#385 – Journal à poils

Arrivé au dernier rouleau de PQ, j’ai dû me rendre à l’évidence : il allait me falloir faire des courses. Vous le savez aussi bien que moi, tant qu’on a du PQ nul besoin de mouchoirs ni d’essuie-tout. Le PQ remplace tout. Mais attention ! On sépare bien les rouleaux. Il y a celui dans les toilettes, et il y a celui dans la cuisine. Et voilà, donc, qu’il ne m’en restait plus qu’un. J’allais devoir choisir entre aller aux toilettes ou me moucher. C’en était trop. Même pour un homme qui se satisfait de peu comme moi. Je me suis donc rendu au Lidl. Tout s’y est bien passé, si ce n’est que l’heure d’ouverture du magasin correspondait exactement au moment où la pluie a commencé à tomber. Mais enfin, je veux bien croire qu’il s’agissait là d’une coïncidence.

Non, là où les choses ont pris un tour inattendu, c’est quand, sortant du Lidl, je me suis dit : tiens, et si on allait au Lidl du non-alimentaire, Action. J’avais envie d’acheter une statuette de bodhisattva dont je scierai la tête pour la remplacer par celle d’une autre statuette tout à fait ridicule que je trouverai dans un autre rayon du même magasin. J’ai parfois des envies d’art plastique que je ne m’explique pas.

Et voilà comment une heure plus tard, je rentrais chez moi, plus léger de 10€, mais heureux propriétaire de deux éventails en plastique rouge, deux marqueurs permanents noirs pour dessiner sur mes deux éventails en plastique rouge, un paquet de post-it multicolores, une pochette de stylos à billes non moins multicolores, une machine à faire des étiquettes en relief manuelle que j’ai déjà cassée après avoir fait une seule étiquette « non » que j’ai collée sur ma porte d’entrée, et surtout, SURTOUT

Des cahiers moumoute.

Oui. Regardez-les bien. Vous ne rêvez pas. Leur moumouterie n’a d’égale que leur laideur. Même leur couleur est hideuse. Vous ne pouvez pas savoir quel dégoût mêlé de joie intense j’ai pu ressentir en les apercevant. J’étais sous le choc. Comme un coup de lame, taillée dans une dent de caniche, en plein dans le cœur. J’en ai eu des palpitations. Sans même encore les avoir touchés, on a une furieuse envie de les balancer violemment au sol de la salle de bain pour s’essuyer les pieds dessus en sortant de la douche. Évidemment, j’en ai acheté trois, un de chaque couleur. La sainte trinité de la dégueulasserie papetière absolue. Vous aurez remarqué que j’ai également acheté le stylo qui allait avec.

Enfin bon, que faire d’eux maintenant ? Je ne vois qu’une seule utilisation possible. Écrire la première chose qui me passera par la tête sur les 5 à 10 premières pages, et les égarer volontairement en quelque lieu de Bruxelles, en espérant que d’autres êtres élus fassent de même, et ainsi de suite, jusqu’à ce que de génération en génération de propriétaires, la moumoute soit si usée, si pleine de crasse et de peaux mortes, et de tâches de ketchup, et de poussière, qu’il ne reste plus qu’à les exposer dans un musée de la littérature populaire et collective anonyme ou les brûler.

Je dois partir au travail, mais de là que j’en sorte dans quelques heures, je sais que je n’aurais de cesse de penser à mes cahiers moumoute qui n’attendent plus que moi, plus que vous. Je dormirai peut-être avec ce soir.

2 réflexions sur « #385 – Journal à poils »

Les commentaires sont fermés.