#277 – Lapis serpentinus § III.

Quatrième note de blog concernant les pierres et les serpents. Troisième réellement consacrée à la pierre serpentine, et je commence à sentir que, plutôt que de me lancer dans cette recherche à l’emporte-pièce, j’aurais dû tout préparer à l’avance et tout publier d’une manière ordonnée, pour votre confort et pour la clarté du propos. C’est vrai. Mais si j’avais procédé autrement, je ne l’aurais pas faite du tout, cette recherche.

Ce que je vous propose donc c’est que, puisque j’ai commencé comme ça, je continue ces notes brouillonnes à mesure que je rassemble des éléments, et qu’une fois que je serais passé à autre chose, je fasse une belle section sur le site ou sera résumé clairement le résultat des recherches, où sera retracée la chronologie de chaque témoignage ou intervention sur le sujet, et où seront disponibles tous les textes.

Donc c’est reparti. La note qui n’a rien à voir mais qui a tout déclenché, la note où je découvre la fameuse pierre serpentine, la note où je réalise que je ne vais pas m’en sortir aussi facilement que prévu. Z’avez tout lu ? Z’êtes à jour.


Hans Sloane disait donc, dans sa lettre du 19 avril 1779 à la Royal Society, qu’à sa connaissance, le premier à avoir parlé des Pierres Serpentines (oui, je pourrais les appeler pierres de serpent, mais j’aime trop écrire serpentine. Serpentine, serpentine, serpentine…) était Francesco Redi :

« I think the firſt who gives any Account of them (les pierres) is Franceſco Redi at Florence, who had them from the Duke of Tuſcany‘s Collections, and who, in his Eſperienze Nat. tells great Virtues of them »

Plusieurs problèmes :

  1. Parle-t-il des pierres supposées êtes extraites de la tête des fameux Cobra de Cabelo (celle que Kircher dit « naturelle »), ou de la version artificielle à partir d’os carbonisés qu’il cite un peu plus haut ?
  2. Il cite l’ouvrage de Redi : Esperienze intorno a diverse cose naturali qui n’a été publié qu’en 1671, alors que nous avons vu que la première occurence de cette pierre dans cette même revue de la Royal Society citait une traduction française du Flora Sinensis de Boym, livre publié originairement en latin en 1656.
  3. Esperienze intorno a diverse cose naturali n’est qu’une publication sous forme de lettre écrite à Kircher pour l’entretenir de cette histoire de « Pietra del Serpente » dont il cause dans son China Illustrata de 1667, et dans lequel il précise déjà que certaines de ces pierres sont artificielles.
  4. Francesco Redi écrit en italien, et je ne lis que très mal l’italien, je n’arrive donc pas bien à comprendre s’il ne remet pas plutôt en doute les vertues supposées de la pierre. C’est un grand expert des viperes pour avoir travaillé dessus et leur avoir consacré un ouvrage : Osservazzioni intorno alle vipere en 1664 qui a déjà balayé beaucoup de croyances concernant leur venin, et où il n’est nullement fait mention de la pierre suspecte.

Conclusion hâtive : Hans Sloane ne devrait pas écrire ses lettres à la Royal Society après l’apéro.

Bon, mais il va falloir que je lise en détail et que je traduise cet Esperienze intorno a diverse cose naturali avant de m’avancer plus sur l’opinion de Fransesco Redi à ce sujet. Ce que je vous propose aujourd’hui, c’est de publier ici les passages relatifs à la pierre dans les deux autres textes auxquels Sloane fait allusion, celui de Biron et celui de Kämpfer.

Voici quand même un dessin des pierres qu’on trouve dans le livre de Redi:


Curiositez de la nature et de l’art, Aportées dans deux Voyages des Indes ; l’un aux Inders d’Occident en 1658. & l’autre aux Indes d’Orient en 1701. & 1702. Avec une relation abregrée de ces deux Voyages. de Claude Biron, publié en 1703.

Chap. II, pp. 72–77

Les Pierres de Serpent

Ces pierres ſont de couleur d’ardoiſe ; elles ſont plates, & de la grandeur d’un ſoû marqué. Elles s’apellent dans les Indes Pierres de Serpent, à cauſe qu’elles ont la vertu de guerir les morſures de couleuvres, viperes, ſerpents, &c. Ces pierres, qui ſont le plus ſouverain remède, qu’on ait encore trouvé contre les morſures des Serpents, viennent du Royaume de Camboya. Quelques-uns diſent qu’elles ne ſont point naturelles ; mais factices, & compoſées de pluſieurs ingrediens, dont ceux du pays font un grand ſecret aux Etrangers. Il y en a qui les croient naturelles. Et M. Boyle dit qu’on lui a aſſuré, qu’on les trouve dans la tête de certains Serpents qui ſont vers Goa. Quoi qu’il en ſoit voici comme on s’en ſert.

Si la plaie n’a point ſaigné, après la morſure, ou piqure du Serpent, il faut piquer legérement l’endroit qui a été bleſſé, de maniere que le ſang en ſorte. Après quoi il faut y appliquer la pierre, qui s’y attache incontinent. Elle attire, & ſucce le venin. Il la faut laiſſer deſſus la plaie, juſqu’à ce qu’elle ſe détache d’elle-même : après cela, il faut laver la pierre dans du lait qui ſe charge incontinent du venin ; & ſi on n’avoit pas de lait, on la lave dans de l’eau. Après l’avoir bien eſſuyée, on la remet ſur la plaie ; ce que l’on continuë de faire juſqu’à ce qu’elle ne s’y attache plus. Ce ſera alors une marque évidente, que tout le venin ſera ſorti.

Il y en a qui croient qu’elle auroit la même vertu pour la morſure des chiens enragez, en pratiquant la même choſe, que nous venons de dire. Ce qu’il y a de plus aſſuré, c’eſt que cette pierre eſt généralement eſtimée dans tout l’Inde. M. Boyle qui ne revoque point en doute la vertu de la pierre de Serpent, en tire un argument pour prouver que l’aplication extérieure de certains amulettes peut fort bien opérer des guériſons. Voici ce qu’il raconte au ſujet de ces pierres. Je me rangerois volontiers au parti de ces habiles Médecins, qui ne reconnaiſſent nulle vertu dans les pierres ; même dans celles qu’on tire des Serpents ; & je me joindrois en cela au docte, & curieux M. Rédi, qui dans ſes expériences n’a obſervé dans ces pierres aucune faculté. Peut-être que tout ce qu’on nous vante comme étant des Indes, n’en vient pas. Il faut pourtant avoüer, après avoir rejetté tous les contes fabuleux, qu’on debite dans le monde ſur les pierres, qu’il y en a, dont il n’eſt pas poſſible de nier la vertu. Et en éfet un Savant tout pétri de la Philoſophie de Deſcartes, & qui par conſequent étoit fort en garde contre les qualitez occultes, & ſur les traditions populaires des Orientaux, m’a aſſuré que dans le tems qu’il étoit dans les Indes, il a guéri par la ſeule aplication de la pierre de Serpent plus de ſoixante perſonnes qui avoient été morduës, ou piquées par des Serpents. Et moi-même, ajoûte M. Boyle, j’en ai fait l’expérience ſur des animaux, que j’avois fait mordre par des Vipéres. Ce qui m’induit à ne pas rejetter comme faux tout ce que l’on dit ſur les vertus des pierre. Quodque ſumpſi ipſe experimentum cum genuino ejuſmodi Lapide è corporibus brutorum, fecit omninò, ut buic rei fidem non negem. Simplic. medicam. util. & uſus, p.62.


AH ! Je le savais ! Francesco Redi ne « raconte » pas les « grandes vertus » des pierres, monsieur Sloane ! Vous lisez encore moins bien l’italien que moi, monsieur Sloane. Et toc.

Bon. Qui est ce monsieur Boyle cité par Biron ? Robert Boyle. Oui, oui, le célèbre. L’ouvrage de Boyle dont il est question est son De specificorum remediorum cvm corpvscvlari philosophia concordia : Cui accessit Dissertatio de varia simplicivm medicamentorvm utilitate et usu., publié en 1687. En latin. Je comprends moins encore le latin que l’italien, mais je peux vous dire qu’il n’y raconte rien de plus que ce que paraphrase Claude Biron. Comment je le sais ? Parce que le livre a été traduit en français en 1689 par M. Jean de Rostagny, de la Société Royale de Paris, sous le titre : Nouveau traité de Monsieur Boyle sur la convenance des remèdes spécifiques de la philosophie des corpuscules, & sur l’usage & les propriétés des médicamens simples.

Comme il n’y a aucune information supplémentaire à en tirer, je me contenterai pour l’instant de vous mettre le texte dans sa version originale à la fin de cette note. Le jour où je ferai le gros dossier final sur un espace dédié du site, j’y mettrais les deux versions.


Voici maintenant ce qu’en dit Engelbert Kaempfer dans son Amœnitatum exoticarum politico-physico-medicarum Fasciculi V, Quibus continentur Variæ Relationes, Observationes et Descriptiones Rerum persicarum & ulterioris Asiæ, multâ attentione, in peregrinationibus per universum Orientum, collectæ, ab Auctore Engelberto Kaempfero, publié en 1712

Fasciculus II. Relatio IX. § III.
pp. 395–396

Pedra de Cobra : ita dictus lapis, vocabulô à Luſitanis impoſito, adverſus viperarum morſus præſtat auxilium, externè applicatus. In ſerpente, quòd vulgò credunt, non invenitur, ſed arte ſecretâ fabricatur à Brahmenis. Pro dextro & felici uſu, oportet adeſſe geminos, ut cum primus veneno faturatus vulnuſculo decidit, alter ſurrogari illico in locum poſſit ; Proinde poſſidere indigenæ niſi geminos cupiunt ;quos cum goſſypio capſulæ incluſos probè aſſervant. Aliam obtineo ophitidem, inſar ſilicis duriſſimam ponderoſamque, uncialis longitudinis, figuræ quodammodo tornatilis, & quaſi ex annulis compactæ ; quales inveniri in capitibus maximorum ſerpentum credulus perſuadetur vulgus : ego apophyſin alius petræ, vel in ipſâ petrâ molliori genitam judico, velut lapides bufonius, aëtites, lyncius, oculus catti, gloſſo-petra, & ſi quos alios vulgi error tranſcribit ex animalibus. Fidem mihi fecit collis petroſus, quem bidui itinere ab Iſphahano urbe offendimus, cujus ſabulum ex petrâ diſſolutum, innumeros exhibebat variæ figuræ bufonios & Judaicos, quibus vel plauſtrum impleviſſem. Quo ipſo feror, ut iſtis lapidibus nihil efficaciæ ineſſe credam, niſi quam actuali frigiditate ſuâ, vel abſorbendo præſtant.


Bon, je dois vous avouer que j’y pige que couic. Enfin, à part les information qui étaient déjà mentionnées dans d’autre textes. Mais je l’ai quand même mis ici, pour celles et ceux qui s’en sortent mieux que moi en langues mortes.

Je pense que ça suffit pour aujourd’hui. Dans la prochaine note sur le sujet, je m’attaquerai au texte de Francesco Redi, mais ça risque de ne pas être tout de suite. J’ai quand même pu apercevoir en le feuilletant qu’on y parle d’une autre pierre de serpent, venue d’afrique, elle, et à laquelle on prête d’autres pouvoirs. Encore tout une aventure, mais je promets de boucler celle-ci en premier lieux. Je vais quand même sans doute poster sur d’autres sujets d’ici-là, il vous faudra un peu de patience.

Voici donc les liens vers les ouvrages dont j’ai causé ici et que je n’ai pas déjà donnés dans les articles précédents, puis l’article du journal des scavants résumant l’ouvrage concernant les vipères de Redi, et enfin l’extrait en latin du texte de Robert Boyle :


PDF : Osservazzioni interno alle vipere, Francesco Redi, 1664 (MDZ)
PDF : Esperienze intorno a diverse cose naturali, Francesco Redi, 1671 (MDZ)
PDF : Résumé du Osservazzioni interno alle vipere dans le Journal des Sçavans du lundi 4 janvier 1666, p.9-12 (Gallica)
PDF : Curiositez de la nature et de l’art, Aportées dans deux Voyages des Indes ; l’un aux Inders d’Occident en 1658. & l’autre aux Indes d’Orient en 1701. & 1702. Avec une relation abregrée de ces deux Voyages, Claude Biron, 1703 (Gallica)
PDF : De specificorum remediorum cvm corpvscvlari philosophia concordia : Cui accessit Dissertatio de varia simplicivm medicamentorvm utilitate et usu., Robert Boyle, 1687 (Archive.org)
et sa traduction :
PDF : Nouveau traité de Monsieur Boyle sur la convenance des remèdes spécifiques de la philosophie des corpuscules, & sur l’usage & les propriétés des médicamens simples., 1689 (Gallica)
PDF : Amœnitatum exoticarum politico-physico-medicarum Fasciculi V, Quibus continentur Variæ Relationes, Observationes et Descriptiones Rerum persicarum & ulterioris Asiæ, multâ attentione, in peregrinationibus per universum Orientum, collectæ, ab Auctore Engelberto Kaempfero, Kaempfer, 1712 (BIU Santé)


Extraits du résumé de Osservazioni intorno alle vipere de Redi, dans le Journal des Sçavans du Lundy IV. Ianvier 1666, pp.9–12 :

OSSERVATIONI INTORNO ALLE VIPERE
fatte da Fanciſco Redi, in Firenze. in 4.

Les anciens Naturaliſtes ont dit beaucoup de choſes ſurprenantes des Viperes ; & comme il n’y a pas plaiſir à faire l’experience de ce qu’ils ont auancé, ceux qui ſont venus apres eux ont mieux aymé les croire ſur leur parole, que d’en faire l’eſpreuue. Mais depuis peu vn Gentilhomme Italien ayant trouué l’occaſion de quantité de Viperes, que l’on auoit apportées au grand Duc de Toſcane pour compoſer la Theriaque, a examiné ce qui concerne cette matiere auec beaucoup d’exactitude, & l’a deſcrite auec toute l’elegance dont cette matiere eſt ſuſceptible.

Premierement, il a remarqué que le venin des Viperes n’eſt point dans leurs dents, comme quelques vns diſent ; ny dans leur queuë, comme d’autres pretendent ; ny dans leur fiel, comme les plus ſçavans Naturaliſtes ſe ſont imaginez : mais qu’il eſt dans deux veſicules qui couurent leurs dents, & qui venant à ſe reſſerrer lors que les Viperes mordent, font ſortir vne certaine liqueur iaunaſtre qui coule le long des dents & enuenime la playe. (…)

Ce que quelques Autheurs ont encore aſſeuré, que c’eſtoit vne choſe mortelle que de manger de la chair des animaux tuez par les viperes, boire du vin dans lequel les Viperes ont eſté eſtouffées ou ſuçer les playes de ceux qui en ont eſté mordus, ſe trouue auſſi peu veritable. Car cét Autheur aſſeure que pluſieurs perſonnes ont mangé des poulets & des pigeonneaux mordus par des Viperes, ſans qu’en ſuite leur ſanté en ait receu la moindre alteration. Au contraire, il dit que c’eſt vn ſouuerain remede contre la morſure des Viperes que de ſuçer la playe, & il rapporte l’experience d’vn chien qu’il fit mordre ſur le nez par vne Vipere, lequel à force de lécher ſa playe ſe ſauua la vie. Ce qui eſt encore confirmé par l’exemple de ces gens qui eſtoient autrefois appelez Marſi & Pſilli, dont le meſtier eſtoit de guerir ceux qui auoient eſté mordus par les ſerpens, en ſuçant leurs playes.

Cét Autheur adiouſte que quoy que Galien & pluſieurs modernes aſſeurent qu’il n’y a rien qui altere tant que la chair de Vipere, il a neantmoins experimenté le contraire, & qu’il a connu des gens qui mangeoient de la Vipere à tous leurs repas, & qui cependant aſſeuroient qu’ils n’auoient iamais eu moins de ſoif qu’au temps qu’ils gardoient ce regime de viure. (…)


Extrait du De specificorum remediorum cvm corpvscvlari philosophia concordia : Cui accessit Dissertatio de varia simplicivm medicamentorvm utilitate et usu. de Robert Boyle, concertant la pierre de serpent

Parænesis ad usum simplicium medicamentorum
§ VIII.

Hanc, inquam, ob cauſam, duo alia obſervatu digna ſuperaddam exempla efficaciæ ſiccorum etiam, atque ſolidorum corporum licèt exteriùs tantùm applicatorum adverſus morbos, quos varia nec conſuera comitabantur ſymptomata, quorum quantumvis innocuas viperas noſtras anglicanas homines ſentiant, varia tum in hominibus, tum in brutis exempla novi : atque etiam, qui ab India orientali veniunt, magnam concretionum quarumdam lapidearum, quæ dicuntur reperiri in capitibus quorumdam ſerpentum circa Goam, aliaſque Regiones orientales, virtutem extollunt : quamvis enim plerique Medici, rejiciant, aut dubitent de poreſtate iis lapidibus aſcripta, poteſtate, inquam, curandi morſus viperarum ; & quamvis eorum hac in re hæſitationem minimè mirer, quòd reipſa lapidum plurimi ex India allati genuini non ſint, iiq́ue qui re verâ ſerpentibus eximuntur, ob rationem hîc non commemorandam nihil proſint, cujuſmodi fortè ii erant, quibus doctus, curioſuſq́ue, Redy, ſua experimenta fecir : alia tamen ſunt, quorum virtutes negari nequeunt : ne enim vulgaribus traditionibus plerumque fallacibus fides habeatur, quidam è præcipuis Collegii Londinenſis Doctoribus mihi aſſeruir, ſe hujuſcemodi cujuſpiam lapidis ope periculoſum quemdam morbum præter opinionem curâſſe : rem mihi ipſe ut geſta eſt, pluribus narravit : atque quiſpiam è præcipuis Anglicanis noſtris Chirurgis alium ſe dixit eodem remedio curâſſe : merâ ſcilicet lapidis parti, quam vipera momorderat, applicatione ab utroque curatus uterque morbus eſt : atque vir quidam magnæ notæ inſigni Societati Mercatorum mercaturam in Indiis ubi diu vixerat orientalibus exercenti præfectus, mihi aſſeruit curâſſe ſe ope hujus lapidis multos à venenatis animalibus læſos : ſed hujus rei veritati longè majus adhuc pondus addit peregrinatus quidam per meridionales Indiarum orientalium plagas : quamvis autem hic utpote à celebri Carteſiano quopiam Philoſopho inſtructus vulgaribus Regionum quas peragrabat, & in quibus vivebat traditionibus vix fidem haberet, cùm tamen vel idcirco à me rogaretur, quid tutò de lapidibus hiſce, ſentire deberem, ſeriò mihi reſpondit curâſſe ſe ſexaginta, & plures morſos, aut ſtimulatos à venenoſis quibuſdam animalibus : & pleroſque quidem merâ exteriori lapidis hujuſce applicatione : quem quòd præpollentem, experiretur, ſervabat ſecum, ut ubi res exigeret, ad manum eſſet : quodque ſumpſi ipſe experimentum cum genuino ejuſcemodi lapide, è corporibus brutorum, fecit omnino ut huic rei fidem non negem.



Police d’écriture utilisée pour la reproduction du texte ancien : IM FELL DW Pica. The Fell Types are digitally reproduced by Igino Marini. www.iginomarini.com

#276 – Pierre Serpentine ou Serpent-Stone : flanc ou salades ?

Je dois vous avouer, arrivé à ce troisième article consacré aux rumeurs qui ont pu circuler concernant les Serpents au XVIIe siècle, que je m’éclate franchement. Je me suis interdit de chercher sur les pages internet d’aujourd’hui ce que l’on pensait de tout ça, ce qu’on avait découvert… Non. Je navigue de revues en livres anciens, au gré des sources citées par les auteurs pour essayer de trouver le fin mot de l’histoire d’après les « témoignages » d’époque. Honnêtement ça me tient mieux en haleine que les séries télé.

J’avais dit que je recauserai du Thériaque et que j’espérais avoir fait le tour de cette histoire de pierre, ben vous pensez. Je suis tombé sur un gros morceau. Deux gros morceaux en fait.

Suite, donc, et sans doute pas fin de ces histoires de serpents et de pierres et de pierres de serpents. Si vous avez loupé le départ, ça se trouve ici et .

Petit rappel chronologique :

  • 1656 : Publication du Flora Sinensis de Michał Piotr Boym en latin. On y parle de cette pierre qu’on retire de la tête d’un certain serpent et dont on se sert comme antipoison miracle.
  • 1664 : Publication du Flora Sinensis traduit en français par Melchisédech Thévenot dans son Relation de divers voyages curieux, blablabla… Seconde partie.
  • 1665 : Publication de l’article Of the nature of a certain Stone, found in the Indies, in the head of a Serpent, dans le Phisolophical Transactions of the Royal Society. (le 5 novembre 1665, reparaîtra en volume (Vol. I) en 1667)
  • 1667 : BOUM !!! Athanase Kircher publie :

Athanasii Kircheri
E Soc. Jesu

CHINA
MONUMENTIS
QUA
Sacris quà Pofanis,
Nec non variis
NATURÆ & ARTIS
spectaculis,
Aliarumque rerum memorabilium
Argumentis
ILLUSTRATA,
auspiciis
LEOPOLDI PRIMI
roman. imper. semper augusti
Munificentiſsimi Mecænatis

AMSTELODAMI,
_______________________________
Apud Joannen Janſſoniun à Waeſberge & Elizeum Weyerſtraet,
Anno cIɔ Iɔc lxvii. Cum Privilegiis.


Hein ? Vous y pigez que broc au latin ? Ben moi pareil, mais, ça tombe bien, en 1670 est publiée une traduction française :

la
CHINE
d’Athanase Kirchere
De la Compagnie de Jesus,
ILLUSTRÉE
De pluſieurs
MONUMENTS
Tant Sacrés que Profanes,
Et de quantité de Recherchés
de la
NATURE & de l’ART
A
Quoy on à adjouſté de nouveau les queſtions curieuſes que le Sereniſſime
Grand Duc de Toscane a fait dépuis peu du P. Jean Grubere touchant ce grand Empire.
Avec un Dictionaire Chinois & François, lequel eſt tres-rare, & qui n’a pas encores paru au jour.
Traduit par F. S. Dalquié.

A AMSTERDAM,
_______________________________
Ches Jean Janſſon à Waesberge & les Heritiers d’Elizée Weyerſtraet,
l’An cIɔ Iɔc lxx. Avec Privilege.


Et attention, là, c’est du lourd ! Pourquoi du lourd ? Ben pardi, parce que tonton Athanase il va nous faire des révélations, c’est écrit dans le numéro du 3 juin 1667 du Philosophical Transactions ! :

Account of Athanaſii Kircheri CHINA ILLUSTRATA

(China Illustrata c’est le petit nom qu’on a donné au bouquin au final, le titre original était… enfin vous avez vu quoi.)

The Author by publiſhing this Volume blablabla…

The Book it ſelf, a large Folio, is divided into 6. Parts.

The three firſt bloubloublou…

But we haſten to the Fourth Book, as belonging to our Sphere. That undertakes to deſcribe the Curioſities and Productions of Nature and Art, in China et bloublibloubli…

As

1. Mountainsouais ouais…

2. Iſlespas ça non plus…

AH !

7. Animals, Here he diſcourſeth of the Musk Dear on s’en fout…

Pas ça non plus…

TROUVÉ !!!

Of the Serpent, that breeds the Antidotal ſtone ; whereof he relates many experiments, to verifie the relations of its vertue : Which may invite the Curator of the Royal Society, to make the like tryal, there being such a ſtone in their Repoſitory, ſent them from the Eaſt Indies.

Rendez-vous compte !! On va enfin tout savoir ! Livre 4, chapitre 7 ! Imaginez-moi après avoir trouvé ça. Je me précipite livre 4, chapitre 7 : « Des animaux extraordinaires & surprenants de la chine. »

Je lis, le lis, je lis… Rien. Merde alors ! On m’a menti. Je poursuis. Ah, chapitre 10 : « Des serpens de la Chine » ! Wouhouuuu !!

Rien, rien, rien. Rien ! Ah si. Au bout de quatre pages à deux colones, page 275 (version française de 1670) :

Il y a d’autres ſerpents dans la Chine dont le venin eſt irremediable. Le premier de ceux-cy s’appelle Cobra de Cabelos ; c’eſt à dire ſerpent chevelu, dont nous avons amplement parlé dans les traittés precedents où nous avons diſcouru du Royaume de Mogor.

Alors là, les mecs de la Royal Society, va falloir qu’ils apprennent à sourcer correctement. Bon. Les « traittés precedents », c’est dans ce même bouquin ou pas ? Oui. J’ai de la chance. J’y arrive enfin. Page 108.

(Là j’avertis les phobiques que je vais glisser un dessin d’époque dans le texte puisqu’il en est fait mention. Préparez-vous, c’est terrifiant. Et j’avertis tout le monde que je me suis bien fait chier à respecter très fidèlement l’aléatoire orthographique de ce texte. Alors si un mot change d’un bout de phrase à l’autre, c’est comme ça dans l’original.)


Des grandes, & admirables vertus de la pierre ſerpentine, que les Portugais appellent la Piedra della Cobra.

Les Bragmanes ont trouvé une pierre qui eſt en partie naturelle ; parcequ’elle croit naturellement dans le ſerpent, (laquelle eſt nommée des Portugais Cobra de Capelos, c’eſt à dire ſerpent ou coleuvre velu) elle eſt auſſi en partie artificielle, à cauſe de pluſieurs venins de differents animaux, mais particulierement de ce coulevre velu, leſquels on meſle tous enſemble, pour en compoſer cette pierre. Elle a une ſi grande vertu, qu’auſſi toſt qu’on en a touché le mal la gueriſon en eſt infaillible. Ce remede eſt fort uſité dans toute l’Inde, & la Chine, à cauſe de ſa prompte, & grande operation, & certainement je ne l’aurois jamais creu, ſi moy meſme (dépuis que j’eſcris ce-cy) n’en avois pas fait l’experiance ſur un chien mordu par un vipere, auquel (auſſi toſt que jeus appliqué la pierre,) elle s’attacha ſi fort, qu’à peine la pouvoit on arracher, juſques ce qu’ayant attiré tout le venin, elle ſe laiſſa tomber d’elle meſme ; aprés quoy le chien fût deſlivré du venin, & qu’oyqu’il en reſtat long temps fort engourdi, il reprint neantmoins ſon encienne vigeur. Il y eût en ce meſme temps un celebre docteur qu’on appelloit Charles Magninus Romain de nation, qui en fit heureuſement l’experiance ſur un homme qui avoit eſté mordu d’une vipere. De plus cette pierre eſtant jetée dans l’eau, elle quitte incontinent ſon venin, & reprent ſa pureté. Si on la jette dans l’eau veneneuſe d’un lac, elle attire tout le venin, & rend l’eau nette, & belle ; & tant s’en faut qu’elle diminuë de ſa force & de ſa vertu attractive, qu’aucontraire, il ſemble qu’elle augmente, & qu’elle change ſa couleur blanche, en un jeaune vert, ſelon la force, & la nature du venin qu’elle attire.

Mais au reſte pour revenir au ſerpent, je dis que s’il eſt appelé Cobra de Capelos, ce n’eſt pas parcequ’il eſt couvert de poil, ainſi que pluſieurs ſe ſont perſuadés fauſſement ; mais parce qu’il a ſur la plus haute partie de la teſte une certaine chevelure, faite en forme de chapeu plat, & uni.

Le Pere Sebaſtien d’Almida (qui eſt de retour à Rome de ſon voyage des Indes, dépuis le temps que j’eſcris ce livre) nous apprend que l’on trouve dans l’Inde de ces ſerpents preſque à tous les pas. Mais pour ceux-là qui produiſent cette pierre, qu’on appelle Cobra de Capelos, ils ne ſe trouvent que dans le territoire de Dienſi, leſquels ont la figure qu’on voit repréſentée ici deſſous : la nature leur a eſcrit ſous les machoires inferieures deux SS : l’on a ignoré juſqu’a preſent pour qu’elle fin. Ce ſont donc ces Serpents d’où l’on ſe ſert pour faire la pierre artificielle, laqu’elle eſt fabriquée par les hermites idolatres, qu’on appelle autrement Santones, de la façon que je diray aprés. Voy-cy la figure des Serpents.

Le P. Roth qui m’a donné trois de ces pierres, m’a raconté, qu’il en avoit ſouvent fait l’experience dans le Royaume de Mogor, dont la premiere fût ſur ſon Serviteur qui ayant eſté mordu à la main par une vipere, il luy appliqua incontinent la pierre, laquelle n’y fût pas plutoſt, que le venin qui eſtoit répendu par tout le bras, commença de revenir peu à peu ; de telle ſorte que ce Serviteur montroit au doit les divers lieux, où le venin eſtoit pendant l’operation : ſi bien qu’eſtant toutafait parvenu à la playe, auſſi toſt que la pierre en fût imbuë, elle tomba d’elle meſme, comme ſi elle eût conneu qu’il n’y avoit plus rien à faire ; qu’oyqu’auparavant elle y fût fort attachée ; enſuitte de qu’oy ce jeune homme reſta en parfaite ſanté. L’autre experiance qu’il en fit, fût ſur un peſtiferé à qui (aprés luy avoir inciſé la peſte) on appliqua cette pierre, laquelle attira tout le venin dans un moment, & rendit enfin la ſanté à celuy qui ſans ce prompt ſecours eſtoit ſur le point de perdre la vië ; Vous ſçaurés que non ſeulement la naturelle opere tous ces bons effets ; mais auſſi que l’artificielle, qui ſe fait de pluſieurs autres que l’on trouve dans ces Serpents, que l’on meſle avec une partie de leur teſte, de leur cœur, de leur rate, & des dants tout enſemble, avec de la terre ſigillée a le méme effet, & la méme proprieté ; & l’on connoit par là qu’elle eſt tres rare, & tres precieuſe ; puiſque les Bragmanes, & les Joguës n’en veulent jamais apprendre le ſecret pour de l’or, ni pour de l’argent ; enfin elle eſt ſi efficace, quelle a touſjours ſon effet, & ſi vous en avés quelqu’une qui n’en face pas de meſme, perſuadés vous qu’elle eſt fauſſe, & que ce n’eſt pas une de celles dont nous parlons. Main afin de la connoiſtre, pour ne ſe laiſſer point tromper ; Il feroit neceſſaire, que le Lecteur ſceût ce que le P. Michel Boïmus dit dans ſa Flore Chinoiſe dans le feuillet marqué par M. lequel en parle en ces termes.

[Là il cite Boym, je vous le remets pas, c’est l’extrait en français dans ce post]

Mais c’eſt aſſés parlé pour le preſent des admirables vertus de cette pierre, leſquelles je n’euſſe jamais creu eſtre telles, ſi l’experiance que j’en fis ſur un chien ne me l’eût perſuadé ainſi que j’ay deſja dit. Maintenant il s’agit de ſçavoir, qu’elle eſt cette vertu magnetique qui attire ſi promptement à elle toute ſorte de venin, de quelque nature qu’il puiſſe eſtre ; & la raiſon pourqu’oy elle s’atache ſi fort à la playe, qu’elle ne s’en oſte point, que premierement elle ne ſoit toutafait enyvrée de venin : veritablement c’eſt une queſtion qui n’eſt pas trop facile à reſoudre, & que je ne veux traitter qu’après avoir leu les principes de l’art de l’Aimant, qui ſont eſcrits dans le 9. Livre du monde Souſterain, & de l’Antipatie des venins, où je renvoye le Lecteur (…)


Alors, là… J’avais entendu dire du bien de ce Kircher, mais là… Dans le genre je raconte n’importequoi, je reste vague et je trouve toutes les astuces pour ne rien pouvoir prouver, ça se place là.

La pierre est elle en partie naturelle et en partie artificielle, ou s’agit-il de deux sortes de pierres différentes ? Une pierre purifie l’eau d’un lac entier ? Déjà même d’une flaque, j’aimerai voir ça. Et donc, si on possède une de ces prétendues pierres, mais qu’elle ne purifie pas l’eau d’un lac, ne sauve pas un homme d’une morsure de cobra et ne s’accroche pas à la plaie comme un magnet sur le frigo jusqu’à ce que tout le venin soit aspiré, c’est que c’est une fausse !! Ben pardi. J’ai failli ne pas y croire, heureusement l’explication finale m’a convaincu.

Dois-je ajouter que monsieur Kircher, quelques lignes plus bas nous entretient du :

Puiſſant venin de la Barbe du Tigre (…) lequel eſt preſque de la grandeur d’un Aſne, & de la figure d’un Chat. (…) de plus il a de longs poils au tour des levres leſquels ſont ſi venimeux (ainſi que l’experiance la ſouvent fait voir) que ſi quelque perſonne ou la beſte méme, en avale quelqu’un, ſans y prendre garde, il faut neceſſairement qu’elle meure »

Oui, oui, vous avez reconnu à cette description le terriblement venimeux Tigre du Bengale. Bon. Cet homme a accompli un travail fabuleux de tentative d’explication du monde à base de rumeurs, reconnaissons-lui ça (je ferais sans doute un article qui lui est dédié dans peu de temps), mais on n’est pas plus avancés que ça sur la nature de cette (ces) pierre(s) ?

Et on est pas les seuls. Cent ans après la publication du Flora Sinensis et du China Illustrata, on continue à se questionner, comme le montre la lettre parue dans le Philosophical Transactations N° 492, publié pour la première fois le 26 octobre 1749 (au lieu du 15 juin) et repris en volume en 1750. Vous ne voyez pas de quoi je veux parler ? Vous avez bossé de votre côté un peu ou vous attendez que je fasse tout le travail ? Bon et bien au final, c’est sans doute cette lettre qui nous en apprend le plus sur la nature de la fameuse pierre, et qui nous donne également des pistes pour la suite des recherches.

La lettre parle de deux sortes de pierres, celle qui est supposée se trouver dans la tête du serpent et une autre qui se trouverait dans le ventre des rhinocéros. Je zappe toutes les parties sur les Rhino, désolé.


VI. A Letter from Sir Hans Sloane Baronet, late Pr. R. S. to Martin Folkes Esquire Pr. R. S. containing Accounts of the pretended Serpent-ſtone called Pietra de Cobra de Cabelos, and of the Pietra de Mombazza or the Rhinoceros Bezoar, together with the Figure of a Rhinoceros with a double Horn.

Chelſea, April 19, 1749.

Read April 20. 1749.

SIR,

I here ſend you to be communicated to the Society, if you think proper, an Account of two pretended Stones, ſaid to be found in the Head of the moſt venomous Snake of the Eaſt Indies called Cobra de Cabelo, together with an Account of what I have heard, and what I believe they really are. (…) I am,

SIR,

Your humble Servant,

Hans Sloane.

Pietre del Serpente Cobra de Cabelo * Redi Eſperienze, Nat. p. 3. Tab. i. Lapides Serpentis Cobras de Cabelo dicti, Edit. Latin. Pedra de Cobra, Kempfer. Amœnitat. Exot. p. 396. Pierres de Serpent. Biron Curioſit. de la Natura, &c. p. 72

Dr. John Bateman, my worthy Predeceſſor, formerly Preſident of the College of Phyſicians of London, told me, with great Admiration, that he had ſeen the great Effects (upon the Bite of a Viper) of the Snake-ſtone or Serpent-ſtone, as it is call’d, before King Charles II. who was a great Lover of ſuch Natural Experiments ; and that he knew the Perſon poſſeſſed of the very Stone he had ſeen tried, who he believed would part with it for Money.

Upon my Deſire and Requeſt to ſee him, he came to me, and brought with him the Stone, which was round and flat, as the common ones brought by Merchants and others from the Eaſt Indies, about the Size of a mill’d Shilling, but thickern for which he aſked five Guineas, tho’ it was broken. There are ſeveral of this Sort, figur’d in Tab. II. Fig. 8. a, b, c, d.

Dr. Alex. Stuart, who had been my Acquaintance for ſeveral Years, returning from the Eaſt Indies, brought from thence, among many other Curioſities, ſome of theſe Snake or Serpent-ſtones, together with this Account of them, which he had from a other Miſſionary in the Eaſt Indies, ‘that they were not taken out of a Serpent’s Head, but made of the Bones of the ſmall Buffalo in the Indies’ (by which their Coaches are drawn are drawn inſtead of Horſes) ; the Bones being half-calcin’d or char by the Dung of the ſame Buffalo. He gave me ſeveral Pieces, with ſome of the Snake or Serpent-ſtones made out of them, and which I have in my Collection of ſeveral Shape and Colours.

I think the firſt who gives any Account of them is Franceſco Redi at Florence, who had them from the Duke of Tuſcany‘s Collections, and who, in his Eſperienze Nat. tells great Virtues of them, related by three Franciſcan Friers, who came from the Eaſt Indies in 1662. which were, that, being applied to the Bites of the Viper, Aſp, or any other venomous Animals it ſticks very faſt till it has imbibed or attracted all the Poiſon (as a Loadſtone does Iron), as many People in the Indies believe, and then it falls off of itſelf ; and being put into new Milk, it parts with the Poiſon, and gives the Milk a bluiſh Colour ; of which Redi tells the Succeſs of thoſe he figured.

Kempfer, in his Amœnitat. Exot. p. 396 ſpeaking of this, ſays, it helps thoſe bit by Vipers, outwardly applied ; and that it is not fond in the Serpent’s Head, as believed, but by a ſecret Art made by the Brahmens ; and that, for the right and happy Application of it, there muſt be two ready ; that when one has fallen off fill’d with the Poiſon, the other may ſupply its Place. They are commonly, as he ſays, kept in a Box with Cotton, to be ready when Occaſion offers.

Biron ſays, that if the Wound of the Serpent has not bled, it muſt be a little prick’d, ſo as the Blood comes out, and then to be applied as uſual. It comes from the Kingdom of Camboya.


* Which ſignifies in Portugueſe, the hooded Serpent, becauſe it has a Membrane about its Head which it an expand like an Hood : By others it is called the Spectacle-Snake ; for on the back Part of its Neck is the Repreſentation of a pair of Spectacles. See a figure of one in Kempfer‘s Amœnit. Exotic. p. 567.

Fig. 8. a, b, c, d, repreſent the Pietre de Serpente Cobra de Cabelo, of an Aſh-colour and black. In that mark’d b, the dark Shade in the middle ſhews an Hollow, which was Part of the Cavity of the Inſide of the Bone. e and f are rough Pieces of Bones, half-calcin’d, porous, and not poliſh’d. The Figure and Deſcription of the Buffalo, whoſe Bones they uſe for this Purpoſe, are given in Mr. Edwards‘s Hiſtory of Birds, to which he has ſubjoined the Figures and Deſcriptions of ſome few rare Quadrupeds.


Allez, je vous laisse avec les liens vers toutes les versions digitales des ouvrages que j’ai cité et avec un dernier petit texte qui parle pas de serpent. Pour la version latine du texte de Kircher, ce sera une autre fois. Je pense que je ferais une petite partie dédiée à cette recherche (et à d’autres) sur le site un de ces jours, à ce moment-là je la mettrait. Mais là je passe déjà beaucoup plus de temps que je n’en ai de disponible à ça en ce moment. Bon. Les sources :


PDF : China Illustrata, Kircher Athanasius, 1667, latin (Gallica)
PDF : China Illustrata, toujours du même, 1670, français (BIU Santé) pp. 108–110
PDF: Account of Athanaſii Kircheri China Illustrata, Philos. Trans., Vol. II, Iss. 26, pp. 484–488 (The Royal Society Publishing)
PDF : A Letter from Sir Hans Sloane…, Philos. Trans., Vol. XLVI, Iss. 492, pp. 118–125 (The Royal Society Publishing)
PDF : Extrait l’vne lettre escrite de Chartres le II. Avril 1666, Journal des Sçavans, Vol. II, 1666, pp. 242–244 (et non 236–238, erreur de numérotation) (Gallica)


Journal des Sçavans
Vol. II – 1666
pp. 242–244.

EXTRAIT D’VNE LETTRE ESCRITE
de Chartres le II. Avril 1666.

Il eſt arriué depuis quelque tẽps en ces quartiers vne choſe ſurprenante. Vne ieune femme eſtant accouchée depuis trois ſemaines, & nourriſſant ſon enfant eſtoit obligée à cauſe de l’abondance de ſon lait, de ſe faire tirer par ſon Mary. Cet homme ayant les poulmons forts la tiroit auec violence : Il ſentit vn iour dans ſa bouche quelque choſe autre que du lait, & ayant regardé ce que c’eſtoit, il vit vn petit animal qui ſortit à moitié du ſein de ſa femme par le bout qu’il tettoit, & l’ayant tiré auec la main, il trouua que cet animal eſtoit comme vn petit ſerpent de la longueur d’enuiron 4. pouces & de la groſſeur d’vn ver à ſoye mediocre.

La couleur en eſtoit minime, ayant vn double rang de pieds ſous le ventre, & ſon corps eſtoit comme de petits anneaux qui ſe tenoient & ſe continuoient depuis la teſte iuſques à la queuë, qu’il portoit retrouſſée & fourchuë par le bout. Il auoit ſur la teſte deux cornes fourchuës & faites comme les petites pates d’vne eſcreuiſſe. Quand on le touchoit il ſe tourmentoit extremement, & quoy qu’il euſt vne infinité de pieds, neantmoins il ne marchoit pas en ligne droite mais en ſerpentant.

On l’apporta icy à M. Fouques Medecin, auec vne lettre du Chirurgien du lieu pour conſulter ſur le doute que la mere auoit, qu’en donnant à tetter à ſon enfant elle ne luy fiſt tort. Elle ſentoit auant que cet animal fut ſorty de ſa mammelle, comme des picqueures, qu’elle imputoit à la trop grande abondance de lait.

Cet animal eſt mort apres auoir eſté conſerué 24. heures depuis qu’il fut apporté icy. Vne infinité de perſonnes l’ont veu, & i’ay regret de ce qu’il a eſté perdu au logis du Sieur Fouques auant que i’aye pû le faire peindre & bien examiner auec vne lunette, comme i’en auois enuie.


(suite)


Police d’écriture utilisée pour la reproduction du texte ancien : IM FELL DW Pica. The Fell Types are digitally reproduced by Igino Marini. www.iginomarini.com

#275 – Des serpents, des pierres et des pierres dans des serpents

Ah ! et j’oubliais :

et comment guérir des morsures de serpents grâce aux pierres qu’on trouve dans ces mêmes serpents.

Voilà. Je crois que c’est tout.

Bon, si ce n’est pas déjà fait, allez lire #273 – Le Serpent extraordinaire de Montpellier et revenez. Si, s’il vous plaît, revenez.

(et que les Ophiophobes et autres Herpétophobes se rassurent, ils ne trouveront pas ici une seule image de serpent)

C’est lu ? On peut y aller. Je suis tombé sur un autre texte ancien concernant les serpents et les pierres, sans le chercher ! C’est foufou non ? Je vous laisse lire (oui, c’est en anglais, z’aviez qu’à mieux écouter en cours) :


Philosophical Transactions, Volume I, issue 6, 1667 (for Anno 1665, and 1666), pp. 102–103.

Of the nature of a certain Stone, found in the Indies, in the head of a Serpent.

There was, ſome while ago, ſent by Phileberto Vernatti from Java major, where he reſides, to Sir Robert Moray, for the Repoſitory of the Royal Society, a certain Stone, affirmed by the Preſenter to be found in the Head of a Snake, which laid upon any Wound, made by any venomous creature, is ſaid to ſtick to it, and ſo draws away all Poyſon : and then, being put in Milk, to void its Poyſon therein, and to make the Milk turn blew ; in which manner it muſt be uſed, till the Wound be cleanſed.

The like Relations having been made, by ſeveral others, of ſuch a Stone, and ſome alſo in this City affirming, to have made the Experiment with ſucceſs, it was thought worth while, to inquire further into the truth of this Matter : ſince which time, nothing hath been met with but an Information, delivered by that Ingenious Pariſian, Monſieur Thevenot, in his ſecond Tome, of the Relations of divers conſidirable Voyages, whereof he lately preſented ſome Exemplars to his Friends in England. The Book being in French, and not common, ’tis conceived it will not be amiſs to inſert here the ſaid Information, which is to this effect :

In the Eaſt Indies, and in the Kingdom of Quamſy in China, there is found a Stone in the Head of certain Serpents (which they call by a name ſignifying Hairy Serpents) which heals the bitings of the ſame Serpent, that elſe would kill in 24 hours. This Stone is round, white in the middle, and about the edges blew or greeniſh. Being applyed to the Wound, it adheres to it of it ſelf, and falls not off, but after it hath ſucked the Poyſon : Then they waſh it in Milk, wherein ’tis left awhile, till it return to its natural condition. It is a rare Stone, for if it be put the ſecond time upon the Wound, and ſtick to it, ’tis a ſign it had not ſuck’d all the Venome during its first application ; but if it ſtick not, ’tis a mark that all the Poyſon was drawn out at firſt. So far our French Author : wherein appears no conſiderable difference from the written Relation before mentioned.


MAIS !

comme je suis sympa, je vous mets ici la version du texte français dont il est question. Quelques précisions cela-dit : on la trouve bien dans RELATIONS DE DIVERS VOYAGES CVRIEUX, QUI N’ONT POINT ESTÉ PUBLIÉS ; OV QVI ONT ESTÉ TRADVITES D’HACLVYT ; de Purchas & d’autres Voyageurs Anglois, Hollandois, Portugais, Allemands, Eſpagnols ; ET DE QVELQVES PERSANS, ARABES, ET AVTRES Auteurs Orientaux. Enrichies de Figures, de Plantes non décrites, d’Animaux inconnus à l’Europe, & de Cartes Geographiques de Pays dont on n’a point encore donné de Cartes. SECONDE PARTIE (donc, en effet, presque « Relations of divers conſidirable Voyages », presque) de Melchisédech Thévenot, et publié à Paris en 1664, seulement cet ouvrage n’est qu’un recueil de textes et de traductions. Le texte auquel fait référence l’auteur de l’article du Philosophical Transactions est donc une traduction de Thévenot du texte en latin du père jésuite Michał Piotr Boym : FLORA SINENSIS, FRVCTVS FLORESQVE HVMILLIME PORRIGENS, SERENISSIMO ET POTENTISSIMO PRINCIPI, AC DOMINO, DOMINO LEOPOLDO IGNATIO, HUNGARIÆ REGI FLORENTISSIMO, &c. Fructus Saeculo promittenti Augustissimos (ouais, je mets les titres en entiers parce que je trouve ça trop classe, pas vous ?), publié à Vienne en 1656 et concernant la faune et la flore chinoise. Bon, mais voici la version française, donc. Je vous mets tout le mini chapitre qui traite de trois serpents différents :


LE SERPENT GEN-TO

C’eſt le plus grand ſerpent qui ſe trouue dans l’Iſle Hay-nan, & dans la prouince de Quam-tum, Quam-ſi & autres, il deuore des cerfs entiers, il n’eſt pas fort venimeux, eſt couleur de cendre, & quelquefois long de vingt-quatre pieds : Quand la faim le preſſe, il ſort des bois, & s’aidant de ſa queuë, il ſaute & attaque les hommes & les beſtes ; quelquefois de deſſus vn arbre il ſe jette ſur les hommes, & les tuë en les ſerrant de ſes plits : ſon fiel eſt vne choſe precieuſe aux Chinois, ils s’en ſeruent pour le mal des yeux. Aux Indes & dans le Royaume de Quam-ſy on trouue vne pierre dans la teſte de certains ſerpens qu’ils appellent ſerpens cheuelus, laquelle guerit les morſures, de ce meſme ſerpent, qui autrement tueroit dans vingt-quatre heures : cette pierre eſt ronde, blanche au milieu, & autour eſt bleuë ou verdaſtre : lors qu’on l’applique ſur la morſure, elle s’y attache d’elle-meſme, & elle ne tombe point qu’elle n’ait ſuccé le venin. On la laue apres dans du laict, & on l’y laiſſe quelque temps pour luy faire reprendre ſon eſtat naturel ; cette pierre eſt rare, ſi on la preſente vne ſeconde fois à la morſure, & qu’elle s’y attache, elle n’a pas ſuccé tout le venin dés la premiere ; ſi elle ne s’y attache point, c’eſt vne marque que tout le venin eſt hors, & on s’en reſiouït auec le malade : Ils ſe ſeruent contre le meſme venin d’vne racine que les Portugais appellent Rais de Cobra, qu’ils font macher à ceux qui ſont mordus, iuſques à ce qu’elle leur ait fait venir deux ou trois rapports à la bouche.

Les Chinois ont vn autre ſerpent qui eſt fort venimeux ; car ceux qui en ſont mordus meurent en peu de temps, mais ils ne laiſſent pas de l’eſtimer beaucoup à cauſe du grand remede qu’ils en tirent. Ils le mettent viuant dans vn vaiſſeau plain de bon vin, en ſorte que la teſte ſeule ſoit dehors pour faire euaporer tout le venin, & que le reſte du corps demeure enfermé dedans : On fait boüillir ce vin, ils en ſeparent apres la teſte, & la chair leur tient lieu d’vne tres-excellente theriaque.


Voilà donc qu’on nous rebassine avec des pierres à trouver dans des serpents. Je vous avoue que j’aime bien trouver des choses cachées, mais s’il faut aller ouvrir des serpents, venimeux de surcroit, au canif, je passe mon tour.

Bon. Alors alors. Quelle est la grande morale que l’on doit tirer de toutes ces histoires ? Eh bien c’est que, vraissemblablement, au XVIIe siècle, si l’on parlait de serpents, un·e couillon·ne venait immanquablement vous ramener les pierres dans la conversation. Voilà. Comme au XXe et XXIe siècles, dès qu’on causait Parkinson, fallait que quelqu’un évoque Alzheimer et inversement, pareil dans les années 90 avec cancer et SIDA. Hein ? Oui, j’en conviens, c’est peut-être pas l’interprétation la plus intéressante. Vous n’avez qu’à trouver la votre.

Avant de vous laisser partir, j’aimerais bien revenir sur cette Thériaque. Car j’ai bien lu tout Wikipédia, et je sais désormais qu’il s’agit d’un CONTREPOISON ! Eh oui, souvenez-vous des fameux jeux de notre enfance :  » – Poison ! – Contrepoison ! – Miroir empoisonné ! – Miroir contrempoisonné fois deux ! – Miroir empoisonné fois l’infini ! »… ouais, non, peut-être pas. Ce contrepoison, donc, qui semble avoir ses origines en Crète, est passé par Rome, puis dont la recette fut perfectionnée principalement dans les villes de Venise et de Montpellier, comportait plus de cinquante substances, dont presqu’aucune n’était active. Mais ça il a fallu longtemps avant de s’en apercevoir. Parmis ces cinquantes substances, l’opium, sacrément actif, et la chair de vipère, pas si active que ça puisqu’on l’abandonna de la recette au XIXe siècle.

– ENTRACTE VASE –

Grand vase à Thériaque du XVIIème siècle par les potiers J. Besson et A. Morand, collection des Hospices civils de Lyon. Alternativement on pouvait s’en servir pour y mettre les cendres des personnes sur qui la thériaque n’avait pas marché. (Photo sous licence CC BY-SA 4.0 par les Hospices Civils de Lyon. Source.)

– FIN DE L’ENTRACTE VASE –

Toujours sur Wikipédia à ce sujet on trouve un très bel échange entre un médecin de Saragosse (Laurent de Arias) et l’Université de Montpellier datant de 1724. Extrait :

Médecin de Saragosse : « Vaut-il mieux pour préparer la thériaque, faire cuire des vipères dans du sel et de l’aneth pour en faire des trochisques et les pétrir avec du pain, ou de les faire dessécher et pulvériser et quoi est le mode qui donne une thériaque plus énergique ? »

Médecins de Montpellier : « Pour répondre à cette question nous pensons d’abord devoir vous dire que, depuis longtemps, la coutume a prévalu parmi nous de se servir de vipères desséchées et réduites en poudre pour préparer la Thériaque (opération à laquelle assistent tous les professeurs de l’école). C’est l’avis unanime de nous et des pharmaciens de Montpellier.., est de toutes la préférable. Il faut se baser surtout sur ce que le sel de vipères (dont la vertu dans cette préparation est de première importance), s’en va tout à coup en vapeurs, lorsque la cuisson est sur le point d’être achevée il en est tout autrement. Les vipères desséchées sont réduites en poudre selon l’habitude…
Mais il est bien à remarquer qu’il faut se servir de vipères sèches fraichement séchées, de peur que, si on les « laisse trop vieillir, le sel volatile s’en aille entraîné peu à peu par l’humidité et perde aussi sa force. Cependant, avouons-le franchement, parce que c’est la vérité, dans l’une et l’autre méthode, il n’y a pas de différence pour donner matière à procès, car bien que la chair de vipères soit cuite un peu tardivement, elle conserve encore beaucoup de son volatile. Mais comme de juste, les vipères desséchées en ont beaucoup plus aussi préférons-nous les employer vives, cette méthode ayant été depuis longtemps reçue et approuvée. »

Et, par bonheur, il n’était aucunement question de cailloux. Comme quoi, quand on parle avec des experts, y a pas à dire, ça élève le débat.

Bon, j’en ai pas encore fini avec le XVIIe siècle, les serpents et les thériaques (et peut-être même les pierres), mais disons que c’est tout pour aujourd’hui. Il y aura suite très bientôt

Bon, voici des liens suivis de la version en langue latine du chapitre concernant les serpent du Flora Sinensis patati patata :

Extrait du Philosophical Transactions (The Royal Society Publishing)
Flora Sinensis en latin, édition originale de 1656 (Biodiversity Heritage Library)
Flora Sinensis traduit en français par Thévenot (Gallica)


De Gen-to Serpente

Gen-to ſerpentum omnium in Inſula Hay-nan & Provincijs Quam-tum, Quam-ſy, &c. reperitur facilè maximus, cervos inte gros exſugēdo & comminuendo devorat, non adeo venenoſus, colore cinerico variegatus, longus octodecim aut quatuor & viginti pedes : famelicus ex dumetis proſilit, caudæ innitens in ſaltum ſe erigit, & cum feris atque hominibus acriter luctatur : ſubinde ex arbore inſidioſe in viatorem deſilit, & complexione interimit ; fel illius contra oculos morbidos Sinis eſt precioſum. In India & regno Quam-ſy in quorundam certi generis Serpentum (quos Cobras de Cabelo ſeu capillatos Luſitani nominant) capitibus ſapis reperitur contra morſus ab ijſdem Serpentibus inflictos homini, ſpacio aliàs viginti quatuor horarum interituro. Lapis hic rotundus, coloris in medio albi, & circum circa glauci aut cœrulei, vulneri applicitus per ſeipſum hæret, veneno verò jam plenus decidit : pòſt lacti immerſus per aliquam moram, ad ſtatum naturalem ſe reducit. Lapis hic non omnibus communis, ſi literatò eidem vulneri adhæreat, virus omne exhauſtum non fuit ; ſi non adhæreat, moribundo Indigenæ de ſupecato mortis periculo aggratulantur. Reperta eſt item radix aliqua contra venenum hujus rnorſus vocata à Luſitanis Raiz de Cobra, ideſt, radis Serpentis, quam maſticare opus eſt, quoad uſque bis aut ter eructet homo.

Alius præterea apud Sinas ſerpens invenitur veneni maximi, ſed precioſus, qui intra paucas horas hominum occidit. Ex eo medicina contra varios morbos ſic paratur : Cauda eum corpore immergitur amphoræ optimo repletæ vino, ut ſolum caput & os vidi ſerpentis, ne evadat, conſtrictum per medium operculi foramen exſtet, ut igne ſuppoſito, vinoq́ ; ferveſcente, omne virus aperto ore vaporet :

Caro reciſo capite infirmis datur, & unicum illud precioſum theriacæ ad inſtar aſſervatur.


(suite)


Police d’écriture utilisée pour la reproduction du texte ancien : IM FELL DW Pica. The Fell Types are digitally reproduced by Igino Marini. www.iginomarini.com

#273 – Le Serpent extraordinaire de Montpellier

Vous savez, moi et les infos, c’est l’amour-haine, alors j’ai consenti à bien vouloir m’informer de ce qui ce racontait dans la presse au mois de juillet, mais à l’unique condition que ce soit un mois de juillet éloigné de plus de trois cents ans de mon présent. Eh ben j’ai pas été déçu.

Lu dans le Mercure Galant de Juillet 1678, pp. 153–156 :


Je ne puis m’éloigner de Montpellier ſans vous apprendre une choſe auſſi ſinguliere que ſurprenante, qu’on a veuë à trois lieües de là, depuis quelques jours. Un Apoticaire herboriſant dans la Campagne, mit le pied ſur des brouſſailles qui cachoient un Serpent des plus monſtrueux. Ce Serpent ſe ſentant bleſſé, ſe dreſſa tout furieux, fit pluſieurs plis autour du Corps de l’Apoticaire, le mit par terre, & le tint tellement preſſé, que c’eſtoit fait de luy, ſi des Bergers qui n’en eſtoient pas fort loin, ne fuſſent accourus à ſes cris. Ils tuerent le Serpent, & délivrerent ce malheureux qui en avoit reçeu pluſieurs bleſſures. Il eſtoit extraordinairement enflé du venin qui s’eſtoit gliſſé par toutes les parties de ſon Corps ; mais deux ou trois priſes du Thériaque qui ſe fait à l’Université de Montpellier, le remirent dans ſon premier état. On fendit le Serpent. Il avoit trois œufs dans ſon ventre, & ce qui vous ſurprendra, c’est que ſur l’un de ces œufs on a trouvé ſix mots monoſyllabes, rangez en colomne, parfaitement diſtinguez les uns des autres, & ſi bien écrits, qu’un Peintre auroit eu peine à les mieux marquer. Ces mots ſont, ou, pa, re, ma, ne, pa. Vous ne doutez pas qu’on ne travaille à l’envy à les expliquer. Cet œuf a eſté donné à Mr le Cardinal de Bonzi, qui le conſerve comme une choſe fort curieuſe.


Comme quoi y a pas qu’à Marseille.


Police d’écriture utilisée pour la reproduction du texte ancien : IM FELL DW Pica. The Fell Types are digitally reproduced by Igino Marini. www.iginomarini.com