#41 – Montpelliérien #041 – Oulah ! J’ai failli marcher dans une œuvre d’art.

La journée d’hier ayant été bien complète, aujourd’hui on va pouvoir parler d’art sous toutes ses formes : expo, théâtre, concert. Ah, que j’aime quand je n’ai pas à me fiche le cerveau sens dessous dessus pour trouver une façon amusante de vous dire que je n’ai rien à vous raconter. Allez, c’est parti on y va. Ça va être long. Est-ce que ça va être bon ? Rien n’est moins certain.

Exposition d’art contemporain, pour commencer. Devinez où, devinez quand ? En fin d’après-midi à la Panacée, bien sûr. À celles et ceux qui diront que pour le où, okay, mais pour le quand pouvaient pas savoir, j’ai envie de dire estimez-vous heureuses·x que je n’aie pas ajouté : devinez avec qui ? Parce que là c’était la colle et vous seriez encore passés·es pour des branquignoles. La réponse ça aurait été : avec Will, qui s’appelle Billiam dans la vraie vie, comme les Bobert Rob, Dickard Rich, et Pegaret Mar. Donc, direction la Panacée où nous avions rendez-vous. C’était l’exposition Crash Test, dont tout le monde parle, énorme succès. À mon tour d’en parler, à moi les dollars.

Je suis arrivé un peu en avance sur Will, ce qui était prévu. Je me suis donc rendu à l’accueil pour y glaner de la doc en l’attendant. Une dame à l’air assez âgé et aux cheveux d’un rouge très rouge toute habillée de noir vêtue des pieds à la tête, sauf ses cheveux qui étaient découverts puisque je vous ai dit qu’ils étaient rouges et son visage qui était découvert aussi puisqu’il avait l’air âgé, donc plutôt toute de noir vêtue habillée des pieds aux épaules (je me fatigue, pas vous ?), m’a donné tous les papiers dont elle disposait, en m’expliquant les principes de l’exposition, mais elle tentait également de l’expliquer à d’autres personnes, qui, elles, étaient arrivées après moi, elle intercalait donc des éléments d’explications que j’avais déjà entendus à leur intention, entre deux éléments d’informations qu’ils n’avaient pas encore eues, eux, pour moi, tout ça en même temps qu’elle répondait au téléphone. J’ai pris les prospectus et je suis allé les lire à la table basse dans l’entrée en attendant Will. Là, une autre dame habillée toute de noir vêtue des pieds aux épaules, accompagnée par un monsieur de la sécurité, est venue s’asseoir à côté de moi. Elle s’était sans doute fait mal quelque part, au dos ou à la cheville, ou au mollet, parce que le monsieur de la sécurité lui a touché le mollet du bout du doigt, mais j’ai pas bien entendu ce qu’ils se disaient, ou alors c’était autre chose, mais en tout cas elle travaillait au musée, et là ne travaillait plus pour cause d’un quelconque accident ou d’une maladie. Le monsieur de la sécurité a aussi tiré un fil qui trainait de sa veste à elle, à mesure qu’il tirait le fil s’allongeait, elle a dit que c’était pas grave. Ensuite il n’a pas arrêté de faire des allers-retours entre l’intérieur du musée et elle, il venait lui raconter tout ce qui se passait, comment un enfant avait un peu marché sur une œuvre d’art et que le chargé de médiation de la salle s’était mis à sermonner la mère et que ça avait commencé à monter dans les tours, mais que ça s’était calmé, ouf. Ou que unetelle était dans telle salle, et que untel était là-bas qui faisait ça. Tout ça en faisant des va et vient musée-hall, toutes les cinq minutes. Je me demande s’ils étaient en couple, les deux. La dame aux cheveux rouges est également venue la voir, la plaindre et lui passer une main consolante dans le dos. Ensuite William est arrivé, on a fait le tour du musée puis on a pris lui un jus de poire, moi une limonade au bar et on s’est quittés.

Photo par Gwlad (rue d’Alger)

Là, j’ai foncé aux Aubes, je suis arrivé pile à temps à la Maison pour Tous George Sand, à l’angle du Parc Rimbaud, quartier les Aubes. Oui, les Aubes. Allez-y. Dites-le à voix haute, faites bien la liaison, riez un bon coup une fois et on y va, on va pas passer la journée là-dessus. C’était une soirée Playback Théâtre. Aucun rapport avec les gens qui chantent sur bande pré-enregistrée. Là, celles·eux qui le veulent parmi les spectatrices·eurs racontent l’une de leurs expériences sur le thème de la soirée, ici les histoires de voisinage, et les différents·es comédiens·nes présents·es la jouent. D’abord on détermine une certaine forme contraignante (favorisante, selon le point de vue) avant de se lancer : en épisodes, en cinq parties, en paires, en transformatif (ça veut dire une seule scène avec un évolution du jeu)… et puis place au jeu, comme ils·elles disaient. L’un·e des comédiennes·s fabrique la bande son en direct à l’aide d’instruments posés sur un tapis d’un côté de la salle. La troupe, c’était Magma, la délégation ce soir-là se composait d’Anne Berchon, François Bousquet, Sandrine Dury, Marianne Grison, Élisabeth Loubat, Cathy Lumale et Pascal Menut. Voilà, ça c’était pour l’aspect technique, l’aspect matériel et matériel humain. Maintenant qu’est-ce qu’on peut en dire ? Que je ne me suis pas ennuyé une seconde, que je suis reparti avec le sourire, que j’ai beaucoup ri, que j’ai ressenti comme une envie de se rapprocher les unes·s des autres, comme une envie de se voir montrer des émotions partagées par toutes et tous mais trop souvent gardées pour soi. Je pensais tout de même, au vu de la population présente tendance quinquagénaires et plus, qu’il y aurait beaucoup plus d’histoires à raconter tout de suite, ça a mis un moment à venir, comme quoi, l’âge n’efface pas la pudeur. Les comédiens et diennes étaient inventifs et tives, parfois mimaient les gestes, parfois les personnages, parfois jouaient les émotions, parfois répétaient les mots mêmes qu’ils et elles avaient entendus. Tous et toutes et tout ensemble, c’était foisonnant d’impressions. Chacun·e un petit tableau en formant un grand. Maintenant, une chose que je n’avais jamais remarquée : le renforcement d’une émotion par deux personnes jouant la même chose au même moment. Exemple : une femme est inquiète du fait que son bébé est toujours malade. Sandrine Dury (si je ne me trompe pas) entre en scène, faisant mine de tenir un bébé dans ses bras et d’être inquiète en le berçant vivement, ça marche mais c’est un peu bateau, on attend la suite. Les autres tardent à entrer, petit moment de manque d’inspiration, ça arrive, ça fait bien une heure qu’ils et elles jouent. Avant que Sandrine Dury n’ait eu le temps de s’essouffler totalement seule sous les regards, Anne Berchon arrive en renfort et copie chaque geste de derrière sa co-troupière (hum). Une vrai sensation de tension se crée, on a l’impression d’une réelle nervosité, on ressent l’émotion mieux. On a pas l’impression de voir deux fois le même geste, on a l’impression de voir ce geste plus fort. C’est assez indescriptible. Ça pouvait sembler n’être pas grand chose, c’était en fait très efficace. Que dire d’autre ? J’ai encore un concert à vous raconter. La prochaine fois que vous entendez parler de Playback Théâtre en tout cas, allez-y. Et de Magma, la troupe, pas le groupe, allez-y aussi.

Photo par Gwlad (rue Anatole France)

À 22h30 à la louche j’arrive au Bric À Brac, je tombe en plein concert de Gneiss Rock. J’ai dû rater bien une heure et de toute façon je ne pense pas être le plus calé pour en parler bien, je n’avais jamais entendu quoi que ce soit du genre. En arrivant, j’ai même demandé au mec devant la porte si c’était pas encore commencé parce que j’entendais rien et que depuis les images de la caméra projetées à l’étage on voyait le public assis sur scène semblant attendre que quelque chose se passe. C’était commencé et chut qu’il m’a répondu. C’était du bidouille noise, selon moi. Un mec appelé Ozzy Keller tripatouillait des instruments musicaux-ou-pas vintage qu’il avait semble-t-il bidouillés lui-même. J’étais bien incapable de déterminer à quel moment il faisait ce qu’il voulait et quand c’était un bruit dû à un faux contact. Tout était à base de bruit blanc filtré (à peine) et de samples overdrivés sous-mixés. Super chelou, c’est le moins qu’on puisse dire. Les gens, assis par terre, semblaient plutôt concentrés. En tout cas personne ne se foutait ouvertement de la gueule du musicien comme on pourrait s’y attendre devant un spectacle aussi inhabituel et des sons aussi peu agréables, bien que pas mal cherchaient des regards complices dans le public un sourire en coin, et qu’une bonne partie de la salle se soit barrée avant la fin. On a au moins évité la grosse moquerie crasse. Peut-être était-ce en partie dû au photographe à moustaches du XIXè siècle qui faisait douter les gens avec son allure hipsterisante : pouvait-il rire à gorge déployée et hurler au scandale, le public, ou se dévoilerait-il, en agissant ainsi, en pauvre masse rétrograde incapable de reconnaître une révolution artistique quand on la lui mettait sous le nez ? Ou alors les gens sont devenus plus corrects que dans mes souvenirs.

Le second groupe c’était Moteur! C’était psyché dans l’idée, jazzizant sur les bords, un peu rock dans le fond. Impros, compos, on aurait pas su dire. Tant mieux. Avec une bière dans le gosier et un joint dans les bronches, j’aurais sans doute réussi à me laisser porter par le tout, mais là j’avoue que sobre la sauce n’a pas pris. Ça manquait de jouer ensemble, je trouvais. Malgré l’effet recherché, je pense, de chacun dans son coin qui fait un tout et crée des effets par un hasard semi-contrôlé, y avait moyen de donner plus en s’écoutant mieux. En plus on voyait bien que les musiciens étaient tous bons, c’était le plus râlant. Tant pis, ça arrive. Au moins ils ont le bon goût de ne pas essayer d’accrocher le public par des genres aimés d’avance, par des mélodies ciselées pour le tube, de ne pas faire une musique démago quoi, et que le tout ne soit pas désagréable pour autant. Parce que c’était quand même très agréable, juste, y avait pas le truc pour m’emporter que l’étiquette psyché jazz qu’ils s’étaient collée m’avait fait espérer.

C’est trop long !!! Je suis d’accord. À demain.

#40 – Montpelliérien #040 – Peut-on boire du jus de tomate et revendiquer sa sympathie pour les scènes underground sans faire des phrases trop ampoulées ?

Hier, car je vais encore vous parler de choses que vous avez ratées, hier, donc, vous avez qu’à sortir un peu aussi, je peux pas tout faire à votre place, hier, on y vient, la soirée a été chargée. Je vais essayer de vous la faire courte et efficace. Oui, oui, vous pouvez me regarder avec votre air moqueur, j’ai assez de recul sur moi-même pour savoir que court et efficace, ce n’est pas mon truc. Écoutez, c’est samedi matin, vous n’allez pas commencer. Ça commence, justement, hier, encore, par un message de Feldo sur l’un des multiples forums privés par lesquels on s’échange des mots doux régulièrement :

« Mercredi je suis allé au Barricade pour voir jouer un gars (nom de scène Ben Johnson) qui parle de sa vie dans une ZAD forestière. Et ben c’est super bon, ça dure que 50 minutes, c’est à prix libre (dans les lieux militants en tt cas). Et je me disais « meeeeeeeeeerde dommage je l’ai su trop tard et puis de tte façon je pouvais pas savoir que ça allait être top). ET BEN POUF, AU LIEU DE RETOURNER A MARSEILLE IL VA REJOUER CA CE SOIR. Ça se passe dans le « RAID » près du tram G∝∴℘∠♠ L∋⌉⊆Δ. Si je ne m’abuse c’est un squat récent, je sais pas exactement où. On devrait me filer une adresse sous peu. Je suis pas sûr d’y retourner, mais j’ai un pote qui y a va pour 19 heures. Éventuellement, si vous y allez avec une plume dans le cul je lui dirai d’aider les gens qui ont une plume dans le cul. »

Il avait raison sur plusieurs points et s’était planté sur d’autres. Le RAID est bien un squat récent puisque ouvert en octobre 2017, le prix était bien libre, et il ne savait bien pas où ça se situait exactement. Par contre c’était à 20h et son pote n’est pas venu, heureusement que je ne m’étais pas mis une plume dans le cul. Le spectacle s’appelait donc La Cucaracha, mélange de tranches de vies en ZAD en mode TDI, de questionnements concernant l’acceptation des autres tels qu’ils sont et de lâcher prise en même temps que de résistance, de chants ibériques, arabes et de danse, ainsi que de quelques chroniques animalières. C’était court, 40 minutes, ça aurait bien pu durer le double que ça ne m’aurait pas dérangé, mais c’était bien comme ça aussi, compact et dense. C’était touchant, rythmé, drôle, questionnant, singulier. Le comédien-auteur se fait appeler Miguel Aziz Ben Johnson, j’espère tellement que c’est son vrai nom mais je n’y crois que d’un œil. Il ne s’économise pas, il joue pour de vrai, il imite parfaitement le serpent sous ayahuasca, le coq revanchard et le luchador sensible. Il fait partie du collectif Xanadou. Y a un trailer du spectacle sur youtube mais il est vraiment nul à en boucher les rainures du parquet à la merde, s’il vous plaît ne le regardez pas.

Il devait y avoir ensuite une diffusion de film sur les violences policières au cours d’une COP 21, 22, ou 23 on a perdu le compte, mais Feldo avait rendez-vous avec une amie très belle mais très je passerai pas dix minutes en sa compagnie alors, ne connaissant personne et étant un peu timide malgré l’accueil plutôt invitant au RAID, je suis parti aussi. Seulement, ne souhaitant pas me joindre aux pérégrinations nocturnes de copain et pas copine, je me suis cherché un concert gratuit. C’est comme ça qu’à 21h30 je me suis retrouvé dans la cave du Bric À Brac pour trois heures de punk. Du vrai. Du gras.

Photo par Koinkoin (rue Montgolfier)

Le premier groupe à passer, c’était Triploï. Quatre mecs : guitare, guitare, guitare basse, voix et une boîte à rythmes zoom à 60€ qui étonnamment sonnait très bien. Bonne programmation par le fondateur du groupe, j’imagine. Le groupe existe depuis sept ans, est de Bédarieux, mais a connu de multiples restructurations avec le temps. Le fondateur, toujours, me disait qu’il était allé chercher des gens qui ne savaient pas faire de musique au départ mais qui avaient l’envie, et que tant pis si des fois ça n’allait pas, il préférait faire les choses comme ça. Je dois dire que j’aime beaucoup cette démarche et j’admire les gens qui s’y tiennent malgré les déconvenues. Pour le coup, là, on voyait qu’ils aimaient ça, le punk, dans sa totalité. Les mecs avaient le look total, crête ou béret, Docs et t-shirt à logo, en plus de l’énergie, qui s’accordait bien à leurs tronches de bons gars à l’attitude pas prétentieuse pour un sou. Que ceux qui me disent que les punks devraient pas faire gaffe à leurs sapes aillent relire l’histoire du mouvement pour se rendre compte d’à quel point ces gens-là ont été coquets Docs coquées en plus de cokés depuis toujours. L’esthétique visuelle et sonore avant tout, le propos n’est que prétexte, quoi qu’on veuille bien en dire. Les propos du groupe justement ? Dénonciation d’une société oppressive, anti-militarisme, anti-cléricalisme, anti-fascisme. Comment que ça sonne ? Vous voyez du punk français ? Ben ça sonne comme ça, gras, avec des chœurs dont on entend moins les notes que le grain des larynx défoncés. C’est pas punk rock, c’est punk, teinté d’hardcore. Ils ont joué leur set en entier et ont refait quatre chansons en rappel. Ce qui était sympa c’est que les morceaux, qui ont tous une sacré pêche, étaient assez reconnaissables les uns des autres pour ne pas qu’on ait l’impression d’entendre toujours le même durant le premier passage, bien que tous dans un même genre, mais pas assez pour qu’on ait l’impression de les avoir déjà entendus pendant le rappel. Et que demander d’autre ? J’exagère un peu, je les ai reconnus, en vrai, les morceaux, ils passaient juste très bien une seconde fois.

Après ce premier concert je suis remonté au bar me prendre un jus de tomate. Je l’ai bu là-haut et vite, méfiant comme tout que je suis du jugement des buveuses·rs de bière et d’anisette. J’ai bien fait, un vieux keupon commençait à me faire des remarques amusées et risquait d’ébruiter ma triste sobriété. Je ne voulais pas risquer que la nana super jolie qui me matait discrétos depuis qu’elle avait mis les pieds dans la salle n’apprenne que j’étais un buveur de softs invétéré. Rassurez-vous, elle ne l’a pas su, elle n’a donc pas arrêté de se rapprocher de moi au cours de la soirée, et je n’ai pas osé l’aborder quoi qu’il en soit parce que je suis timide comme une pucelle bourgeoise élevée au couvent. C’était pas l’envie qui m’en manquait, c’était plutôt que je suis con.

Fix-o-Dante, c’était le deuxième groupe. Un batteur qui frappe comme un sourd sur ses tambours, une bassiste qui avait parfois du mal à suivre mais elle se plantait avec tellement de bonne humeur qu’on s’en foutait, c’est aussi ça l’avantage du punk, et un chanteur guitariste qui jouait au poil, braillait tout aussi bien, composait un punk ‘n’ roll super efficace et qui faisait bouger les têtes. Les thèmes étaient plus personnels et plein d’humour, des dealers jamais à l’heure à sa fille élevée par un autre mec, des hommages à notre grand-père à tous comme il disait, Lemmy, comme aux multiples anonymes qu’en ont trop pris et à qui il manque quelques chicots, annonce-t-il avant d’ôter son dentier pour le porter bien haut sous les spots tout en souriant pour bien appuyer le propos, le refrain c’était descendants des sans dents si j’ai bien pigé. Bref, j’irai les revoir avec plaisir. Le point commun d’avec le groupe précédent à part la base punk des deux styles ? Pas de prise de tête. L’envie de se faire plaisir et la gentillesse enfantine qui émane évidente des musiciens·nes. Comme la musique était vraiment bonne, drôle et entraînante, y a rien à demander de plus. Je suis même pressé de retourner les voir. J’ai moins à dire que sur le premier groupe, oui, pourtant je préférais plutôt celui-ci, mais j’avais l’esprit pris. Oui pripri c’est pas très joli, mais voilà c’est comme ça, j’avais l’esprit pris par cette jolie fille qui, comme je vous l’ai dit, était venue au bout d’une heure et demi de zieutage en douce se coller à cinq centimètres de moi pour danser, et comme depuis le début j’avais fait mine de l’ignorer tout en ne m’éloignant pas pour ne pas qu’elle croit que je la mate et me prenne pour une gros lourdingue, j’étais pris à mon propre piège et ne pouvait plus en sortir, et alors, j’aimerai bien vous y voir vous, à continuer d’apprécier le concert d’une manière analytique tout en vous insultant vous-même copieusement à l’intérieur de votre tête de petit merdeux d’handicapé de la drague de merde.

Bon, ça fait un sacré pavé, c’est assez pour aujourd’hui. Ce soir quand même, quartier les aubes, parc Rimbaud, Maison pour Tous George Sand, playback théâtre à 20h, entrée à prix libre, sur le thème des histoires de voisinage du quartier. Qu’est-ce que c’est que le playback théâtre ? Chaque spectateur arrive avec son histoire sur le thème, les comédiens improviseront là-dessus. Entre théâtre d’impro et éducation populaire s’il faut qu’on vous mette des étiquettes sur tout.

Allez, à demain, bises.

#10 – Montpelliérien #010 – Mariage d’enfer au Kawa

Hier, c’était théâtre. Le Kawa Théâtre, comme je vous l’avais annoncé dans le billet #003. La pièce, c’était Mariage d’enfer. Et c’était bien sympa. Elle et il, la comédienne scénariste Céline Cara et le comédien Kevin Bourges, la rejouent ce soir et puis c’est fini. Enfin pas vraiment, y a une date spéciale le 14 février, mais demain c’est leur dernière officielle, et je suis sûr que ça leur ferait plaisir de jouer devant une salle remplie. Clin d’œil à toi, lecteur·rice.

Que dire maintenant ? C’est l’histoire classique : un mec, une meuf. La meuf veut se marier depuis qu’elle est petite, c’est son rêve, le mec s’en fout complètement, mais il ne doit surtout pas le dire, non, il doit céder surtout, sans quoi ça sent méchamment la séparation. Alors, petit insert. Je dis classique. On risque de me dire, comment ça classique ? Tu renforces les clichés, les lieux communs. Je vous répondrai que deux de mes amis se sont mariés exactement comme ça, poussés par leurs copines qui voulaient seulement se marier. Elles, l’autre, elles s’en foutaient, c’était le mariage, la robe et toutes ces conneries qu’elles désiraient. Leurs histoires, bien qu’elles furent longues jusque là, n’ont duré qu’un an (pas tout à fait) après le mariage, dans les deux cas. Ensuite divorce. Trois de mes amis en tout se sont mariés, ça fait donc deux mariages sur trois qui tombent dans ce cas-là, et que j’ai pu observer de très près. Je serai bien d’accord avec vous pour dire que c’est une question de société et du « rôle » qui échoit aux nanas. Comme vous serez d’accord avec moi pour dire que les mecs qui sortis du boulot ne pensent que foot et bagnoles sont formés dès la petite enfance par un procédé analogue. Ouf, on est bien d’accord alors. On peut continuer.

La pièce joue donc autour de cette situation, et on pourrait craindre de s’ennuyer si ça ne sentait pas autant le vécu, si la scénariste ne visait pas aussi juste à tous les coups. Ce n’est pas vraiment une critique de ce genre de mariages, ce n’est pas non plus un hymne à cette situation, c’est une mise à plat. Tout y est exposé, tout. La pièce n’est pas bien longue (ou il n’y paraît pas, j’ai pas taïmé), et pourtant tout est dedans. Je parle un peu général, je veux pas vous donner de détails. Ça fait partie des plaisirs de ce spectacle de découvrir petit à petit que tout ce qu’on a déjà aperçu de l’extérieur ou vécu de près se retrouve dans la pièce.

Il y a donc ça d’une part. D’autre part il y a les dialogues. Naturels, drôles, réalistes. Lui c’est un beauf’, elle une belles’, au sens de madame et monsieur tout le monde, pas des alcolo-rastos de PMU. Justement, les personnages ne sont pas des neuneus, pas des caricatures. Ni d’horribles connards·sses, ni des angelots. Ils existent, ils ont un passé, une raison de faire ce qu’ils font, de dire ce qu’ils disent. On les sent être des personnes comme vous et moi. Sans doute un peu plus comme vous que comme moi, tout de même, mais enfin à pas beaucoup. Tout ça pour dire que dans l’écriture ici, il n’y a rien de gratuit, de juste pour faire rire pouèt-pouèt pirouette. Et ça, c’est bon, ça fait plaisir.

ENTRACTE

Photo par Gwlad (avenue Georges Clemenceau)

FIN DE L’ENTRACTE

Au niveau du jeu, alors là ! Céline Cara est à fond du début à la fin, elle y met vraiment de l’énergie ! Je l’ai déjà rencontrée deux fois en civil à diverses occasions, elle a l’air tranquille comme femme, mais quand elle se met à jouer la fille survoltée, boudi, elle s’économise pas. Son personnage a beau être agaçant, bruyant, brusque, on ne s’en lasse pas pour autant, le mérite en revient à la comédienne. Et Kevin Bourges. Kevin Bourges ! Un vrai comédien, un bon ! On était trois à être venus voir la pièce, en sortant on était tous bluffés par son jeu. Timing parfait. Il contrôle son corps et ses mimiques impeccablement. Aussi impeccablement qu’il dit son texte. Il est d’une drôlerie et en même temps d’un naturel impressionnants. Bref. Je lui promets une longue carrière. Genre je m’y connais. Mais j’aime bien faire des pronostics du haut de mon ignorance. Pour finir, les deux font la paire. Comme je le pensais déjà à la suite du tournage du court-métrage d’un ami, et après avoir fait la bande son d’une web-série dans laquelle on les retrouve, les voir jouer tous les deux, ensemble ou séparément, c’est un régal.

Qu’est-ce que ça donne tout ça mis ensemble ? Et bien, si le thème n’est pas franchement original, la justesse de l’écriture et le jeu ne m’ont pas laissé sentir le temps filer. Quand je n’étais pas occupé à rire, j’essayais de faire passer cette boule au ventre d’avoir vécu de trop près ce genre d’évènements qui dans la réalité ne sont pas franchement des parties de rigolade. Que demander de plus à un spectacle vivant que de provoquer chez nous des émotions variées en évitant l’ennui ? Rien. Un peu plus de chauffage dans la salle peut-être.

J’ajoute, pour ceux qui sont un peu chauvins, que Mme Cara et M Bourges, sont Montpelliérienne et Montpelliérien (quelques expressions du coin qu’il fait bon entendre se glissent d’ailleurs dans le spectacle), qu’ils jouent depuis longtemps maintenant dans les théâtres de notre ville, et qu’ils semblent vraiment vouloir promouvoir la scène locale.

Donc ? Ben allez-y, patates. Faut tout vous expliquer ?

Allez, à demain. Bisettes.