ? Ce n’est pas grave, le propriétaire n’accepte aucune sorte de colocation.

Eh oui, avant que le dossier ne soit accepté, l’agent n’osait pas déranger le propriétaire pour lui poser la question. C’est dommage, vous avez perdu une semaine à réunir tous les documents pour rien, pour chacun des membres d’une colocation de plus en plus hypothétique.

[Arrivés à ce point, répétez les premières étapes une bonne demi-douzaine de fois avant de passer à la suite.]

Si le dossier est finalement accepté par les assureurs auxquels se réfère l’agence, et que par pure chance le propriétaire est en vacance, l’agent immobilier peut, tremblant, perlant de sueur et chiant sous lui, prendre ses couilles ou ses ovaires à deux mains ainsi que la responsabilité de vous faire signer un bail. L’endive, c’est maintenant par le cul et sans béchamel que vous allez la sentir passer en payant les frais d’agence.

Voilà ! Vous pouvez désormais déménager, nettoyer votre ancien appartement, faire de la diarrhée en attendant le verdict de l’état des lieux, aménager le nouvel appartement, faire venir vos amis si vous en avez, vous bourrer la gueule et oublier tous ces évènements jusqu’au prochain déménagement, dans deux ou trois ans. Oublier également que chaque jour, tout autour de vous, des milliers de personnes vivent cet enfer, le temps de quelques semaines, mais en gardent à vie le goût amer.