#169 – Montpelliérien #169 – Vedi Majula e poi muori

Aujourd’hui, je pars en week-end. Jusqu’à lundi. Près du Lac du Salagou, dans la maison de mes amis. Celle dont je vous avais déjà causé. Mais si, je vous en avais causé. La baraque dans la campagne de tous les dangers. Vous vous rappelez pas ? J’ai une mauvaise mémoire, mais alors vous… C’était il y a même pas cent jours ! Je le sais parce que c’était l’article #097. Ah, vous voyez. Pouvez pas nier. Tout est écrit, tout est archivé. Essayez pas de m’avoir.

Bon, enfin tout ça pour vous dire que j’y vais et que je n’ai pas beaucoup de temps pour rédiger ma note de blog. En ce départ précipité, les questions ne manquent pas de bousculer à l’intérieur de mon petit crâne. Je les entends heurter les parois. Comme c’est un peu vide là-dedans ça résonne bien. Des questions essentielles. Est-ce que j’ai bien pris mon chargeur ? Est-ce que j’ai bien pris ma brosse à dent ? Est-ce que je passe acheter des anti-histaminiques ? Aurai-je assez de tabac jusqu’à lundi ? Je n’ai plus de t-shirt propre, est-ce que je prends celui à manches longues alors qu’il va faire 30°C à l’ombre ou est-ce que je vais garder le même deux jours d’affilée et sentir le hareng pendant le trajet retour en bus ? Devrais-je plutôt augmenter mes stats en vitalité ou en adaptabilité ?

Ah oui, j’ai continué à jouer à Dark Souls II. Je ne peux pas vous le cacher. Même si j’ai un peu l’impression de perdre mon temps en jouant aux jeux vidéo, je n’arrive pas à décrocher. Dernièrement, j’ai ce souci vis-à-vis de tous les « divertissements », l’impression de perdre mon temps, de ne pas faire ce que je devrais être en train de faire. Même composer de la musique me paraît futile. Je ressens comme une sensation d’urgence, je me sens exister dans un monde où l’esprit d’entraide se meurt à grande vitesse, j’ai la sensation qu’il y a de trop de gens dans la merde tout autour pour rester chez soi devant un écran pendant des heures sans se bouger le cul pour aider dès qu’on peut. Évidemment, lire quelques paragraphes d’un bouquin, se bercer de quatre accords, mater quelques minutes d’un programme quelconque par ci par là, ça va, mais dès que ça commence à prendre des heures de temps, là, ça bloque. Je m’imagine des situations. Je pense à mes amis·es qui crèvent la gueule ouverte de misère, ou persécutés·es, pendant qu’une bande de consommatrices·eurs chevronnées·s, à quelques dizaines de mètres de là, matent leurs séries américaines en boucle en twittant comme c’est joli au lieu de leur porter assistance. Ça me fout la haine. Je pense ensuite à tous ceux et toutes celles qui sont vraiment dans des situations de merde et qui se demandent si quelqu’un va bien finir par venir les aider un jour, et à nous-moi-tous, culs vissés sur nos sièges, à triturer la manette, à passer des heures pour créer une mélodie dont tout le monde se fout, à se noyer dans les lectures, dans les heures d’images filmées qui nous aident certainement, c’est vrai, à mieux envisager l’autre, à devenir moins cons, mais qui dans l’excès nous prennent également tout le temps et la volonté nécessaires à faire quoi que ce soit de cette sensibilité qu’elles nous ont permise d’acquérir.

Photo par Gwlad (impasse Louis Armstrong)

Enfin, comme j’essayais de vous le dire avant d’être emporté par le tourbillon du désespoir, ça ne m’a pas empêché de passer trois heures à déglinguer du mort-vivant hier, et à recommencer ce matin dès le lever. Je ne nie pas les contradictions qui m’habitent, celles-là aussi font du boucan sous ma calotte crânienne. Je mets cette pâle addiction sur le compte de cette période de transition pour moi. Je me suis retiré des associations Montpelliériennes en vue du déménagement, maintenant je ne fais qu’attendre. Et l’attente sans action possible, c’est étouffant. Mais la vérité, c’est que Dark Souls II est sans doute le jeu qui me plaît le plus de ces dix dernières années, simplement parce qu’il est très bon, très frustrant, très jouissif quand on réussit à avancer. Et je me pose une question, avant de partir à la campagne : après avoir été tué puis ressuscité une bonne trentaine de fois autour de ce feu de camp dont le combustible semble être composé d’ossements humains, après avoir combattu les hordes infernales qui infestent Drangleic avec l’acharnement et le coup d’épée d’un véritable héros, débarrassant ainsi le monde des forces des ténèbres, après avoir mis sa petite branlée à un chevalier de Heide en un clin d’œil et sans comprendre pourquoi tout le monde en était si terrifié, vais-je réellement mourir ce week-end, mordu par une minuscule veuve noire, non sans avoir au préalable poussé un cri aigu de petite fille ? Si je ne poste plus du week-end, il sera toujours temps de vous inquiéter. Ou alors ce sera simplement que je n’ai pas trouvé de wifi.