#331 – J’ai passé la nuit

Les yeux me piquent un peu, j’ai le bras gauche bloqué, mais je ne me suis cogné sur rien et n’ai donc pas commencé à me décomposer sur le parquet dans le plus grand secret des voisins. Relisez les deux billets précédents si vous ne comprenez rien.

En allant me faire piquer, j’ai pu constater une fois de plus que les anti-vaccins avaient pris les stickers comme armes de communication massive.

C’est dangereux parce que c’est drôle et percutant.

Mon ami Feldo m’a dit qu’à Montpellier, c’était aussi le cas. Mais à Montpellier, les gars sont nuls en communication, aucune chance que ça ne marque les esprits.

Nul. Niveau facebook.

Je ne suis pas un anti-anti-vaccin. Enfin, dans une certaine mesure, si. Mais, j’essaie de ne pas mettre tout le monde dans le même panier, je fais un effort pour comprendre d’où vient ce rejet. Certains raisonnements ne sont pas tout à fait à jeter. Il serait idiot d’avoir une confiance aveugle en la médecine, science ayant connu plusieurs révolutions, appelée à revoir encore sa copie au cours des siècles à venir, et sans doute à jamais. Comme, tout en comprenant l’importance de la vaccination à grande échelle, on peut partager une certaine inquiétude vis à vis des gouvernements qui s’entrainent à rendre obligatoire ou interdire un certain nombre de choses sur des périodes très courtes et sans demander leur avis à personne. Ou encore, on peut tout à fait raisonnablement se méfier des conséquences possibles de la cupidité des grandes entreprises pharmaceutiques sans se mettre à croire en un complot mondial.

Anti-vaccin ou pas, s’il y a un comportement humain qui me laissera toujours songeur, c’est celui qu’adoptent certains une fois placés dans une file d’attente. Personnes charmantes hors file, vrais cons prêts à tous les subterfuges pour gratter trois places une fois dedans. Il se trouve qu’hier, au centre de vaccination, la file était longue, zigzaguait le long d’un escalier et se prolongeait de plusieurs mètres sur le trottoir. Ça faisait long à redescendre pour ceux qui pensaient gruger le personnel à l’entrée. Tant pis pour leur gueule.

À l’entrée du centre, des dessins d’enfants nous attendaient.

Là, j’avoue qu’en voyant ça, tout raisonnable que je suis, j’aurais pu repartir chez moi.

Enfin, on est passé à la piqure. C’était le même médecin/infirmier/piqueur professionnel qui m’avait administré la première dose, j’étais donc en confiance. Trente secondes plus tard, j’écrivais à mes amis : « Putain il ma défoncé l’épaule ce con. C’était le même mec qu’à la première dose, il m’avait fait ça sans que je sente rien. Il a cru que ça y était, qu’il m’avait sous son charme, plus d’effort à faire… Si j’avais couché avec il aurait pété au lit après l’amour. »

C’est la morale de mon histoire. Quand on a des attentes, on est toujours déçu. La piqure m’a fait mal alors que je m’attendais à ne rien sentir. A contrario, je me porte bien mieux qu’après la première dose, alors que j’avais bon espoir de faire sauter un jour de travail pour cause de fièvre. Qu’est-ce que vous dites ? Rien dans l’article ne mène à cette morale à part le paragraphe précédent ? Je vois. La morale de cette histoire, c’est que quand on a des lecteurs comme vous, on se demande si on ne ferait pas mieux de se mettre à Instagram.

À demain peut-être.

#330 – Sauter le pas

C’est le grand jour. Le ? Jour de la deuxième dose. Vous me vexez un peu. Pourriez lire le blog plus assidument, sans ça je dois me répéter et c’est embêtant pour ceux qui suivent. Bon. La grande question est : vais-je survivre ? Les statistiques disent que oui. Il n’y a pas de raison, sauf à me cogner la nuque sur l’angle d’une table entre deux tremblements. C’est possible. Improbable, d’autant que la seule table chez moi a les angles arrondis, mais possible. On me retrouverait alors dans une semaine ou deux déjà bien liquéfié. J’accepte l’idée d’être enterré, brûlé, mais épongé ça va trop loin.

À ce sujet, j’ai eu ma mère au téléphone, dimanche dernier (je précise pour les archéologues des siècles à venir qui voudront dater les évènements avec rigueur, eu égard à l’importance des mes travaux sur les générations futures), qui me demandait quand mon amie rentrait de voyage, et si je n’avais pas envie de la rejoindre avant, car elle n’aime pas me savoir seul. Je n’ai rien osé lui dire. Mon amie qui ne l’est à demi-plus déjà est partie en vacances, mais ne reviendra sans doute pas tout à fait. Oui, je vous raconterai. Les choses se décident. Enfin, nous décidons des choses. Comme par exemple faire appart à part quand elle rentrera. Mais chaque chose en son temps.

Un collègue de travail fait également le vaccin aujourd’hui, il a trouvé une camionnette à Flagey qui faisait ça. Il m’a dit leur avoir dit : « ça, j’aime bien que vous veniez à moi, là okay, je veux bien le faire. » Ce n’était pas de l’humour. Très honnête, très sérieux, qu’il était. Moi, décontenancé. S’il n’avait pas trouvé ce centre ambulant, il n’aurait pas fait le vaccin. Pourquoi ? Parce qu’il estime que chacune des deux parties doit faire un pas vers l’autre, et pas seulement lui. C’est une drôle de manière d’envisager le monde. On sent les déceptions amoureuses de toute une vie pesant sur la région de son cerveau dédiée à sauter les pas qu’il faut bien parfois sauter.

J’ai en général une certaine tendresse pour les colleurs et -leuses de stickers, mais là… fait bien de rester anonyme.

Cela fait d’ailleurs dix minutes que je me demande quoi vous raconter d’autre. Sautons le pas. Arrêtons là. Ne nous demandons même pas pourquoi sauter le pas est bien défini comme : « après avoir pesé le pour et le contre, se décider d’agir même si la situation est risquée » sur le site linternaute, alors que sur le site du Parisien on trouve : « ne plus avoir les moyens physiques et les fonctions nécessaires pour prolonger sa vie. » Contentons-nous de plaindre les lecteurs du Parisien.

À demain si tout va bien.