#294 – Ortographe et Expressions Françoises.

Les réformes de l’orthographe, on en cause, on en causait, on en causera toujours. En cela c’est un parfait sujet pour déclencher une belle engueulade familiale au réveillon, dans quelques jours. Essayez, vous verrez, ça vous évitera peut-être de vous y emmerder comme tous les ans. Notez tout de même que l’ampleur de l’engueulade est proportionnelle au nombre d’enseignants présents autour de la table, et que si votre famille est constituée uniquement d’enseignants, par mesure de précaution, appelez les pompiers avant de lancer le sujet. On en causait déjà, donc, en décembre 1665, des réformes de l’orthographe. Un certain D. E. D. nous fait le topo.

NOVVELLES
svr
LES SIENCES

Mercredy 2. Decembre m. dc. lxv.
Par D. E. D.

(…)

ORTOGRAPHE ET EXPRESSIONS
Françoiſes
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L’Ortographe, ou la droite & veritable écriture, êt celle qui répond plus parfaitement à la prononciation, & à l’uſage des Savans. Pluſieurs veulent que par l’Ortographe on évite encore les Equivoques, mais on ne les évite gueres que par le ſens, lequel il faudroit avoir perdu, ſi par exemple quand un Cavalier demande ſes botes, on le croyoit parler ou des botes de foin, ou des coups de fleuret, qu’on dit encore & qu’on écrit botes. L’Equivoque que ie voy plus generalement évitée par la nouvelle Ortographe, êt des i & des u conſonnes ou voyelles. Car aujourd’huy l’u quarré & l’i ordinaire sont voyelles : l’v rond & l’j long consonnes, par exemple dans le nom de cét Auteur jevius.

Ie croy que le retranchement des létres ſuperfluës, lequel on peut en ce temps remarquer dans la plus part des Livres, vient des Etrangers & des Hollandois principalement : de quelques Meſſieurs de l’Academie Françoiſe : de defunt Monſieur Sancteuïl : enfin de pluſieurs autres qui écrivent à peu prés comme on parle, & qui dans les connoiſſances qu’ils ont des Langues, ne craignent pas qu’on leur reproche d’ignorer la Gréque & la Latine, dont la nôtre dépend.

On a donq premierement rentranché l’S de tous les mots où l’on ne l’entend pas, comme d’être & de connoître. 2. l’H de pluſieurs autres mots : comme de Caractere, de la ſeconde ſyllabe d’Ortographe & d’Auteur qui vient d’Auctum pris dans Lucrece pour faire. 3. le P de Domter, qui vient de domitum. 4. le C de Savoir, que l’on voit eſtre tiré de ſapere. Pour le mot de Sience, il êt vray que les Latins l’écrivent aveq un C. Mais on peut aprendre dans l’Ariſtarque de Voſſius, que les Antiens le prononçoient comme un K ou un Q, & comme nous prononçons la premiere ſyllabe de Squinance. S’il falloit toûjours suivre l’Ortographe Gréque ou Latine, il faudroit écrire gar pour car, & grephe pour gréfe, Prebſtre, doubte, Cæſar, l’Hom ou l’Homme dit, au lieu d’on dit. Enfin on a retranché d’autres létres, comme l’un des deux a d’âge, le premier a d’à ſavoir, & l’e d’eu que quelques-uns écrivent û, le t de fruis, & ſemblables.

Rien ne choque davantage la plus part des Lecteurs, que de voir le verbe êt ſans s : enquoy ils témoignent peut-être plus d’habitude que de raiſon. Ils écrivent être & eſt : comme i’eſpere qu’ils écriront mettre & meſt pour met. Si l’écriture ſelon eux fait de la diference entre les choſes : comment n’en fait-elle point entre le verbe & le vent d’eſt. La raiſon qu’ils raportent, qu’on prendroit êt pour & conjonction, êt nulle. Car le ſens & l’accent l’en diſtinguent aſſés : comme ils diſtinguent aſſés ſon é ouvert des autres ſortes d’é, que les Grammairiens de nôtre langue expliquent.

On n’a pas ſeulement retranché des létres : on en a encore changé, comme ph de Filoſofe. Et à n’en mentir point, c’êt une maniére d’écrire, ſi on la ſuivoit, commode pour abreger, & pour éviter encore la prononciation de Pfiloſopfe, comme celle de Pfundanius pour Fundanius, remarquée par les Antiens.

Quelques-uns ont encore changé en s l’x final des mots, par exemple de ceux-cy, aus deus animaus, & l’s en z, uzage. M. Du Rier a encore changé le c final en q, par exemple dans aveq, afin de fermer le mot enſemble & la létre, car c n’êt qu’un q fermé, & afin de garder la méme létre dans l’alongement du méme mot, aveq avèque. Pluſieurs ont pareillement changé au en o comme en Povreté, où nul ne peut prononcer Pou-reté, à moins d’ignorer les premers élemens de l’Ortographe, & la diſtinction des létres.

Ce qu’on pourroit ſouhaiter, ſeroit d’étendre ces retranchemens & ces corrections de nôtre écriture, à quelques maniéres de nôtre expreſſion : car pour celles de la vie, ie les laiſſe, & ne parle que du parler méme. Surquoy ie m’étonne, qu’en la perfection où êt preſentément nôtre Langue, pluſieurs diſent & écrivent ou deux mots pour un : encore bien que, comme par exemple, puis apres, pour & afin, enfin pour concluſion, ou un mot pour un autre, comme auparavant luy pour avant luy, dedans les Livres pour dans les Livres, Chez Platon pour dans Platon.

En cette Sentence mémes : Il êt des Maîtres comme des Medecins : il faut toûjours prendre ceux qui ont plus d’eſprit, de doctrine, d’experience, & de fidelité, ce ſeroit ce me ſemble un pleonaſme ou une abondance vitieuſe, de dire le plus d’eſprit, le plus de doctrine.

Entre ces autres expreſſions : un Homme ſe remuë, une choſe ſe fait ou ſe dit : la premiere êt bonne & veritable. Mais pour les deux derniéres & toutes les ſemblables, il me ſemble que les gens d’eſprit commencent d’en corriger le contre-ſens, & de croire qu’une choſe ne ſe fait pas & ne ſe dit pas elle-méme : mais qu’on la fait & qu’on la dit, &c.


Source :
D. E. D. « Ortographe et expressions Françoises. » Nouvelles sur les siences, 2 décembre 1665, Paris, 1665, pp. 2–4.

Disponible sur Gallica.


Espérons que ça fasse relativiser un poil les puristes à la chouinette sensible qui passeraient par ici. Quoi ? C’est bientôt Noël, on peut toujours rêver.

#282 – J’ai l’impression de courir partout le cul vissé sur ma chaise

Voilà, c’est la course les fesses bien posées. Un entretien d’embauche qui s’est bien passé, une journée d’essai prévue pour mardi… il se pourrait que d’ici la semaine prochaine je n’aie plus une minute à moi. Du moins le temps de m’habituer au nouveau rythme. Alors je cours, je me dépêche, j’essaie de faire tout ce qui va me prendre le plus de temps sur le site pour n’avoir plus qu’à poster gentiment juste ce qu’il faut, là où il faut, par la suite.

Du coup, depuis samedi dernier :

  • J’ai créé les sections musicouilleur, dessinouilleur, cherchouilleur, textouilleur, trucouilleur, archivouilleur et contactouilleur.
    1. Dans la partie musicouilleur, j’ai seulement rapatrié quelques uns de mes morceaux chelous et en chantier qui trainaient sur soundcloud. Il en manque pas mal. Disons les plus anciens et les plus récents. Pour l’instant tout ça est enfilé à la queueleuleu (à… à… à… à… à la q… Voilà, les plus de trente ans l’ont dans la tête pour trois jour) mais je compte trouver une façon d’organiser ça bien comme il faut.
    2. Dans la partie dessinouilleur, pour combler le grand vide, j’ai balancé tout ce qui était « pixel art » (le art est sans doute en trop). Mais dans cette section-là, il y aura tout ce que j’ai fait de graphique. Pixels ou papier.
    3. Dans la partie cherchouilleur, dédiée aux recherches thématiques dans des corpus de textes anciens, j’ai quasiment fini de rédiger tous les textes concernant les Pierres de Serpent. Enfin, tous ceux qui étaient mentionnés dans la bibliographie jusqu’ici. Il ne reste que deux textes de Kircher en latin à reproduire. Je dis tous ceux qui étaient mentionnés dans la bibliographie jusqu’ici parce que depuis j’en ai trouvé beaucoup d’autres. Le but étant de faire une bibliographie exhaustive, je les rajouterai petit à petit. Mais là vous avez déjà de quoi vous occuper là, surtout que certains textes sont en chinois, ça va prendre du temps…
    4. Dans la partie textouilleur, ben il n’y a rien. Mais elle est là, elle attend. Elle sait que ça va viendre.
    5. Dans la partie trucouilleur, des codes concoctés avec amour, des petites fictions interactives, en fait tout ce que je ne sais pas où mettre ailleurs sur le site. Pareil, pour l’instant il n’y a que trois merdouilles pour combler le vide, mais j’espère bien que d’ici peu il y aura PLEIN de merdouilles.
    6. Dans la partie archivouilleur, des liens vers toutes les parties du site, c’est une sorte de plan des lieux. C’est aussi l’endroit d’où on accède aux pages sources (qu’il me faut compléter) et liens (qu’il me faut mettre à jour).
    7. Pour finir, dans la partie contactouilleur, on trouve les moyens d’interagir avec moi. Me cherchez pas sur les réseaux sociaux, j’y suis pas.
  • Une fois de plus, je me suis montré inconséquent, je me suis trahi. Oui, je me suis trahi en dessinant ce bien vilain logo qui vous accueille lorsque vous déboulez sur le site par la page principale (c’est-à-dire le blog). Un logo, oui, comme une marque commerciale. Suis-je une marque commerciale ? J’ose espérer que non. Le malaise est renforcé par le fait que je thématise un peu le vocabulaire du site en adjoignant un -ouilleur après chacune des activités auxquelles je me livre, surtout si ça permet de faire entendre « couille » en le lisant. Non, vraiment, ça sent le coup marketing à plein nez ce truc-là. Et en plus je ramène tout ce que j’ai fait ici, sur une seule plateforme, du genre regardez-moi, youhou, je fais plein de trucs et je cherche à me créer une identité cohérente pour vous refourguer mes salades. Ah la la, vous refourguer mes salades. Encore eut-il fallu qu’elles ne soient pas toutes complètement pourries. Dommage, je suis passé près de me faire un sacré pognon. Quant à la cohérence…
  • J’ai acheté, pour la première fois de ma vie, une police de caractères. Elle se nomme Calluna, et c’est elle que j’utilise pour afficher ce paragraphe. Si vous utilisez un navigateur assez moderne et pas trop naze, vous devriez voir plein de jolies ligatures qui rendent la lecture assez pénible. Je peux les désactiver, je le ferai sans doute sûrement bientôt, quand j’en aurais marre, mais pour l’instant je m’amuse avec : stalactite intergalactique, stalactite intergalactique, stalactite intergalactique. stalactite intergalactique. (Pense-bête: garder cette note dans la police Calluna avec ligatures même si j’en change pour le reste du site plus tard, sinon personne ne comprendra plus ce paragraphe.) Je l’ai justement choisie parce que je trouvais qu’elle avait un feeling moderne et ancien à la fois.
  • Quoi d’autre ? Ben c’est déjà pas mal. Je dois oublier des trucs mais il est 20h30 et je dois faire à manger.

À bientôt.