#121 – Montpelliérien #121 – Le Polygone de Montpellier me donne envie de chier dans un sac Gucci

Avant-hier, je prévenais Gwlad que je n’avais plus de photo pour le blog. Vous ne connaissez pas Gwlad ? C’est la première fois que vous venez non ? Gwlad c’est l’une de nos deux photographes, avec Koinkoin. Voilà la réponse que je reçois hier à peu près vers midi :

« BON ALORS, je me suis prise la tête ce matin pendant 30 minutes avec les vigiles du Polygone pour une histoire de photos, alors la moisson sera petite, vu que j’ai dû supprimer mes photos. Résultat je vais pas non plus te donner celles que j’ai faites en dessous, tu sais en bas de Sauramps, l’espèce de passage où la plupart des boutiques sont fermées? Bon j’en ai fait plein là, mais je pense que ça dépend du polyg aussi, alors tant pis. 🙁 »

Le Polygone, pour ceux et celles qui ne le sauraient pas, c’est le centre commercial hideux en plein centre-ville de Montpellier. Pour les autres, peut-être avez vous entendu parler de ce lieu ces derniers mois. C’était à l’occasion de l’éjection du Flunch du bâtiment, z’en ont causé dans les journaux locaux. Oui, Flunch, c’est peut-être de la bouffe de qualité moyenne, mais c’est des repas toujours plus équilibrés qu’au MacMerdo et, surtout, pour 5€ on pouvait se farcir des assiettes de légumes à volonté. Qui allait au Flunch principalement ? Les militaires, okay, z’avaient une réduction. Et qui d’autre ? Les personnes sans abris, les couches sociales les plus pauvres du centre-ville, et les familles nombreuses. Les gens sans le sou, mais qui ne considèrent pas qu’ils doivent se laisser crever de faim pour autant. Pour un 5€ ils pouvaient manger à volonté de la purée, des poêlées de légumes, du riz en sauce, des haricots verts, des salades de pâtes, des pommes de terres sautées, de la ratatouille… Je dis pour 5€, c’était même 4€95. Et pourquoi qu’ils l’ont viré, selon vous, le Flunch, du Polygone ? Parce que ça dégradait leur image de marque. C’était annoncé tel quel dans la Gazette ou le Midi Libre, me souviens plus, mais je l’ai lu. Le Polygone, ce haut lieu de la consommation de masse, ne voulait plus de ces pauvres en son sein. Ils veulent désormais une image luxe. Vous pensez, les clodos dans leurs habits de récup, ou les familles nombreuses qui se font péter le bide entre Zara et les Galeries Lafayette, ça pourrait dégouter les braves gens de s’acheter des chemises à deux-cent boules. Hein, deux-cent boules seulement, les chemises ? Ben oui, on est au Polygone, pas sur l’avenue Foch. Faut pas déconner. Confondez pas consommateurs de centres commerciaux et vrais riches. Heureusement que le Polygone n’est pas sur l’avenue Foch, ils l’auraient viré pour dégradation de leur image de bourges.

Enfin. Je lis le mail de Gwlad et QUOI !!! que je m’écrie chez moi. On censure mes reporters ?! On embête mes amies ?!! Je veux en savoir plus, Gwlad me raconte :

« En fait, après avoir fait les photos au triangle, je me suis dit que pour compléter j’allais en faire quelques unes au polyg, mais genre sans boutique et sans personne, donc j’ai pris quelques photos des passages qu’il y a à certains endroits pour sortir, des escaliers, puis de l’escalator avec celui où il y a un côté condamné (un gamin s’est fait arraché le bras je crois il y a plusieurs mois) [ndr: c’est vrai]. Et là un premier vigile (qui était juste en face de moi, je me suis pas cachée en plus en faisant les photos avec mon téléphone) me dit que c’est interdit de le prendre en photo parce qu’il y a une enquête en cours. Très bien. Devant lui je vais pour supprimer les photos, et là, un autre vigile arrive, puis un gars en costume et mallette, puis un autre vigile. Et là ils voient les autres photos que j’ai faites dans le polygone. « Ah mais madame, vous n’avez pas le droit de prendre des enseignes en photo » le gars en costume, chaud comme la braise. « Ben vous voyez bien, j’ai pris aucune enseigne, personne, juste des passages », et là le premier vigile dit que c’est ok de prendre ces endroits là en photo, mais monsieur en costume n’est pas d’accord et veut que je supprime toutes mes photos. Le truc, c’est que j’ai pris ces photos dans une appli. J’ai déjà cherché plusieurs fois comment supprimer les photos et j’ai pas trouvé. En fait elles restent dans l’appli, et quand tu veux en faire autre chose tu les sauvegardes sur ton téléphone. Donc là j’en avais sauvegardée aucune sur mon téléphone, je montre au deuxième vigile qui a l’air de comprendre un peu mieux la technologie du 21ème siècle (même s’il a dit aux autres « oulala un samsung j’y connais rien, j’ai que des iphone »), comment on sauvegarde, que ça va dans la galerie, et que là dans la galerie de mon tél j’en ai aucune. Mais ça leur va pas que je les garde sous le coude dans l’appli.
« Et c’est pour faire quoi? » dit le gars en costume.
« Rien de plus, je fais des photos tout le temps, j’aime ça c’est tout. »
« Non parce que des photos du polygone il y en a plein sur le site officiel. »
« Ok ok de toutes façons j’ai compris, j’ai pas le droit de faire des photos dans le polygone, j’en ferai rien »
« Oui parce que vous savez ici c’est privé, en plus avec vigipirate…. »
Oui c’est bon, j’ai compris, là c’est un résumé mais ça avait déjà duré bien trop longtemps je commençais à bouillir, alors je leur ai dit:
« Regardez, je supprime l’appli, comme ça je perds tout, on est d’accord? »
Les vigiles ont dit ok, ça a l’air d’être bon comme ça oui (BEN OUI C BON J’AURAI PLUS RIEN) non mais sérieux. Mais le gars en costume voulait carrément que j’aille dans un bureau je sais pas où régler l’histoire, j’ai fait comme si j’entendais pas, genre « bon c’est bon hein, j’ai plus rien, au revoir ». »

Voilà. C’est à peu près aussi minable que ce à quoi je m’attendais de leur part.

Donc, aujourd’hui, pas de photo. Je fais grève. Allez remercier les mecs du Polygone et leur putain d’image de marque. Toujours l’image. Rien que l’image. Surtout, ne prenons rien en photo là-bas, afin que le jour où ce bâtiment s’écroule avec toutes ses boutiques de merde qui se la jouent luxe et font virer le seul restaurant abordable pour tous, rien n’en subsiste. Pas une image, pas un souvenir. Que ces enfoirés-là crèvent la gueule ouverte, j’irai même pas cracher dedans de peur d’étancher leur soif.