#190 – Lyonniais #016 – Voilà qu’il nous refait son cinéma

« Qu’est-ce qu’il faut faire, chantait Nino Ferre, quand on ne sait rien faire ? On devient un homme à tout faire, on a les embêtements les plus divers. » Eh bien, à mon tour, je pose la question : qu’est-ce qu’il faut dire quand on n’a rien à dire ? Et j’ajoute : on devient un homme ou une femme à tout dire, on a les embêtements les plus divirs.

Eh oui, à peine plus de deux semaines à tenir ce blog et je ne sais déjà plus quoi raconter. Je me demande comment j’ai tenu sur plus de 170 articles sur Montpelliérien.com. En disant tout et n’importe quoi sans doute, mais je ne suis pas assez masochiste —pourtant je le suis— pour relire tout ça et élucider ce mystère qui ne taraude que moi. Alors voilà, aujourd’hui, je vais raconter ce qui me passe par la tête à mesure que ça vient, tout et n’importe quoi, car avec mon amie nous avons dans l’idée de nous faire un petit ciné ce soir si j’en termine assez rapidement avec le blog. Eh ben, vous dites-vous, pour quelqu’un qui dit ne jamais aller au ciné, ça va devenir une habitude ! C’est qu’avec des places à 4€ pour les assistés du RSA que nous sommes, ça devient attractif. Qu’allons-nous y voir ? Nous n’en savons rien. Nous n’avons pas regardé ce qui est à l’affiche. Un autre film coréen ou un film japonais me tenterait bien. À ce sujet, quand je vous exhortais pour rire à ne pas regarder The Spy Gone North dans mon article critique sous prétexte que ça manquait d’urètres, c’était pour rire. Je viens de vous le dire. Suivez.

Ce qui est bien avec le cinéma, c’est qu’il y a à la fois les images, à la fois le son et la musique, et à la fois l’écriture. Ce qui nous donne trois raisons de nous plaindre à la sortie du film. Et qu’est-ce qu’on aime ça, se plaindre ! Les petits malins et les petites malignes (si vous n’êtes pas sûres·s du « gne », vérifiez sur internet, c’est encore une de ces sources inépuisables de débats, moi je n’ai pas le temps pour ça. Au passage, en allant copier le « es·s » d’un ancien article pour le coller dans celui-ci —car je suis un masochiste fainéant, je me fouette mais j’ai le bras mou— je m’aperçois que j’avais écrit « malines·s. » Que voulez-vous, je suis systématiquement incohérent. Où j’en étais ? Ah oui, fermons la parenthèse.) qui ne le sont pas tant que ça dirons qu’il n’y a pas d’écriture dans un film. Mais moi je vous assure que si. Et je ne parle pas des sous-titres ou des génériques. D’ailleurs, pour peu qu’on en ait vu assez, on peut très bien ne voir qu’un long script qui se déroule quand on regarde un film.

Hein ? C’est vrai. Je me contredis encore car je vous avais assuré ne pas m’y connaître en cinéma. Me voilà pris à mentir. Disons que, des films, j’en ai vu une chiée dans ma jeunesse, mais je n’en regarde plus beaucoup depuis sept-huit ans. Et quand je dis que j’en ai vu, je matais surtout ceux qui me passaient sous le pif ou ceux dont des amis·es me parlaient, mais je n’ai jamais véritablement fouiné du côté des classiques, noir et blanc, muet, bien que j’en ai quand même également vu dans le tas… enfin bref, je n’ai jamais développé un savoir encyclopédique du cinéma en tant qu’art, avec son histoire, ses techniques, ses génies et ses humbles artisans. Cela dit, en écriture, je m’y connais un peu, et en mise en scène également (c’est souvent le cas pour les enfants des années 80 qui nous sommes tapés de l’audiovisuel non-stop depuis la naissance —pour peu que nous ayons un peu pratiqué l’analyse d’œuvres au lycée ou à la fac, nous sommes de vrais pro—) et je peux vous dire que devant la plupart des films qui me passent sous le nez, ou devant les yeux plutôt, je me fais super chier parce que, justement, je ne vois qu’un script si cliché et des dialogues si plein d’informations —qui ne sont que des clés pour deviner à l’avance ce qui va se passer dans les trente prochaines minutes— que les images et la musique me passent souvent au dessus de la tête car elles ne font que réitérer un message qu’on avait déjà reçu. Alors, je m’agace sur mon siège, je m’impatiente. Chaque lumière, chaque plan, chaque note sont si souvent tellement pleines d’intentions qu’on n’est plus surpris par rien quand le dénouement arrive. Tout nous est annoncé, faudrait jamais qu’on soit dans le flou on dirait. Ben moi je veux être dans le flou. Je veux ne pas comprendre tout à chaque instant et trois plombes à l’avance. Je veux me laisser le temps de ressentir, de développer des émotions devant une belle photographie, devant un grain d’image, je veux que mes sens soient frappés. Je veux être surpris.

Si la tendance actuelle n’allait pas à l’opposé de ça, je serais sans doute moins demandeur de ce genre de cinéma, et on pourra d’ailleurs me dire que ce style de films existe et qu’il ne tient qu’à moi de les regarder. On pourra également me dire qu’après avoir maté The Spy Gone North et écrit que je l’avais beaucoup aimé car tout n’était que dialogues, c’est un peu fort de chicorée. Ah oui ? Et bien, je vous l’ai dit, je ne suis que contradiction. Et comme j’avoue n’être que contradiction, que voulez-vous bien m’opposer maintenant ? Que parfois je suis cohérent ? Ah ! Si vous faites ça, vous allez être bien embêtées·s , car je vous répondrai encore qu’en étant cohérent je contredis le fait de n’être que contradiction, et un grand trou noir s’ouvrira sous nos pieds et engloutira le monde. C’est ça que vous cherchez ? Allons, soyez raisonnables. Taisez-vous donc, ça vaudra mieux pour tout le monde.

Bon, voilà pour aujourd’hui. Je n’ai peut-être pas tout dit, mais j’estime n’avoir pas lésiné sur le n’importe quoi. C’est déjà la moitié du contrat de rempli, ce dont je me satisferai car, décidément vous n’écoutez rien il faut tout vous répéter, je suis un fainéant. Allez, c’est tout pour moi. À demain.


#189 – Lyonniais #015.1 – L’œil de Sauron

Il y a quelques heures, j’écrivais : « PAUSE FORCÉE : Pas d’internet. Enfin, pas souvent. On reprend dès qu’on a du réseau plus de cinq minutes par jour. » Il y a quelques minutes, je vois Feldo, ami et lecteur, et fouine et surveillant pénitentiaire, commenter depuis son mirador : « Et sinon, Graveyard Keeper, c’est bien ? » Qu’est-ce que Graveyard Keeper me demandez-vous ? En fait ça n’a aucune importance, c’est un jeu sans flingues ni explosions ni voitures, mais pas top pour autant. Non, mais vraiment, ce n’est pas le sujet. Pourquoi on en parle alors ? Et surtout que signifie ce commentaire ? Je vais vous le dire. Ce commentaire, c’est une tête de cheval dans mon lit au réveil. C’est le téléphone qui sonne et personne au bout du fil. C’est le message d’un vieux marin pêcheur que personne ne voit car chacun·e est trop occupé·e à suivre le cours et qui dit : « je sais ce que tu as fait l’été dernier. » Voilà. C’est Feldo qui me fait savoir qu’alors que je disais ne pas avoir internet, il m’a vu connecté sur Steam et jouer à un jeu très récemment téléchargé.

Vous savez, moi, je parle sans qu’on me torture. On me demande ce que je trafique, je réponds mêlez-vous de vos oignons, puis on tousse un peu fort et alors je déballe dans le détail ce que je suis en train de faire en partant de la minute où je me suis levé, ce que j’ai mangé le matin et sans oublier la température de l’eau de la douche que j’ai prise avant de sortir de chez moi. Surtout, je veux éviter le bad buzz si nuisible à mon image de marque. On sait comment ça commence, « il a dit qu’il avait pas internet et on l’a vu sur internet » glissé discrètement sur le blog, puis c’est repris sur reddit, puis twitter, enfin m6 fait un reportage et le scandale finit par éclater sur facebook. Alors voilà, je vais tout vous expliquer, mais je vous préviens : ça va être chiant et à la fin vous préfèrerez sans doute n’en avoir jamais rien su.

Hier, à 18h30, je rentre d’une seconde journée d’affilée de onze heures bénévolat (à l’endroit dont je vous ai déjà parlé ici), je suis crevé, mais mon nouvel ordinateur (dont je vous ai parlé ici) est arrivé. Super. Enfin, il me reste encore la note de blog à écrire et à faire à manger, mais je me dis qu’ensuite je pourrais me détendre un peu en regardant ce que ce PC à dans le bide. J’ouvre mon ancien ordi : plus de réseau (comme je vous en parlais ici). Génial. Donc non seulement je n’allais pas pouvoir rédiger ma note de blog, mais en plus je n’allais sans doute pas non plus pouvoir configurer mon nouvel ordinateur lors du premier allumage, puisque aujourd’hui pour configurer la moindre liseuse il vous faut impérativement un accès à internet. Bon, j’abandonne l’idée pour un temps. Deux heures plus tard je me dis que ce serait trop con de ne pas tenter quand même. J’allume le nouvel ordi, il me demande impérativement une connexion. Dépité, je tente par hasard ce wifi qui porte le même nom que celui qui a disparu et que j’utilise d’habitude à la seule différence qu’il est suivi de « -5GHz ». Et pouf. Ça marche. Me voilà confus. Surtout que je m’aperçois d’un nouveau problème.

Mon ancien ordinateur ne peut pas se connecter à ce wifi d’un type inconnu pour une antiquité de son espèce, mon nouvel ordinateur le peut. Mon ancien ordinateur à tous mes mots de passe enregistrés et cela fait bien longtemps que je n’ai plus eu à en mémoriser un seul, mon nouvel ordinateur, lui, ben mes mots de passe, ils ne les connait pas. Me voilà donc avec un ordinateur qui ne me permet pas de les retrouver bien qu’ayant accès (par intermittence également, mais plus souvent que l’autre) à internet, et un autre qui me permettrait d’accéder au blog, mais sans connexion internet. Et vous savez où on en est aujourd’hui, des récupérations de mots de passe ? On en est au stade où plus personne n’a la capacité de se souvenir des vingts mots de passe uniques dont on a besoin chaque jour, ainsi qu’au stade où si vous n’avez pas accès à votre machine habituelle on va vous dire « alerte de sécurité-un appareil inconnu a tenté de s’introduire dans la batcave. » J’ai 5 adresses e-mail différentes que j’utilise pour mes divers projets, dont chacune est l’adresse de référence d’une autre, et si je n’ai pas accès à la principale, il y a de fortes chances que je n’aie accès à rien du tout. Et c’est bien ce qui s’est produit. Impossible de me connecter au blog.

J’ai donc profité de mon nouvel ordinateur pour télécharger quelques jeux auxquels il m’était impossible de jouer sur l’ancien et dans l’optique de pouvoir quand même m’amuser un peu devant un écran si je devais à nouveau me retrouver sans internet, sachant que je vais passer trois semaines seul, mon amie retournant dans son pays pour les vacances. C’est pas que je sois accro aux écrans, mais… et puis de quoi je me mêle, hein ? Bon. Enfin voilà, le mystère est résolu. Ça vous a plu, hein ? Ça valait bien une aventure de Hanshichi ou une nouvelle d’Edogawa Ranpo. Enfin, je dis résolu… J’ai en effet résolu le problème du mot de passe m’ouvrant les portes du blog su mon nouvel ordi, mais je n’ai toujours pas récupéré ceux de la plupart des autres services en ligne que j’utilise. Je ne désespère pas que la voisine avec qui on partage la connexion rentre chez elle lundi et procède à un reboot de la box. D’autant que même la version 5GHz disparaît également des radars de temps en temps.

Ça c’est des nouvelles de la France comme on ne s’y attendait pas en ce samedi de manifestations hein ? Alors que certains et certaines ont versé toutes les larmes de leur corps, avalés et lées qu’ils et elles étaient par les nuages de lacrymo, moi, la seule chose qui m’ait fait chialer c’est que sur les putains d’ordinateurs Fenêtres, on ne puisse pas taper directement des putains de é, è, ç, à et ù majuscules. Ouais, ça mériterait une bonne révolution ça aussi. On se tape des saloperies de claviers différents du reste du monde à alphabet latin, et ils sont pas foutus de nous trouver une façon simple d’accéder justement aux seules quelques lettres un peu particulières de notre langue ? C’est pas se foutre de la gueule du monde ça, sans déconner ?

Raccourcis pour un ordinateur portable
Il faut connaître les codes ISO 8859-1 pour certains caractères :
À : 0192   
É : 0201   
È : 0200   
Ù : 0217
Puis, sur le pavé numérique, suivre la procédure suivante :
– tenez la touche [Alt] enfoncée ;
– tapez les 3 ou 4 chiffres du code sur le pavé numérique ;
– relâchez la touche [Alt], il ne se passe rien ;
– tapez sur la touche [Entr] du pavé numérique, la lettre désirée apparaît.

C’est une honte, un véritable scandale ! Hein ? Ah, mon amie me dit : « si c’est ça ton seul problème, c’est que t’as vraiment une belle vie ». Hmm. Je suis bien d’accord. J’ai franchement une belle vie. Vous aussi ça vous gonfle de me voir râler pour des bêtises comme ça ? Allez donc vous plaindre à Feldo. S’il n’était pas venu me titiller avec ses méthodes du KGB, vous n’auriez pas perdu un temps précieux à lire ces conneries. Quant à moi, je le remercie quand même un peu parce que franchement, wifi ou pas, j’avais aucune idée de ce dont j’aurais bien pu vous causer aujourd’hui.

Allez, à demain.

#187 – Lyonniais #014 – Fait un peu chaud ici, trouvez pas ?

Dehors, -2°C. Dedans, les esprits s’échauffent autour du repas. Et —comme c’est pas souvent par chez nous je préfère préciser— le pinard n’y est pour rien, puisqu’il n’y en a pas sur les tables. Comprenez rien ? J’explique.

Je fais chaque semaine un peu de bénévolat dans une association située dans une ville proche de Lyon. On y récupère des dons qu’on revend au bénéfice de l’association dont le but est de venir en aide aux personnes se trouvant dans des situations difficiles. J’entre pas plus dans les détails. Moi, je m’occupe des bouquins avec une dizaine d’autres personnes. C’est sympa. Aujourd’hui, par exemple, en mettant un peu d’ordre dans les livres de poche à la vente, j’ai découvert que nous avions Les yeux jaunes des crocodiles de Katherine Pancol en 12 exemplaires. Il nous en arrive toutes les semaines, « et pourtant on en jette ! » me confesse une autre bénévole officiant depuis bien plus longtemps que moi. Douze exemplaires sur les bras depuis Cavanna sait quand, vous vous rendez compte ? Alors qu’on peut parfois faire jusqu’à 200€ par jour à base de 2€ les trois livres de poches. Si c’est pas malheureux pour la forêt, tous ces bouquins qui vont partir à la benne… Seules·s quatre autrices et auteurs arrivent à la cheville de Mme Pancol en ce qui concerne les petits formats qui nous sont donnés par cartons entiers et dont personne ne semble vouloir (ou dont la masse produite et le débit auquel ils nous arrivent ne nous permettent pas de les écouler, soyons pas mauvaise langue) : Isabel Wolff, Douglas Kennedy, Françoise Bourdin et Christian Jacq. Je ne parle que des livres de poche, sinon vous pouvez ajouter Mary Higgins Clark, Patricia Cornwell, Tom Clancy et Didier Van Cauwelaert à la liste. Et Danièle Steel. Il nous en arrive par pleines brouettes, sauf que ses bouquins à elle sont très vite vendus. Vous en connaissiez parmi ceux et celles que j’ai cités·es ? Moi je n’ai jamais lu aucun·e de ces auteurs·autrices. J’en suis pas fier hein,  je me demande juste comment j’ai pu passer à côté d’aussi gros·ses vendeurs·euses tout ce temps, et même pour certains·es ne jamais entendre leur nom avant de « bosser en librairie. »

Ceux-là n’ont pas eu le temps de prendre la poussière sur les étagères de la boutique puisqu’ils sont partis direct à la benne à ordure.

Enfin bon, c’était pas de ça que je voulais vous parler. Je reprends.

À midi tout le monde bouffe ensemble dans une grande salle, les bénévoles comme celles et ceux qui bénéficient du soutien de l’association. C’est sans doute supposé créer des liens entre nous. Ça marche pas bien. Doit y avoir une centaine de personnes qui prennent là leur repas au même moment.

Les non-bénévoles ont pas vraiment choisi d’être ici. Disons que la vie les a menés là. Restent sur place au moins 14/24h, 5/7j. Mangent là, logent là. Je vais tout mettre au masculin parce qu’il y a beaucoup de ceux qui ont des couilles et peu de celles qui ont des ovaires. Donc, dans tout ça y a ceux qui causent beaucoup, y a ceux qui se taisent. Y a ceux qui se marrent, y a ceux qui font la gueule. Y a ceux qui s’entendent bien, y a ceux qui peuvent plus se sentir. Y a ceux qui aimeraient que ça se passe bien, y a ceux qu’en ont rien a foutre. Y a ceux qu’ont vingt-cinq ans, y a ceux qu’en ont soixante. Y a ceux qui sont pieux, y a ceux qui pissent sur dieu comme sur le diable. Y a ceux qu’ont été séparés de leur famille, y a ceux qu’en ont juste plus de famille. Y a ceux qu’ont leur papiers, y a ceux qui en cherchent. Y a ceux qui veulent bosser, y a ceux que ça fait chier.

Les bénévoles c’est l’inverse. Vont et viennent quand ça leur chante. Ont décidée d’être là, rentrent à la maison quand z’en ont marre. Y a beaucoup de porteuses de vagin pour très peu de porteurs de verge, alors j’y vais au féminin. Y a donc celles qui ont des cheveux blancs, pis y a celles qu’ont des baskets aux pieds. Y a celles qui pensent avoir raison, y a celles qui essaient de comprendre. Y a celles qui viennent raconter leur vie, y a celles qui viennent écouter qui en a besoin. Y a celles qui posent des questions embarrassantes, y a celles qui écoutent seulement qui prend l’initiative de se confier. Y a celles qui pensent donner mais qui demandent beaucoup, y a celles qui, conscientes d’avoir un intérêt à être bénévoles, font bien attention de ne pas prendre plus qu’elles ne donnent. Y a celles qui parlent de tout le monde, y a celles qui parlent à tout le monde. Y a celles qui décident pour tout le monde, y a celles qui font attention à ce que personne ne vire petit chef.

Vous voyez bien comment ça peut vite chauffer. Et ça chauffe. Entre bénévoles, entre non-bénévoles, entre bénévoles et non-bénévoles. Entre tout le monde et les responsables. Y a des sensations d’injustice. Y a ceux dont on fête le départ avec des petits fours et des gâteaux, y a ceux dont on fête le départ avec des chips et des crackers. Y a celles qu’on vire pour une cannette de bière retrouvée dans la chambre, y a celles qui restent après s’être faites gauler pour plus grave. Y a ceux qui reprochent à ceux qui reprochent certaines choses à certains de foutre une ambiance de merde, et y a celles qui s’entendent avec tout le monde sauf avec celles qui ne font pas en sorte de s’entendre avec tout le monde.

Saupoudrez le tout des troubles sociaux qu’on vit en ce moment, auxquels personne ne semble apporter de solution satisfaisante en même temps que chacun·e a sa bonne idée de qui est responsable, d’où ça nous conduit, et de comment régler l’affaire. Ajoutez un zeste d’attentats. Laissez mijoter. C’est prêt, pouvez servir.

Hein ? Ah oui, merde. J’ai complètement foiré mon filage de métaphore de la température qui augmente en passant à la recette de cuisine… Eh ben tant pis, z’avez qu’à faire mieux si vous êtes si malines·s.

#186 – Lyonniais #013 – Moi je voulais pas, c’est la société

Dans à peine plus de six mois, mon ordinateur portable aura dix ans. Il y a un peu moins de six mois mourrait mon téléphone portable qui avait sept ans. En voit-on encore de nos jours des longévités comme ça dans le petit monde de l’informatique ? M’étonnerait. Quand j’ai voulu choisir quel nouveau téléphone acheter pour remplacer l’ancien, les avis en ligne qui notaient la longévité dans la colonne points positifs étaient tous suivis de commentaires qui expliquaient comment leur machine avait tenu deux ans ou trois. Génial. Bon ben voilà, aujourd’hui j’ai acheté un nouvel ordinateur.

Quoi, j’ai même pas attendu que l’autre me claque dans les doigts ? Non. J’ai pas attendu. J’ai pris les devants. Mon téléphone m’a appris qu’avec un vrai matériel de qualité les performances ne diminuent pas petit à petit, non, le matos cède d’un coup d’un seul. Pouf, écran noir. Tu l’avais pas vu venir. Il te reste combien dans ton porte-monnaie ? Dommage. Donc, j’ai pas attendu, j’ai voulu éviter la grande merde qui serait sans doute tombée en période de disette financière, chanceux comme je peux l’être. J’avais le pognon pour une fois (chèques cadeaux reçu pour mon anniv, suivez, croyiez pas que j’étais allé bosser quand même ?), alors j’en ai acheté un. Pas la même marque que l’ancien, pas le même prix non plus. Je veux dire que le nouveau n’est pas de chez Pomme, parce que je voulais plus filer de pognon à ces connards (le téléphone qui a tenu sept ans était de chez eux aussi). Résultat, j’ai choisi un modèle chez un gros constructeur bien énorme avec dessus installées les Fenêtres de Monsieur Portes, là y a carrément pas plus énorme. Quelles différences entre Pomme et Fenêtres ? Aucune qui me fasse franchement me réjouir d’avoir choisi l’un plutôt que l’autre. Les deux font sous-traiter chez d’autres grosses boîtes qui font bosser des employés sous-payés dans des conditions de merde et contribuent à pourrir la planète, ne serait-ce que par l’ampleur de leur production. Se partagent le stéréopole des systèmes d’exploitation, les géants. Z’avalent tout ce qui bouge, z’écrasent tout sur leur passage, veulent un max de pognon, l’auront par tout les moyens même les plus dégueulasses. Avant je me disais qu’au moins chez Pomme on pouvait garder son matériel longtemps, et que quitte à chier sur la planète de temps en temps pour pouvoir communiquer à distance, avec vous via ce blog par exemple, autant payer un peu cher et investir dans du matos qui ne demandera d’être renouvelé que six fois dans une vie. Mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas, même chez eux. C’est juste de la merde vendue à prix d’or. Si je dois racheter une bestiole dans quatre ans, je préfère ne pas me mettre dans la merde financièrement pour l’année à venir pour si peu.

Je m’étais pourtant promis de me monter un petit ordi à partir de pièces détachées et de le faire tourner sur Ubuntu ou quelque chose du genre. Et ben j’ai pas fait ça. J’ai continué à engraisser les autres tâches déjà surpuissantes. J’ai eu envie de continuer à faire de la musique sur des logiciels pro. J’ai eu envie d’essayer les centaines d’applications de développeurs indépendants dont on ne retrouve pas le quart sur Pomme ou Linux… Que des mauvaises excuses. Je sais pas comment vous vous débrouillez avec votre conscience vous, mais moi, quoi que je fasse, j’ai l’impression à la fois de me faire avoir et de contribuer à un truc vraiment dégueulasse. Quand j’étais gamin pourtant un ordi tout neuf c’était une fête. Aujourd’hui, la culpabilité me bouffe, j’arrive pas à me réjouir. J’ai presque envie de courir me faire confesser et de me passer le portefeuille à l’eau de javel.

Et vous voulez savoir le pire ? Je l’ai acheté à la fnac. Allez vite, je me tire avant de recevoir des jets d’étrons.

#185 – Lyonniais #012 – Critique en profondeur : The Spy Gone North

Hier, mon amie et moi sommes allés voir The Spy Gone North au cinéma. Quel cinéma ? Le cinéma Lumière Fourmi. Tout petit rikiki cinéma cozy. Tire-t-il son nom de là ? Peut-être. Je ne suis pas expert des salles de cinéma de Lyon. En fait, je ne suis pas expert des salles de cinéma tout court. Et même, pour être tout à fait franc, je ne suis pas expert en cinéma. Hein ? Oui, vous avez raison, quitte à être honnête, soyons le jusqu’au bout : le cinéma, je n’y connais rien, je n’y vais jamais. Vraiment jamais ? Oh, si peu. Une, deux fois par an. Mais j’estime avoir le droit de donner mon opinion.

Voici donc ma critique de The Spy Gone North : c’est un film que peuvent apprécier ceux qui ne vont jamais au cinéma. Voilà. C’est un peu court, je sais, mais au moins je suis sûr de ce que je raconte puisque j’ai moi-même beaucoup apprécié. Mon amie aussi, et elle ne va pas au cinéma plus souvent que moi. Quoi ? Vous en voulez plus ? Je comprends, c’est pas souvent que vous avez droit à du pointu comme ça. Le fossoyeur de films, paraitrait qu’il a mis fin à sa série de chroniques en apprenant que je préparais cette critique. Bon, on continue donc, qu’il se soit pas arrêté pour rien. The Spy Gone North : zéro action, que des dialogues. C’est parfait. Les James Bond m’ont toujours fait chier. J’ai jamais pu en mater un sans m’endormir. Vraiment, jamais aucun. Ça dure combien un James Bond ? Vu que je m’endors au bout de trente minutes qui semblent durer deux jours de pluie enfermé dans une maison de campagne sans même un scrabble pour se tenir occupé, j’ai du mal à estimer. Ben ce film-là dure 2h30 à la louche, et j’en aurais bien repris le double. Ça change pas une vie, mais c’est pas à chier. Le jeu d’acteur est parfois mouais, souvent ça passe, et de temps en temps félicitations du jury. Le scénar est bien foutu, en même temps c’est supposé être une histoire vraie. Parlons-en d’ailleurs de cette histoire vraie. Qui en a déjà entendu causer ? Moi non plus, rassurez-vous. Et pas une page wikipédia au nom du gonze Park Chae-seo, l’espion qui a inspiré cette histoire inspirée de faits réels… Procédons à une petite recherche…

Okay. Ça c’est pas dans le film. Je révise ma critique : ce film est pourri. Aucun urètre, aucun micro caché dedans, même pas un tout petit urètre de rien du tout avec un minuscule micro à l’intérieur qui ferait même pas mal tellement il serait microscopique. Ce film manque cruellement de réalisme. N’allez pas le voir, c’est une escroquerie.

#184 – Lyonniais #011 – Le temps ne fait (pas tout à fait) rien à l’affaire…

Quel bruit fait la voiture qui passe ? Vroooouuuum. Quel bruit fait le corbeau qui passe ? Croâ croâ. Quel bruit fait l’année qui passe ? Vous voilà bien emmerdé·e. C’est que c’est sacrément silencieux, une année. Raison pour laquelle elles passent les unes après les autres sans qu’on les remarque.

Depuis que ma mère m’a expulsé de sa matrice, un beau jour de temps pourri —tempête et inondations (c’est l’Orb qui débordait)—, mon cœur a battu, approximent les experts, environ un milliard cent trente millions de fois et des papillotes. Merci mon cœur. C’est sans doute la tâche que j’ai réussie à accomplir avec le plus de régularité tout au long de ma vie, et cela est certainement dû au fait que je n’y pensais pas. Si j’avais commencé à y réfléchir, nul doute que de questions sans réponses en réponses sans fondement, je n’aurais pas su me résoudre à m’y tenir. Moi, esclave d’une activité dont je n’aurais pas pesé cent fois le pour et le contre, dans laquelle je n’aurais pas décidé consciemment de m’investir ? Vous n’y pensez pas ! Plutôt crever.

Depuis, donc, que ma mère et le fleuve natal ont lâché les eaux en même temps, la Terre a parcouru à peu près vingt-neuf milliard trois cent cinquante millions de kilomètres autour du soleil, et le soleil deux cent vingt-cinq milliards et dix-sept millions de kilomètres autour du centre de la galaxie, ce qui me permettra d’écrire dans mon autobiographie que j’ai beaucoup voyagé. Et voilà pour les nombres. On s’attache beaucoup aux nombres, car il n’y a rien d’autre. On ajoute un un à un compteur ou un autre. Quand j’étais petit, en parlant de uns, je ne comprenais pas pourquoi lorsque ma grand-mère regardait la télé, la télé lui disait qu’elle regardait téhèfin, alors qu’en bas de l’écran il y avait écrit « tf1 ». C’est qu’on avait l’accent du sud dans la famille. Enfin, pas ma grand-mère, qui elle avait l’accent de Barcelone, je parle de ceux plus bas dans l’arbre généalogique. « – Mamééé, pourquoi y diseuh téhéfin alors que c’est téhéfeung, heing? C’est pas téhéfin, c’est téhéfeung, heing ? Mamééé, je peux avoir du paing ? – C’est palsqu’y sont des palisienss. Attends oun peu, on ba bientôt mandjer. » Je ne comprenais rieng à cette histoire d’axangs. L’expérience la plus marquante fut une rencontre avec l’un de ces fameux Parisiengs, un de mon âge, six, sept ans au pif, en vacances quelque part dans les Pyrénées. C’était sur le parking de l’hôtel. Je m’approche d’un gamin, sous l’œil de nos parents attentifs, et je lui demande : « – Dis, tu veux bieng étreu mon copaing ? – Hin, s’interloque-t-il ? – Tu veux étreuh mon copaing ? » Sur quoi le mioche se retourne vers sa mère et sort un cruel : « Mômon, y porle frônçais le garçon ? » Coup de poignard dans le cœur. Je me retourne à mon tour vers ma mère : « – Mais, il est bêteuh ou quoi ? – Il est parisieng mon chéri. » Bon, ben, on n’a pas été copaings. Là vous sentez bien l’enfance difficile, pleine de misère et de meurtrissures, hein ? Non. Ben non, vous avez raison. C’est dommage. Quand j’écrirais mon autobiographie je vais avoir bien du mal à faire verser la petite larme. N’empêche qu’au fil des années, je l’ai perdu mon accent. Devait y avoir un petit complexe caché quelque part.

Où j’en étais ? Je ne sais plus. Ah oui, je disais : et voilà pour les nombres. Il manque le plus important, que vous protestez ? Combien fais-je en ce jour de non-non-anniversaire ? Écoutez, je vous ai donné assez d’informations pour que vous puissiez calculer par vous-même. Allez, faites pas vos feignasses. Vous aussi vous vieillissez vous savez, alors prenez ça pour un cadeau que je vous fais. Faire un calcul, c’est faire reculer l’âge auquel Alzheimer vous tombera dessus de quelques jours.

Je fête un autre anniversaire en même temps : un an sans picole. Ça n’a pas été simple, mais ça n’a pas non plus été si dur que ce que je me l’imaginais. Pourtant au cours de ces dix dernières années je ne m’étais pas économisé le foie. Les sales habitudes étaient tenaces. J’avais comme qui dirait fini par organiser mes journées, et surtout mes soirées, autour de l’alcool. Et bien, vous me croirez vous me croirez pas, ma vie est plus belle que quand je me goinfrais trois litres à 9° par jour et que j’avais trop honte de mon état pour voir qui que ce soit, ou, si par malheur qui que ce soit m’avait vu, trop honte pour ressortir de chez moi pendant trois jours. Je dis pas que c’est la joie en continu depuis, je dis pas que je ne m’enfume plus la gueule au T.H.C. de temps en temps quand je me sens à bout de nerfs et que la bonne humeur ne semble pas revenir d’elle-même, mais je dis que pour moi l’alcool était une saloperie à laquelle il fallait à tout prix que j’arrête de toucher sans quoi je n’aurais certainement pas fait un million de kilomètres de plus autour du soleil. Et si je les avais faits, ç’aurait été en souffrant mille douleurs physiques et psychologiques, ça n’en aurait pas valu la peine.

D’ailleurs, autant naître n’était pas de mon fait et du coup, jusqu’à l’an dernier, casser ma pipe ne m’aurait en vérité pas fait râler plus que ça (je le souhaitais même un peu parfois vu que j’étais un peu moyen assez au bout du désespoir comme on pourrait dire), autant là j’ai fourni pas mal d’efforts pour ne pas crever tout de suite et être un tout petit peu heureux, alors maintenant ça me ferait vraiment chier de pas les faire ces quelques kilomètres de plus. Vous êtes pas d’accord, que je les mériterais ces kilomètres de plus autour du soleil ? Non. C’était un piège. Je crois pas au mérite, quel qu’il soit. Et puis mourir alors qu’on est dans une période heureuse de sa vie a aussi son charme.

Bref, trêve de joyeusetés, un an de plus et je me sens le même en même temps que je me sens changé. Dissertez, vous avez une vie. Moi, je vais aller profiter du cadeau que m’a fait mon amie. Est-ce que je veux parler du fait qu’elle est à mes côtés dans les bons comme les mauvais moments ? Non, on n’est pas aussi spirituels que ça. Elle m’a offert les mémoires de Siné, parues il y a moins d’une semaine chez Les cahiers dessinés. Une pure merveille. Je vous raconterai quand j’aurais fini.

À demain, la bise.

#183 – Lyonniais #010 – Présent, futur, passé

Violences du système contre violences des broyés·es du système. On en cause, on en causera, on en causait déjà. Hasard, bien utile à la tenue de mon blog, des thématiques qui s’entremêlent, voilà que mes lectures matinales de la presse d’il y a un demi-siècle me permettent de rattacher ceci à cela : injustices notoires et ville de Lyon, Pamela Anderson et Delfeil de Ton (deux sex symbols à la langue bien pendue, toujours actives bien que discrètes — ça va Delfeil ? L’accord au féminin pluriel ne vous choque pas tropes ? Y a plus de respect, madame Bouziges).

Lundi 3 décembre 2018, Pamela Anderson écrivait sur Twitter : « I despise violence…but what is the violence of all these people and burned luxurious cars, compared to the structural violence of the French -and global – elites ? »

Le 10 mai 1972, Delfeil de Ton écrivait dans la rubrique Vite, on est pressés de ses Lundis : « À propos des rigueurs de la loi, il ne faut surtout pas, comme le faisait remarquer le « Figaro » du 8 mai, que la Justice puisse être contaminée par les luttes des classes. Elle y perdrait de la sérénité. Le Figaro s’inquiétait, et il n’avait pas tort, au fond, des manifestations populaires contre le notaire de Bruay et sa fiancée dont rien à ce qu’on sache, n’est encore venu démontrer la culpabilité. Le fait d’être un bourgeois dans une région ouvrière n’entraîne pas automatiquement qu’on est un assassin ! Seulement, si les bourgeois étaient toujours jugés avec cette sérénité que réclame le Figaro on n’assisterait peut-être pas, de temps en temps, à ces manifestations de fureur populaire. Que pense, par exemple, le Figaro, de la condamnation de ce chef d’entreprise, présent dans son atelier de chaudronnerie au moment où ce garçon de 17 ans reçut l’ordre de descendre dans une cuve à l’ouverture étroite, dans le fond de laquelle on lui envoya de l’oxygène pour qu’il ne s’y asphyxie pas (merci pour lui) et puisse y effectuer une soudure (qui fit tout sauter) ? La chose eut lieu en octobre 71, à Lyon, à la chaudronnerie Magnard. Le garçon de 17 ans fut si grièvement brûlé qu’il est toujours à l’hôpital et que les médecins réservent leur diagnostic Le patron est passé en jugement. Il a été reconnu coupable. Vous savez combien ça lui a coûté, un garçon de 17 ans foutu pour la vie ? 700 francs d’amende. Ça fait cher la soudure. Le Figaro devrait protester. » À l’époque on avait droit à plus de 280 caractères.

Quelles leçons peut-on tirer du passé afin de fabriquer dès aujourd’hui un lendemain meilleur ? Dissertez, vous avez deux heures. Quand vous aurez fini vous me déposerez vos copies au coin de la rue, près des poubelles, un jour de pluie.

C’est tout ? Ben ouais. Aujourd’hui, c’est dimanche, mais surtout : aujourd’hui, je n’ai pas envie d’écrire, et comme vous n’avez sans doute pas envie de lire, ou de me lire moi en tout cas, je vais pas me forcer. Vous me payeriez que je n’écrirais pas une phrase de plus, et de toute façon vous ne me payerez pas, parce que vous êtes radins·es en plus d’être mauvais·es lecteurs·trices. Ah si, quand même, merci Delfeil, merci Pamela, c’est chouette de votre part d’avoir fait le travail à ma place. Je vous revaudrai ça.

#182 – Lyonniais #009 – L’histoire du Dieu Hibou

Je vous la fais version courte. Les Aïnous chantaient que le Dieu Hibou chantait qu’un jour, alors qu’il survolait le village des humains, il vit un groupe d’enfants sur la plage. Tous avaient des arcs et des flèches d’or. Ils étaient les enfants de familles qui autrefois étaient pauvres et maintenant devenues riches. Tous ? Non, l’un de ces enfants au contraire n’avait qu’un arc tout pourri et des flèches de même qualité. Car il venait d’une famille qui avait été riche et était tombée dans la pauvreté. Comment savait-il tout cela rien qu’en les survolant ? C’est le privilège des Dieux Hiboux, pouvez pas comprendre, vu que vous n’êtes ni dieux ni hiboux.

Quand ils le virent, les enfants se mirent à courir sous lui et à crier : « Le bel oiseau ! L’Oiseau Sacré ! Qui tire sur cet oiseau et arrive à l’avoir en premier est un vrai guerrier ! Un vrai champion ! » Car c’étaient de vrais petits merdeux. Alors les enfants des familles qui étaient autrefois pauvres et désormais riches tirèrent sur le Dieu Hibou qui, évidemment, évita aisément les flèches. Celui qui n’avait qu’un arc et des flèches toutes pourries le visa également, mais les autres se moquèrent de lui : « Eh, regardez le bouseux ! Il pense l’avoir alors que nous on l’a même pas eu avec nos flèches en or, ouuuh, gros pauvre va ! » et ils le piétinèrent et lui filèrent des coups de poing. Mais lui ne faisait même pas attention à eux et il tira, et le Dieu Hibou avait eu tellement de peine pour lui qu’il attrapa la flèche avec sa main, sa main de Dieu Hibou plus dieu que hibou là pour le coup, et il se laissa tomber.

Tous les enfants se ruèrent vers l’oiseau, l’enfant pauvre le premier, et tous l’insultèrent une bonne vingtaine ou trentaine de fois (c’est le Dieu Hibou qui le dit, c’est sa chanson, j’invente rien) : « Eh petit merdeux, c’est pas juste, c’est nous qu’on l’avait visé en premier, sale clochard ! Casse-toi ! » Et ils le tabassèrent bien correct comme il faut. Après un long moment, le pauvre petit réussit tout de même à s’enfuir en tenant l’oiseau fort contre lui, et, ne faisant pas attention aux autres qui l’insultaient toujours, il fonça chez lui.

Quand les parents du petit, qui étaient des vieillards, virent l’oiseau sacré ramené chez eux, ils le saluèrent en se pliant en deux, et se mirent à pleurer et à le vénérer. Ils avaient bien honte de l’accueillir dans leur vieille baraque toute moisie, mais comme la nuit était tombée, ils le gardèrent tout de même en lui promettant une offrande et en lui dépliant une belle couverture brodée pour la nuit. Dès que tout le monde se mit à ronfler, le dieu hibou se leva sur la pointe des pattes et en quelques battements d’ailes magiques couvrit le sol et les murs de trésors et de tissus précieux, et de meubles et de bien d’autres merveilles, et comme la vieille cabane vermoulue n’était pas assez grande, il en profita pour la transformer en immense manoir de métal, qu’il remplit d’autant plus de trésors. À côté du Dieu Hibou, Valérie Damidot pouvait allait se rhabiller.

Au lever du jour, la petite famille n’en crut pas ses yeux. Ils pleurèrent à nouveaux quelques bons litres de bonnes larmes et remercièrent l’oiseau encore et encore, et le vieillard coupa un arbre pour lui fabriquer un Inaos dont il le décora, et la vieille femme alla ramasser du petit bois et recueillir de l’eau pour faire du vin. Du vin de chez eux, qui n’était pas le vin de chez nous, puisque le Dieu Hibou nous raconte qu’en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, il y avait six bassines pleines de vin devant le foyer de la cheminée. Ensuite, le Dieu Hibou avec la Déesse du Feu et la Déesse des Personnes Âgées (oui), racontèrent diverses histoires de dieux en se sifflant le pinard avec le reste de la famille.

Après deux jours de beuverie, la vieille mère envoya son fils, qu’elle avait exprès sapé dans de vieilles loques, inviter à venir chez eux tous les gens qui avaient autrefois été pauvres mais étaient maintenant riches. Le Dieu Hibou regarda l’enfant entrer dans chaque maison et délivrer l’invitation, et vit que tous les gens qui avaient été pauvres et qui maintenant étaient riches riaient de lui. « Allons, allons, disaient-ils, quel genre de vin peuvent bien avoir fait ces sales pauvres qui puent et à quel genre de fête ringarde pourraient-ils bien nous inviter ? Allons-y donc pour nous foutre de leur gueule ! » Et donc une foule de personnes se mit en marche.

Certains, de voir seulement de loin l’immense maison furent si surpris et honteux qu’ils rentrèrent illico presto chez eux, la queue entre les jambes. Les autres avancèrent jusqu’à l’entrée de la maison seulement pour rester plantés là, paralysés, sous le choc.

Voyant cela, la vieille femme sortit et, les prenant par la main, les conduisit à l’intérieur de la maison. Tout le monde entra, lentement, plus que discrètement, et s’assit, et pas un d’entre tous ne fut capable de relever la tête. Le vieil homme prit alors la parole : « Comme nous étions pauvres, nous ne pouvions pas nous mêler à tout le monde, sans discrimination, mais le Dieu Hibou qui surveillait le village, a pris pitié de nous et nous a béni de cette façon, car nous n’avions jamais rien fait de mal. Alors, je voudrais demander à ce qu’à partir d’aujourd’hui, tous les habitants de ce village s’unissent et fassent en sorte de s’entendre les uns avec les autres. » Une fois qu’il eut dit ces mots, les villageois s’excusèrent tous auprès de lui et promirent tous très fermement de s’entendre les uns avec les autres dorénavant. Ce qu’ils firent, pour le plus grand bonheur du Dieu Hibou qui continue depuis lors de veiller sur le village des humains et de constater chaque jour qu’ils s’entendent bien les uns avec les autres.

Je vous laisse vous-même dégager une morale de cette histoire. Moi je saurais pas dire.

#181 – Lyonniais #008 – Vraies excuses et faux appartements

Bonjour, ou bonsoir, je ne sais pas, à toutes et à tous. Aujourd’hui, je n’ai plus internet. Je dis aujourd’hui, mais ça dure depuis plus de 24h. Je vous écris donc ces quelques mots sans savoir si je vais pouvoir vous les faire parvenir, et si je peux, à quelle heure vous pourrez les lire. Autant vous dire que je ne suis donc que très moyennement motivé, mais si par un heureux miracle la connexion était rétablie et que je n’avais pas rédigé un mot, certains et certaines m’accuseraient d’avoir profité de la panne pour ne rien foutre. Ce qui est assez mon genre, je dois le reconnaître. C’est d’ailleurs étrange, mais du fait de ne pas écrire directement sur l’interface du blog je n’ai pas l’impression de m’adresser réellement à vous. J’ai la sensation de faire semblant. Les mots ne viennent pas comme d’habitude. Je me force. D’habitude vous n’êtes pas là non plus, c’est vrai, mais j’ai moins de mal à vous imaginer.

Hein ? Comment se fait-il qu’il n’ait pas internet, vous demandez ? En vérité je ne sais pas si vous le demandez, puisque comme je vous le disais j’écris ce document sur LibreOffice et que le lien magique qui me permet d’habitude de savoir exactement ce que vous vous dites au moment ou vous vous le dites est rompu, mais il faut bien que je fasse avancer mon histoire, alors je fais semblant. Comment ça, pas d’internet, donc ? Parce que nous partageons une connexion entre voisines et voisins du même étage. Sommes-nous à ce point fauchés ? Non, mais nous vivons dans de faux appartements. Ah, je sens que j’ai piqué votre curiosité. S’agit-il d’appartements en pain d’épice comme dans le conte Hansel et Gretel ? Ou, un peu comme dans Hook, pensons-nous très fort des portes, des murs, et des salles de bains pour que le terrain vague se transforme en habitation standard par le pouvoir de l’imagination ? Non. Ce n’est pas ça.

Nous vivons dans des appartements qui n’en étaient qu’un seul à la base. Un seul d’environ cent mètres carrés, que les propriétaires ont partagé en quatre studios d’une vingtaine de mètres carrés tout en n’en déclarant qu’un seul. Je sens qu’on va s’amuser pour régler la taxe d’habitation. Il paraît que ça se fait de plus en plus, de partager les appartements en minuscules clapiers. C’est qu’il doit y avoir avantage. Pour le propriétaire, s’entend. Enfin, le problème le plus important pour un blogueur comme moi qui a déjà assez de mal à se tenir à la régularité dans ses publications vient des prises téléphoniques et fibre. Dans trois des quatre appartements, dont le mien, elles sont là, bien visibles, neuves à vrai dire, et pour cause : elles n’ont jamais été connectées à quoi que ce soit. D’un blanc plastique immaculé je vous dis. Les câbles n’ont pas été tirés, personne ne sait ou ne veut savoir exactement où se situe quoi. Ni ex-France Télécom, ni le fournisseur d’accès fibre de l’immeuble, ni le propriétaire des clapiers, ni le gérant qui n’est pas une agence et qu’on se demande bien ce qu’il est, ni le mec qui s’occupe des réparations dans tous les appartements que gère le gérant et qui est le seul de tous ces interlocuteurs auquel on ne s’adresse qu’en l’appelant par son prénom. L’origine africaine de son prénom et le fait qu’il soit homme toutes mains, factotum dirait l’autre, me fait penser que son statut et ses origines justifient du point de vue du gérant et des propriétaires le fait qu’ils n’aient jamais senti le besoin de nous le présenter par son nom de famille, et donc encore moins en le faisant précéder de Monsieur, contrairement à eux-mêmes. Je ne vous fais pas la liste exacte de tous les éléments qui me font appeler ces lieux de faux appartements, croyez-moi simplement si je vous dis que ça ne s’arrête pas là. Mais revenons aux prises qui ne sont là que pour faire joli (et qu’elles sont jolies !) : la seule personne à avoir réussi il y a quelques années, après des mois de galère, à obtenir de toutes les personnes concernées qu’elles prennent le temps de trouver un moyen de faire raccorder son appartement, partage la connexion de la box ainsi que son abonnement, avec les trois autres appartements. Et c’est bien sympa de sa part.

Non, ce n’est pas mon faux appartement. Faut pas pousser.

Malheureusement, il arrive que la box plante. Ce qui est le cas actuellement. De plus, la voisine abritant cette dernière dans son faux appartement s’étant sans doute absentée, comme souvent, pour le week-end et ne nous ayant pas laissé moyen de la contacter, nous l’avons dans l’os. Avec mon amie nous avons bien essayé de créer un hotspot à partir de la 3G de son téléphone, mais celui-ci étant trop mauvais nous n’avons pas réussi à charger une seule page internet depuis le milieu de l’après-midi. Et mon téléphone à moi ? Ça fait plusieurs années que j’ai opté pour un abonnement sans internet. Ne me jugez pas.

Voilà donc où nous en sommes : il est possible que vous ne lisiez jamais ce billet, ce qui, convenons-en, ne produirait sans doute pas un grand manque chez vous, mais si par hasard j’arrive tout de même à accéder au blog avant minuit, il n’est pour autant pas garanti que ce me soit également possible samedi et dimanche, ou même lundi. Dans ce cas-là, ne vous inquiétez pas, vous savez maintenant quelle est la raison de cette absence, et surtout ne pensez pas que tout ça est dû au fait que je suis une grosse feignasse. C’est peut-être vrai, mais vous me vexeriez énormément.

Allez, on se revoit au plus tôt.