#314 – Recopieur !

Ce matin, je me suis levé tôt. En manque d’inspiration, je me suis dit qu’une petite balade, en plus de me faire tomber le gras du bide et de m’emplir les poumons du bon air sain du centre-ville, m’aiderait sûrement à la trouver. L’inspiration, c’est quelque chose ! C’est quelque chose qui vous donne envie de faire quelque chose. C’est quelque chose qui vous donne parfois une idée précise du quelque chose à faire. Mais attention ! Si l’idée est trop précise, ce n’est sans doute plus de l’inspiration mais du plagiat.

Et voilà, j’ai marché, marché, marché… et rien n’est venu. Alors cinq minutes avant de rentrer, j’ai pris la photo du premier truc qui me tombait sous les yeux. Un collage qui m’a fait sourire en passant. On ne peut pas dire que la photo soit très inspirée, ni originale, ni complètement du plagiat même si je profite du travail d’un·e autre pour faire le mien alors que je n’ai pas d’idée. Après tout, il y a des livres entièrement constitués de photos de street art dont les bénéfices ne vont qu’aux éditeurs et photographes.

Crédits : Photo de moi. Dessin et collage de… Janki ? Jonki ? Tanki ? Tonki ? Janla ? Tonla ? Tarki ? On lit pas très bien. Tag derrière le collage de Roni ? Les plagiaires et voleurs de paternité s’arrêteraient là, mais nous savons vous et moi que cela relèverait de la malhonnêteté intellectuelle. Cette photo n’aurait en effet jamais pu exister sans le papier sur lequel est réalisé le dessin qui en est l’objet principal. Papier que beaucoup pensent être une création de l’Égyptien monsieur de Papyrus, mais qui à la vérité, de ce que l’on en sait, est l’invention de monsieur Cai Lun (prononcer 蔡伦 ). Il ne vous aura pas échappé que ce papier est collé, créditons donc l’inventeur de la colle, du premier ou de la première à en avoir enduit un papier. Évidemment, il faut également citer l’entreprise ayant fabriqué ce papier-ci précisément, entendons par là toutes les personnes y aillant travaillé, du PDG au personnel de ménage empêchant au quotidien le lieu de devenir un dépotoir, permettant ainsi d’y travailler dans des conditions tolérables, sans oublier les ingénieurs ayant soigneusement étudié le grammage idéal du papier, la texture, et la brillance adéquates, ainsi que les matériaux à utiliser pour y parvenir. Mais cela serait oublier les personne ayant débité et fourni le bois, ainsi que ceux ayant planté et entretenu les arbres. Il faut également citer, pour le tag, l’inventeur de la peinture, de la peinture blanche précisément, de la peinture blanche en bombe, de la bombe, du capuchon pour ne pas que la peinture sèche, l’inventeur de l’aluminium et du plastique. Mais aussi, sans quoi le tag n’aurait pas existé faute de support, l’inventeur de l’aggloméré, et de la plaque d’aggloméré qu’on pose sur les fenêtres pour les condamner, et de celui ou celle qui a eu l’idée de coller un papier, brun ici, sur l’aggloméré pour faire plus propre (pour la paternité du papier, voir plus haut). Il faut également nommer les ouvriers ayant fabriqué cette plaque, ainsi que ceux qui ont conduit le camion pour la transporter jusque là (et les inventeurs du camion, du moteur, de l’huile, de l’essence et plus généralement de tout ce qu’on trouve dans un camion, et le constructeur), ceux et celles qui l’ont posé, mais également qui en ont donné la consigne. Sans oublier les maçons, contremaîtres, commanditaires qui érigèrent cette maison sur la fenêtre de laquelle on a installé cette plaque, les tailleurs de pierre, charpentiers, architectes, propriétaires et locataires l’ayant entretenue jusque là puis abandonnée. N’oublions pas le bourgmestre ainsi que toute personne ayant contribué à faire une rue à cet endroit-là pour qu’on puisse y faire une maison. Enfin il faut bien admettre que cela n’aurait jamais été rendu possible sans les personnes ayant inspiré tous ceux nommées plus haut, ainsi que ceux qui les ont engendrés et leurs aïeux à eux. Je me rends bien compte maintenant, et alors que je n’ai pas cité les inventeurs de la photo, des smartphones, des internets, des stylo-feutres et j’en passe, que je n’arriverai jamais à faire la liste exhaustive des hommes et femmes sans qui cette image qui restera pour toujours gravée dans les mémoires n’aurait pas existé, mais tout honnête intellectuellement que je suis, je vois mon pourcentage de droits d’auteur potentiels se réduire peu à peu à peau de zob, et je préfère donc m’arrêter là. Bon joueur, je vous laisse le soin d’avertir les autorités compétentes si vous pensez avoir été lésés car votre nom n’apparait pas ici.

Rien à vous raconter aujourd’hui donc. Bien sûr j’aurais très bien pu profiter de l’occasion de cette photo de collage pour vous faire un petit discours sur l’absurdité du droit d’auteur, mais j’ai un peu la flemme.

À demain si tout va bien.