#277 – Lapis serpentinus § III.

Quatrième note de blog concernant les pierres et les serpents. Troisième réellement consacrée à la pierre serpentine, et je commence à sentir que, plutôt que de me lancer dans cette recherche à l’emporte-pièce, j’aurais dû tout préparer à l’avance et tout publier d’une manière ordonnée, pour votre confort et pour la clarté du propos. C’est vrai. Mais si j’avais procédé autrement, je ne l’aurais pas faite du tout, cette recherche.

Ce que je vous propose donc c’est que, puisque j’ai commencé comme ça, je continue ces notes brouillonnes à mesure que je rassemble des éléments, et qu’une fois que je serais passé à autre chose, je fasse une belle section sur le site ou sera résumé clairement le résultat des recherches, où sera retracée la chronologie de chaque témoignage ou intervention sur le sujet, et où seront disponibles tous les textes.

Donc c’est reparti. La note qui n’a rien à voir mais qui a tout déclenché, la note où je découvre la fameuse pierre serpentine, la note où je réalise que je ne vais pas m’en sortir aussi facilement que prévu. Z’avez tout lu ? Z’êtes à jour.


Hans Sloane disait donc, dans sa lettre du 19 avril 1779 à la Royal Society, qu’à sa connaissance, le premier à avoir parlé des Pierres Serpentines (oui, je pourrais les appeler pierres de serpent, mais j’aime trop écrire serpentine. Serpentine, serpentine, serpentine…) était Francesco Redi :

« I think the firſt who gives any Account of them (les pierres) is Franceſco Redi at Florence, who had them from the Duke of Tuſcany‘s Collections, and who, in his Eſperienze Nat. tells great Virtues of them »

Plusieurs problèmes :

  1. Parle-t-il des pierres supposées êtes extraites de la tête des fameux Cobra de Cabelo (celle que Kircher dit « naturelle »), ou de la version artificielle à partir d’os carbonisés qu’il cite un peu plus haut ?
  2. Il cite l’ouvrage de Redi : Esperienze intorno a diverse cose naturali qui n’a été publié qu’en 1671, alors que nous avons vu que la première occurence de cette pierre dans cette même revue de la Royal Society citait une traduction française du Flora Sinensis de Boym, livre publié originairement en latin en 1656.
  3. Esperienze intorno a diverse cose naturali n’est qu’une publication sous forme de lettre écrite à Kircher pour l’entretenir de cette histoire de « Pietra del Serpente » dont il cause dans son China Illustrata de 1667, et dans lequel il précise déjà que certaines de ces pierres sont artificielles.
  4. Francesco Redi écrit en italien, et je ne lis que très mal l’italien, je n’arrive donc pas bien à comprendre s’il ne remet pas plutôt en doute les vertues supposées de la pierre. C’est un grand expert des viperes pour avoir travaillé dessus et leur avoir consacré un ouvrage : Osservazzioni intorno alle vipere en 1664 qui a déjà balayé beaucoup de croyances concernant leur venin, et où il n’est nullement fait mention de la pierre suspecte.

Conclusion hâtive : Hans Sloane ne devrait pas écrire ses lettres à la Royal Society après l’apéro.

Bon, mais il va falloir que je lise en détail et que je traduise cet Esperienze intorno a diverse cose naturali avant de m’avancer plus sur l’opinion de Fransesco Redi à ce sujet. Ce que je vous propose aujourd’hui, c’est de publier ici les passages relatifs à la pierre dans les deux autres textes auxquels Sloane fait allusion, celui de Biron et celui de Kämpfer.

Voici quand même un dessin des pierres qu’on trouve dans le livre de Redi:


Curiositez de la nature et de l’art, Aportées dans deux Voyages des Indes ; l’un aux Inders d’Occident en 1658. & l’autre aux Indes d’Orient en 1701. & 1702. Avec une relation abregrée de ces deux Voyages. de Claude Biron, publié en 1703.

Chap. II, pp. 72–77

Les Pierres de Serpent

Ces pierres ſont de couleur d’ardoiſe ; elles ſont plates, & de la grandeur d’un ſoû marqué. Elles s’apellent dans les Indes Pierres de Serpent, à cauſe qu’elles ont la vertu de guerir les morſures de couleuvres, viperes, ſerpents, &c. Ces pierres, qui ſont le plus ſouverain remède, qu’on ait encore trouvé contre les morſures des Serpents, viennent du Royaume de Camboya. Quelques-uns diſent qu’elles ne ſont point naturelles ; mais factices, & compoſées de pluſieurs ingrediens, dont ceux du pays font un grand ſecret aux Etrangers. Il y en a qui les croient naturelles. Et M. Boyle dit qu’on lui a aſſuré, qu’on les trouve dans la tête de certains Serpents qui ſont vers Goa. Quoi qu’il en ſoit voici comme on s’en ſert.

Si la plaie n’a point ſaigné, après la morſure, ou piqure du Serpent, il faut piquer legérement l’endroit qui a été bleſſé, de maniere que le ſang en ſorte. Après quoi il faut y appliquer la pierre, qui s’y attache incontinent. Elle attire, & ſucce le venin. Il la faut laiſſer deſſus la plaie, juſqu’à ce qu’elle ſe détache d’elle-même : après cela, il faut laver la pierre dans du lait qui ſe charge incontinent du venin ; & ſi on n’avoit pas de lait, on la lave dans de l’eau. Après l’avoir bien eſſuyée, on la remet ſur la plaie ; ce que l’on continuë de faire juſqu’à ce qu’elle ne s’y attache plus. Ce ſera alors une marque évidente, que tout le venin ſera ſorti.

Il y en a qui croient qu’elle auroit la même vertu pour la morſure des chiens enragez, en pratiquant la même choſe, que nous venons de dire. Ce qu’il y a de plus aſſuré, c’eſt que cette pierre eſt généralement eſtimée dans tout l’Inde. M. Boyle qui ne revoque point en doute la vertu de la pierre de Serpent, en tire un argument pour prouver que l’aplication extérieure de certains amulettes peut fort bien opérer des guériſons. Voici ce qu’il raconte au ſujet de ces pierres. Je me rangerois volontiers au parti de ces habiles Médecins, qui ne reconnaiſſent nulle vertu dans les pierres ; même dans celles qu’on tire des Serpents ; & je me joindrois en cela au docte, & curieux M. Rédi, qui dans ſes expériences n’a obſervé dans ces pierres aucune faculté. Peut-être que tout ce qu’on nous vante comme étant des Indes, n’en vient pas. Il faut pourtant avoüer, après avoir rejetté tous les contes fabuleux, qu’on debite dans le monde ſur les pierres, qu’il y en a, dont il n’eſt pas poſſible de nier la vertu. Et en éfet un Savant tout pétri de la Philoſophie de Deſcartes, & qui par conſequent étoit fort en garde contre les qualitez occultes, & ſur les traditions populaires des Orientaux, m’a aſſuré que dans le tems qu’il étoit dans les Indes, il a guéri par la ſeule aplication de la pierre de Serpent plus de ſoixante perſonnes qui avoient été morduës, ou piquées par des Serpents. Et moi-même, ajoûte M. Boyle, j’en ai fait l’expérience ſur des animaux, que j’avois fait mordre par des Vipéres. Ce qui m’induit à ne pas rejetter comme faux tout ce que l’on dit ſur les vertus des pierre. Quodque ſumpſi ipſe experimentum cum genuino ejuſmodi Lapide è corporibus brutorum, fecit omninò, ut buic rei fidem non negem. Simplic. medicam. util. & uſus, p.62.


AH ! Je le savais ! Francesco Redi ne « raconte » pas les « grandes vertus » des pierres, monsieur Sloane ! Vous lisez encore moins bien l’italien que moi, monsieur Sloane. Et toc.

Bon. Qui est ce monsieur Boyle cité par Biron ? Robert Boyle. Oui, oui, le célèbre. L’ouvrage de Boyle dont il est question est son De specificorum remediorum cvm corpvscvlari philosophia concordia : Cui accessit Dissertatio de varia simplicivm medicamentorvm utilitate et usu., publié en 1687. En latin. Je comprends moins encore le latin que l’italien, mais je peux vous dire qu’il n’y raconte rien de plus que ce que paraphrase Claude Biron. Comment je le sais ? Parce que le livre a été traduit en français en 1689 par M. Jean de Rostagny, de la Société Royale de Paris, sous le titre : Nouveau traité de Monsieur Boyle sur la convenance des remèdes spécifiques de la philosophie des corpuscules, & sur l’usage & les propriétés des médicamens simples.

Comme il n’y a aucune information supplémentaire à en tirer, je me contenterai pour l’instant de vous mettre le texte dans sa version originale à la fin de cette note. Le jour où je ferai le gros dossier final sur un espace dédié du site, j’y mettrais les deux versions.


Voici maintenant ce qu’en dit Engelbert Kaempfer dans son Amœnitatum exoticarum politico-physico-medicarum Fasciculi V, Quibus continentur Variæ Relationes, Observationes et Descriptiones Rerum persicarum & ulterioris Asiæ, multâ attentione, in peregrinationibus per universum Orientum, collectæ, ab Auctore Engelberto Kaempfero, publié en 1712

Fasciculus II. Relatio IX. § III.
pp. 395–396

Pedra de Cobra : ita dictus lapis, vocabulô à Luſitanis impoſito, adverſus viperarum morſus præſtat auxilium, externè applicatus. In ſerpente, quòd vulgò credunt, non invenitur, ſed arte ſecretâ fabricatur à Brahmenis. Pro dextro & felici uſu, oportet adeſſe geminos, ut cum primus veneno faturatus vulnuſculo decidit, alter ſurrogari illico in locum poſſit ; Proinde poſſidere indigenæ niſi geminos cupiunt ;quos cum goſſypio capſulæ incluſos probè aſſervant. Aliam obtineo ophitidem, inſar ſilicis duriſſimam ponderoſamque, uncialis longitudinis, figuræ quodammodo tornatilis, & quaſi ex annulis compactæ ; quales inveniri in capitibus maximorum ſerpentum credulus perſuadetur vulgus : ego apophyſin alius petræ, vel in ipſâ petrâ molliori genitam judico, velut lapides bufonius, aëtites, lyncius, oculus catti, gloſſo-petra, & ſi quos alios vulgi error tranſcribit ex animalibus. Fidem mihi fecit collis petroſus, quem bidui itinere ab Iſphahano urbe offendimus, cujus ſabulum ex petrâ diſſolutum, innumeros exhibebat variæ figuræ bufonios & Judaicos, quibus vel plauſtrum impleviſſem. Quo ipſo feror, ut iſtis lapidibus nihil efficaciæ ineſſe credam, niſi quam actuali frigiditate ſuâ, vel abſorbendo præſtant.


Bon, je dois vous avouer que j’y pige que couic. Enfin, à part les information qui étaient déjà mentionnées dans d’autre textes. Mais je l’ai quand même mis ici, pour celles et ceux qui s’en sortent mieux que moi en langues mortes.

Je pense que ça suffit pour aujourd’hui. Dans la prochaine note sur le sujet, je m’attaquerai au texte de Francesco Redi, mais ça risque de ne pas être tout de suite. J’ai quand même pu apercevoir en le feuilletant qu’on y parle d’une autre pierre de serpent, venue d’afrique, elle, et à laquelle on prête d’autres pouvoirs. Encore tout une aventure, mais je promets de boucler celle-ci en premier lieux. Je vais quand même sans doute poster sur d’autres sujets d’ici-là, il vous faudra un peu de patience.

Voici donc les liens vers les ouvrages dont j’ai causé ici et que je n’ai pas déjà donnés dans les articles précédents, puis l’article du journal des scavants résumant l’ouvrage concernant les vipères de Redi, et enfin l’extrait en latin du texte de Robert Boyle :


PDF : Osservazzioni interno alle vipere, Francesco Redi, 1664 (MDZ)
PDF : Esperienze intorno a diverse cose naturali, Francesco Redi, 1671 (MDZ)
PDF : Résumé du Osservazzioni interno alle vipere dans le Journal des Sçavans du lundi 4 janvier 1666, p.9-12 (Gallica)
PDF : Curiositez de la nature et de l’art, Aportées dans deux Voyages des Indes ; l’un aux Inders d’Occident en 1658. & l’autre aux Indes d’Orient en 1701. & 1702. Avec une relation abregrée de ces deux Voyages, Claude Biron, 1703 (Gallica)
PDF : De specificorum remediorum cvm corpvscvlari philosophia concordia : Cui accessit Dissertatio de varia simplicivm medicamentorvm utilitate et usu., Robert Boyle, 1687 (Archive.org)
et sa traduction :
PDF : Nouveau traité de Monsieur Boyle sur la convenance des remèdes spécifiques de la philosophie des corpuscules, & sur l’usage & les propriétés des médicamens simples., 1689 (Gallica)
PDF : Amœnitatum exoticarum politico-physico-medicarum Fasciculi V, Quibus continentur Variæ Relationes, Observationes et Descriptiones Rerum persicarum & ulterioris Asiæ, multâ attentione, in peregrinationibus per universum Orientum, collectæ, ab Auctore Engelberto Kaempfero, Kaempfer, 1712 (BIU Santé)


Extraits du résumé de Osservazioni intorno alle vipere de Redi, dans le Journal des Sçavans du Lundy IV. Ianvier 1666, pp.9–12 :

OSSERVATIONI INTORNO ALLE VIPERE
fatte da Fanciſco Redi, in Firenze. in 4.

Les anciens Naturaliſtes ont dit beaucoup de choſes ſurprenantes des Viperes ; & comme il n’y a pas plaiſir à faire l’experience de ce qu’ils ont auancé, ceux qui ſont venus apres eux ont mieux aymé les croire ſur leur parole, que d’en faire l’eſpreuue. Mais depuis peu vn Gentilhomme Italien ayant trouué l’occaſion de quantité de Viperes, que l’on auoit apportées au grand Duc de Toſcane pour compoſer la Theriaque, a examiné ce qui concerne cette matiere auec beaucoup d’exactitude, & l’a deſcrite auec toute l’elegance dont cette matiere eſt ſuſceptible.

Premierement, il a remarqué que le venin des Viperes n’eſt point dans leurs dents, comme quelques vns diſent ; ny dans leur queuë, comme d’autres pretendent ; ny dans leur fiel, comme les plus ſçavans Naturaliſtes ſe ſont imaginez : mais qu’il eſt dans deux veſicules qui couurent leurs dents, & qui venant à ſe reſſerrer lors que les Viperes mordent, font ſortir vne certaine liqueur iaunaſtre qui coule le long des dents & enuenime la playe. (…)

Ce que quelques Autheurs ont encore aſſeuré, que c’eſtoit vne choſe mortelle que de manger de la chair des animaux tuez par les viperes, boire du vin dans lequel les Viperes ont eſté eſtouffées ou ſuçer les playes de ceux qui en ont eſté mordus, ſe trouue auſſi peu veritable. Car cét Autheur aſſeure que pluſieurs perſonnes ont mangé des poulets & des pigeonneaux mordus par des Viperes, ſans qu’en ſuite leur ſanté en ait receu la moindre alteration. Au contraire, il dit que c’eſt vn ſouuerain remede contre la morſure des Viperes que de ſuçer la playe, & il rapporte l’experience d’vn chien qu’il fit mordre ſur le nez par vne Vipere, lequel à force de lécher ſa playe ſe ſauua la vie. Ce qui eſt encore confirmé par l’exemple de ces gens qui eſtoient autrefois appelez Marſi & Pſilli, dont le meſtier eſtoit de guerir ceux qui auoient eſté mordus par les ſerpens, en ſuçant leurs playes.

Cét Autheur adiouſte que quoy que Galien & pluſieurs modernes aſſeurent qu’il n’y a rien qui altere tant que la chair de Vipere, il a neantmoins experimenté le contraire, & qu’il a connu des gens qui mangeoient de la Vipere à tous leurs repas, & qui cependant aſſeuroient qu’ils n’auoient iamais eu moins de ſoif qu’au temps qu’ils gardoient ce regime de viure. (…)


Extrait du De specificorum remediorum cvm corpvscvlari philosophia concordia : Cui accessit Dissertatio de varia simplicivm medicamentorvm utilitate et usu. de Robert Boyle, concertant la pierre de serpent

Parænesis ad usum simplicium medicamentorum
§ VIII.

Hanc, inquam, ob cauſam, duo alia obſervatu digna ſuperaddam exempla efficaciæ ſiccorum etiam, atque ſolidorum corporum licèt exteriùs tantùm applicatorum adverſus morbos, quos varia nec conſuera comitabantur ſymptomata, quorum quantumvis innocuas viperas noſtras anglicanas homines ſentiant, varia tum in hominibus, tum in brutis exempla novi : atque etiam, qui ab India orientali veniunt, magnam concretionum quarumdam lapidearum, quæ dicuntur reperiri in capitibus quorumdam ſerpentum circa Goam, aliaſque Regiones orientales, virtutem extollunt : quamvis enim plerique Medici, rejiciant, aut dubitent de poreſtate iis lapidibus aſcripta, poteſtate, inquam, curandi morſus viperarum ; & quamvis eorum hac in re hæſitationem minimè mirer, quòd reipſa lapidum plurimi ex India allati genuini non ſint, iiq́ue qui re verâ ſerpentibus eximuntur, ob rationem hîc non commemorandam nihil proſint, cujuſmodi fortè ii erant, quibus doctus, curioſuſq́ue, Redy, ſua experimenta fecir : alia tamen ſunt, quorum virtutes negari nequeunt : ne enim vulgaribus traditionibus plerumque fallacibus fides habeatur, quidam è præcipuis Collegii Londinenſis Doctoribus mihi aſſeruir, ſe hujuſcemodi cujuſpiam lapidis ope periculoſum quemdam morbum præter opinionem curâſſe : rem mihi ipſe ut geſta eſt, pluribus narravit : atque quiſpiam è præcipuis Anglicanis noſtris Chirurgis alium ſe dixit eodem remedio curâſſe : merâ ſcilicet lapidis parti, quam vipera momorderat, applicatione ab utroque curatus uterque morbus eſt : atque vir quidam magnæ notæ inſigni Societati Mercatorum mercaturam in Indiis ubi diu vixerat orientalibus exercenti præfectus, mihi aſſeruit curâſſe ſe ope hujus lapidis multos à venenatis animalibus læſos : ſed hujus rei veritati longè majus adhuc pondus addit peregrinatus quidam per meridionales Indiarum orientalium plagas : quamvis autem hic utpote à celebri Carteſiano quopiam Philoſopho inſtructus vulgaribus Regionum quas peragrabat, & in quibus vivebat traditionibus vix fidem haberet, cùm tamen vel idcirco à me rogaretur, quid tutò de lapidibus hiſce, ſentire deberem, ſeriò mihi reſpondit curâſſe ſe ſexaginta, & plures morſos, aut ſtimulatos à venenoſis quibuſdam animalibus : & pleroſque quidem merâ exteriori lapidis hujuſce applicatione : quem quòd præpollentem, experiretur, ſervabat ſecum, ut ubi res exigeret, ad manum eſſet : quodque ſumpſi ipſe experimentum cum genuino ejuſcemodi lapide, è corporibus brutorum, fecit omnino ut huic rei fidem non negem.



Police d’écriture utilisée pour la reproduction du texte ancien : IM FELL DW Pica. The Fell Types are digitally reproduced by Igino Marini. www.iginomarini.com

#276 – Pierre Serpentine ou Serpent-Stone : flanc ou salades ?

Je dois vous avouer, arrivé à ce troisième article consacré aux rumeurs qui ont pu circuler concernant les Serpents au XVIIe siècle, que je m’éclate franchement. Je me suis interdit de chercher sur les pages internet d’aujourd’hui ce que l’on pensait de tout ça, ce qu’on avait découvert… Non. Je navigue de revues en livres anciens, au gré des sources citées par les auteurs pour essayer de trouver le fin mot de l’histoire d’après les « témoignages » d’époque. Honnêtement ça me tient mieux en haleine que les séries télé.

J’avais dit que je recauserai du Thériaque et que j’espérais avoir fait le tour de cette histoire de pierre, ben vous pensez. Je suis tombé sur un gros morceau. Deux gros morceaux en fait.

Suite, donc, et sans doute pas fin de ces histoires de serpents et de pierres et de pierres de serpents. Si vous avez loupé le départ, ça se trouve ici et .

Petit rappel chronologique :

  • 1656 : Publication du Flora Sinensis de Michał Piotr Boym en latin. On y parle de cette pierre qu’on retire de la tête d’un certain serpent et dont on se sert comme antipoison miracle.
  • 1664 : Publication du Flora Sinensis traduit en français par Melchisédech Thévenot dans son Relation de divers voyages curieux, blablabla… Seconde partie.
  • 1665 : Publication de l’article Of the nature of a certain Stone, found in the Indies, in the head of a Serpent, dans le Phisolophical Transactions of the Royal Society. (le 5 novembre 1665, reparaîtra en volume (Vol. I) en 1667)
  • 1667 : BOUM !!! Athanase Kircher publie :

Athanasii Kircheri
E Soc. Jesu

CHINA
MONUMENTIS
QUA
Sacris quà Pofanis,
Nec non variis
NATURÆ & ARTIS
spectaculis,
Aliarumque rerum memorabilium
Argumentis
ILLUSTRATA,
auspiciis
LEOPOLDI PRIMI
roman. imper. semper augusti
Munificentiſsimi Mecænatis

AMSTELODAMI,
_______________________________
Apud Joannen Janſſoniun à Waeſberge & Elizeum Weyerſtraet,
Anno cIɔ Iɔc lxvii. Cum Privilegiis.


Hein ? Vous y pigez que broc au latin ? Ben moi pareil, mais, ça tombe bien, en 1670 est publiée une traduction française :

la
CHINE
d’Athanase Kirchere
De la Compagnie de Jesus,
ILLUSTRÉE
De pluſieurs
MONUMENTS
Tant Sacrés que Profanes,
Et de quantité de Recherchés
de la
NATURE & de l’ART
A
Quoy on à adjouſté de nouveau les queſtions curieuſes que le Sereniſſime
Grand Duc de Toscane a fait dépuis peu du P. Jean Grubere touchant ce grand Empire.
Avec un Dictionaire Chinois & François, lequel eſt tres-rare, & qui n’a pas encores paru au jour.
Traduit par F. S. Dalquié.

A AMSTERDAM,
_______________________________
Ches Jean Janſſon à Waesberge & les Heritiers d’Elizée Weyerſtraet,
l’An cIɔ Iɔc lxx. Avec Privilege.


Et attention, là, c’est du lourd ! Pourquoi du lourd ? Ben pardi, parce que tonton Athanase il va nous faire des révélations, c’est écrit dans le numéro du 3 juin 1667 du Philosophical Transactions ! :

Account of Athanaſii Kircheri CHINA ILLUSTRATA

(China Illustrata c’est le petit nom qu’on a donné au bouquin au final, le titre original était… enfin vous avez vu quoi.)

The Author by publiſhing this Volume blablabla…

The Book it ſelf, a large Folio, is divided into 6. Parts.

The three firſt bloubloublou…

But we haſten to the Fourth Book, as belonging to our Sphere. That undertakes to deſcribe the Curioſities and Productions of Nature and Art, in China et bloublibloubli…

As

1. Mountainsouais ouais…

2. Iſlespas ça non plus…

AH !

7. Animals, Here he diſcourſeth of the Musk Dear on s’en fout…

Pas ça non plus…

TROUVÉ !!!

Of the Serpent, that breeds the Antidotal ſtone ; whereof he relates many experiments, to verifie the relations of its vertue : Which may invite the Curator of the Royal Society, to make the like tryal, there being such a ſtone in their Repoſitory, ſent them from the Eaſt Indies.

Rendez-vous compte !! On va enfin tout savoir ! Livre 4, chapitre 7 ! Imaginez-moi après avoir trouvé ça. Je me précipite livre 4, chapitre 7 : « Des animaux extraordinaires & surprenants de la chine. »

Je lis, le lis, je lis… Rien. Merde alors ! On m’a menti. Je poursuis. Ah, chapitre 10 : « Des serpens de la Chine » ! Wouhouuuu !!

Rien, rien, rien. Rien ! Ah si. Au bout de quatre pages à deux colones, page 275 (version française de 1670) :

Il y a d’autres ſerpents dans la Chine dont le venin eſt irremediable. Le premier de ceux-cy s’appelle Cobra de Cabelos ; c’eſt à dire ſerpent chevelu, dont nous avons amplement parlé dans les traittés precedents où nous avons diſcouru du Royaume de Mogor.

Alors là, les mecs de la Royal Society, va falloir qu’ils apprennent à sourcer correctement. Bon. Les « traittés precedents », c’est dans ce même bouquin ou pas ? Oui. J’ai de la chance. J’y arrive enfin. Page 108.

(Là j’avertis les phobiques que je vais glisser un dessin d’époque dans le texte puisqu’il en est fait mention. Préparez-vous, c’est terrifiant. Et j’avertis tout le monde que je me suis bien fait chier à respecter très fidèlement l’aléatoire orthographique de ce texte. Alors si un mot change d’un bout de phrase à l’autre, c’est comme ça dans l’original.)


Des grandes, & admirables vertus de la pierre ſerpentine, que les Portugais appellent la Piedra della Cobra.

Les Bragmanes ont trouvé une pierre qui eſt en partie naturelle ; parcequ’elle croit naturellement dans le ſerpent, (laquelle eſt nommée des Portugais Cobra de Capelos, c’eſt à dire ſerpent ou coleuvre velu) elle eſt auſſi en partie artificielle, à cauſe de pluſieurs venins de differents animaux, mais particulierement de ce coulevre velu, leſquels on meſle tous enſemble, pour en compoſer cette pierre. Elle a une ſi grande vertu, qu’auſſi toſt qu’on en a touché le mal la gueriſon en eſt infaillible. Ce remede eſt fort uſité dans toute l’Inde, & la Chine, à cauſe de ſa prompte, & grande operation, & certainement je ne l’aurois jamais creu, ſi moy meſme (dépuis que j’eſcris ce-cy) n’en avois pas fait l’experiance ſur un chien mordu par un vipere, auquel (auſſi toſt que jeus appliqué la pierre,) elle s’attacha ſi fort, qu’à peine la pouvoit on arracher, juſques ce qu’ayant attiré tout le venin, elle ſe laiſſa tomber d’elle meſme ; aprés quoy le chien fût deſlivré du venin, & qu’oyqu’il en reſtat long temps fort engourdi, il reprint neantmoins ſon encienne vigeur. Il y eût en ce meſme temps un celebre docteur qu’on appelloit Charles Magninus Romain de nation, qui en fit heureuſement l’experiance ſur un homme qui avoit eſté mordu d’une vipere. De plus cette pierre eſtant jetée dans l’eau, elle quitte incontinent ſon venin, & reprent ſa pureté. Si on la jette dans l’eau veneneuſe d’un lac, elle attire tout le venin, & rend l’eau nette, & belle ; & tant s’en faut qu’elle diminuë de ſa force & de ſa vertu attractive, qu’aucontraire, il ſemble qu’elle augmente, & qu’elle change ſa couleur blanche, en un jeaune vert, ſelon la force, & la nature du venin qu’elle attire.

Mais au reſte pour revenir au ſerpent, je dis que s’il eſt appelé Cobra de Capelos, ce n’eſt pas parcequ’il eſt couvert de poil, ainſi que pluſieurs ſe ſont perſuadés fauſſement ; mais parce qu’il a ſur la plus haute partie de la teſte une certaine chevelure, faite en forme de chapeu plat, & uni.

Le Pere Sebaſtien d’Almida (qui eſt de retour à Rome de ſon voyage des Indes, dépuis le temps que j’eſcris ce livre) nous apprend que l’on trouve dans l’Inde de ces ſerpents preſque à tous les pas. Mais pour ceux-là qui produiſent cette pierre, qu’on appelle Cobra de Capelos, ils ne ſe trouvent que dans le territoire de Dienſi, leſquels ont la figure qu’on voit repréſentée ici deſſous : la nature leur a eſcrit ſous les machoires inferieures deux SS : l’on a ignoré juſqu’a preſent pour qu’elle fin. Ce ſont donc ces Serpents d’où l’on ſe ſert pour faire la pierre artificielle, laqu’elle eſt fabriquée par les hermites idolatres, qu’on appelle autrement Santones, de la façon que je diray aprés. Voy-cy la figure des Serpents.

Le P. Roth qui m’a donné trois de ces pierres, m’a raconté, qu’il en avoit ſouvent fait l’experience dans le Royaume de Mogor, dont la premiere fût ſur ſon Serviteur qui ayant eſté mordu à la main par une vipere, il luy appliqua incontinent la pierre, laquelle n’y fût pas plutoſt, que le venin qui eſtoit répendu par tout le bras, commença de revenir peu à peu ; de telle ſorte que ce Serviteur montroit au doit les divers lieux, où le venin eſtoit pendant l’operation : ſi bien qu’eſtant toutafait parvenu à la playe, auſſi toſt que la pierre en fût imbuë, elle tomba d’elle meſme, comme ſi elle eût conneu qu’il n’y avoit plus rien à faire ; qu’oyqu’auparavant elle y fût fort attachée ; enſuitte de qu’oy ce jeune homme reſta en parfaite ſanté. L’autre experiance qu’il en fit, fût ſur un peſtiferé à qui (aprés luy avoir inciſé la peſte) on appliqua cette pierre, laquelle attira tout le venin dans un moment, & rendit enfin la ſanté à celuy qui ſans ce prompt ſecours eſtoit ſur le point de perdre la vië ; Vous ſçaurés que non ſeulement la naturelle opere tous ces bons effets ; mais auſſi que l’artificielle, qui ſe fait de pluſieurs autres que l’on trouve dans ces Serpents, que l’on meſle avec une partie de leur teſte, de leur cœur, de leur rate, & des dants tout enſemble, avec de la terre ſigillée a le méme effet, & la méme proprieté ; & l’on connoit par là qu’elle eſt tres rare, & tres precieuſe ; puiſque les Bragmanes, & les Joguës n’en veulent jamais apprendre le ſecret pour de l’or, ni pour de l’argent ; enfin elle eſt ſi efficace, quelle a touſjours ſon effet, & ſi vous en avés quelqu’une qui n’en face pas de meſme, perſuadés vous qu’elle eſt fauſſe, & que ce n’eſt pas une de celles dont nous parlons. Main afin de la connoiſtre, pour ne ſe laiſſer point tromper ; Il feroit neceſſaire, que le Lecteur ſceût ce que le P. Michel Boïmus dit dans ſa Flore Chinoiſe dans le feuillet marqué par M. lequel en parle en ces termes.

[Là il cite Boym, je vous le remets pas, c’est l’extrait en français dans ce post]

Mais c’eſt aſſés parlé pour le preſent des admirables vertus de cette pierre, leſquelles je n’euſſe jamais creu eſtre telles, ſi l’experiance que j’en fis ſur un chien ne me l’eût perſuadé ainſi que j’ay deſja dit. Maintenant il s’agit de ſçavoir, qu’elle eſt cette vertu magnetique qui attire ſi promptement à elle toute ſorte de venin, de quelque nature qu’il puiſſe eſtre ; & la raiſon pourqu’oy elle s’atache ſi fort à la playe, qu’elle ne s’en oſte point, que premierement elle ne ſoit toutafait enyvrée de venin : veritablement c’eſt une queſtion qui n’eſt pas trop facile à reſoudre, & que je ne veux traitter qu’après avoir leu les principes de l’art de l’Aimant, qui ſont eſcrits dans le 9. Livre du monde Souſterain, & de l’Antipatie des venins, où je renvoye le Lecteur (…)


Alors, là… J’avais entendu dire du bien de ce Kircher, mais là… Dans le genre je raconte n’importequoi, je reste vague et je trouve toutes les astuces pour ne rien pouvoir prouver, ça se place là.

La pierre est elle en partie naturelle et en partie artificielle, ou s’agit-il de deux sortes de pierres différentes ? Une pierre purifie l’eau d’un lac entier ? Déjà même d’une flaque, j’aimerai voir ça. Et donc, si on possède une de ces prétendues pierres, mais qu’elle ne purifie pas l’eau d’un lac, ne sauve pas un homme d’une morsure de cobra et ne s’accroche pas à la plaie comme un magnet sur le frigo jusqu’à ce que tout le venin soit aspiré, c’est que c’est une fausse !! Ben pardi. J’ai failli ne pas y croire, heureusement l’explication finale m’a convaincu.

Dois-je ajouter que monsieur Kircher, quelques lignes plus bas nous entretient du :

Puiſſant venin de la Barbe du Tigre (…) lequel eſt preſque de la grandeur d’un Aſne, & de la figure d’un Chat. (…) de plus il a de longs poils au tour des levres leſquels ſont ſi venimeux (ainſi que l’experiance la ſouvent fait voir) que ſi quelque perſonne ou la beſte méme, en avale quelqu’un, ſans y prendre garde, il faut neceſſairement qu’elle meure »

Oui, oui, vous avez reconnu à cette description le terriblement venimeux Tigre du Bengale. Bon. Cet homme a accompli un travail fabuleux de tentative d’explication du monde à base de rumeurs, reconnaissons-lui ça (je ferais sans doute un article qui lui est dédié dans peu de temps), mais on n’est pas plus avancés que ça sur la nature de cette (ces) pierre(s) ?

Et on est pas les seuls. Cent ans après la publication du Flora Sinensis et du China Illustrata, on continue à se questionner, comme le montre la lettre parue dans le Philosophical Transactations N° 492, publié pour la première fois le 26 octobre 1749 (au lieu du 15 juin) et repris en volume en 1750. Vous ne voyez pas de quoi je veux parler ? Vous avez bossé de votre côté un peu ou vous attendez que je fasse tout le travail ? Bon et bien au final, c’est sans doute cette lettre qui nous en apprend le plus sur la nature de la fameuse pierre, et qui nous donne également des pistes pour la suite des recherches.

La lettre parle de deux sortes de pierres, celle qui est supposée se trouver dans la tête du serpent et une autre qui se trouverait dans le ventre des rhinocéros. Je zappe toutes les parties sur les Rhino, désolé.


VI. A Letter from Sir Hans Sloane Baronet, late Pr. R. S. to Martin Folkes Esquire Pr. R. S. containing Accounts of the pretended Serpent-ſtone called Pietra de Cobra de Cabelos, and of the Pietra de Mombazza or the Rhinoceros Bezoar, together with the Figure of a Rhinoceros with a double Horn.

Chelſea, April 19, 1749.

Read April 20. 1749.

SIR,

I here ſend you to be communicated to the Society, if you think proper, an Account of two pretended Stones, ſaid to be found in the Head of the moſt venomous Snake of the Eaſt Indies called Cobra de Cabelo, together with an Account of what I have heard, and what I believe they really are. (…) I am,

SIR,

Your humble Servant,

Hans Sloane.

Pietre del Serpente Cobra de Cabelo * Redi Eſperienze, Nat. p. 3. Tab. i. Lapides Serpentis Cobras de Cabelo dicti, Edit. Latin. Pedra de Cobra, Kempfer. Amœnitat. Exot. p. 396. Pierres de Serpent. Biron Curioſit. de la Natura, &c. p. 72

Dr. John Bateman, my worthy Predeceſſor, formerly Preſident of the College of Phyſicians of London, told me, with great Admiration, that he had ſeen the great Effects (upon the Bite of a Viper) of the Snake-ſtone or Serpent-ſtone, as it is call’d, before King Charles II. who was a great Lover of ſuch Natural Experiments ; and that he knew the Perſon poſſeſſed of the very Stone he had ſeen tried, who he believed would part with it for Money.

Upon my Deſire and Requeſt to ſee him, he came to me, and brought with him the Stone, which was round and flat, as the common ones brought by Merchants and others from the Eaſt Indies, about the Size of a mill’d Shilling, but thickern for which he aſked five Guineas, tho’ it was broken. There are ſeveral of this Sort, figur’d in Tab. II. Fig. 8. a, b, c, d.

Dr. Alex. Stuart, who had been my Acquaintance for ſeveral Years, returning from the Eaſt Indies, brought from thence, among many other Curioſities, ſome of theſe Snake or Serpent-ſtones, together with this Account of them, which he had from a other Miſſionary in the Eaſt Indies, ‘that they were not taken out of a Serpent’s Head, but made of the Bones of the ſmall Buffalo in the Indies’ (by which their Coaches are drawn are drawn inſtead of Horſes) ; the Bones being half-calcin’d or char by the Dung of the ſame Buffalo. He gave me ſeveral Pieces, with ſome of the Snake or Serpent-ſtones made out of them, and which I have in my Collection of ſeveral Shape and Colours.

I think the firſt who gives any Account of them is Franceſco Redi at Florence, who had them from the Duke of Tuſcany‘s Collections, and who, in his Eſperienze Nat. tells great Virtues of them, related by three Franciſcan Friers, who came from the Eaſt Indies in 1662. which were, that, being applied to the Bites of the Viper, Aſp, or any other venomous Animals it ſticks very faſt till it has imbibed or attracted all the Poiſon (as a Loadſtone does Iron), as many People in the Indies believe, and then it falls off of itſelf ; and being put into new Milk, it parts with the Poiſon, and gives the Milk a bluiſh Colour ; of which Redi tells the Succeſs of thoſe he figured.

Kempfer, in his Amœnitat. Exot. p. 396 ſpeaking of this, ſays, it helps thoſe bit by Vipers, outwardly applied ; and that it is not fond in the Serpent’s Head, as believed, but by a ſecret Art made by the Brahmens ; and that, for the right and happy Application of it, there muſt be two ready ; that when one has fallen off fill’d with the Poiſon, the other may ſupply its Place. They are commonly, as he ſays, kept in a Box with Cotton, to be ready when Occaſion offers.

Biron ſays, that if the Wound of the Serpent has not bled, it muſt be a little prick’d, ſo as the Blood comes out, and then to be applied as uſual. It comes from the Kingdom of Camboya.


* Which ſignifies in Portugueſe, the hooded Serpent, becauſe it has a Membrane about its Head which it an expand like an Hood : By others it is called the Spectacle-Snake ; for on the back Part of its Neck is the Repreſentation of a pair of Spectacles. See a figure of one in Kempfer‘s Amœnit. Exotic. p. 567.

Fig. 8. a, b, c, d, repreſent the Pietre de Serpente Cobra de Cabelo, of an Aſh-colour and black. In that mark’d b, the dark Shade in the middle ſhews an Hollow, which was Part of the Cavity of the Inſide of the Bone. e and f are rough Pieces of Bones, half-calcin’d, porous, and not poliſh’d. The Figure and Deſcription of the Buffalo, whoſe Bones they uſe for this Purpoſe, are given in Mr. Edwards‘s Hiſtory of Birds, to which he has ſubjoined the Figures and Deſcriptions of ſome few rare Quadrupeds.


Allez, je vous laisse avec les liens vers toutes les versions digitales des ouvrages que j’ai cité et avec un dernier petit texte qui parle pas de serpent. Pour la version latine du texte de Kircher, ce sera une autre fois. Je pense que je ferais une petite partie dédiée à cette recherche (et à d’autres) sur le site un de ces jours, à ce moment-là je la mettrait. Mais là je passe déjà beaucoup plus de temps que je n’en ai de disponible à ça en ce moment. Bon. Les sources :


PDF : China Illustrata, Kircher Athanasius, 1667, latin (Gallica)
PDF : China Illustrata, toujours du même, 1670, français (BIU Santé) pp. 108–110
PDF: Account of Athanaſii Kircheri China Illustrata, Philos. Trans., Vol. II, Iss. 26, pp. 484–488 (The Royal Society Publishing)
PDF : A Letter from Sir Hans Sloane…, Philos. Trans., Vol. XLVI, Iss. 492, pp. 118–125 (The Royal Society Publishing)
PDF : Extrait l’vne lettre escrite de Chartres le II. Avril 1666, Journal des Sçavans, Vol. II, 1666, pp. 242–244 (et non 236–238, erreur de numérotation) (Gallica)


Journal des Sçavans
Vol. II – 1666
pp. 242–244.

EXTRAIT D’VNE LETTRE ESCRITE
de Chartres le II. Avril 1666.

Il eſt arriué depuis quelque tẽps en ces quartiers vne choſe ſurprenante. Vne ieune femme eſtant accouchée depuis trois ſemaines, & nourriſſant ſon enfant eſtoit obligée à cauſe de l’abondance de ſon lait, de ſe faire tirer par ſon Mary. Cet homme ayant les poulmons forts la tiroit auec violence : Il ſentit vn iour dans ſa bouche quelque choſe autre que du lait, & ayant regardé ce que c’eſtoit, il vit vn petit animal qui ſortit à moitié du ſein de ſa femme par le bout qu’il tettoit, & l’ayant tiré auec la main, il trouua que cet animal eſtoit comme vn petit ſerpent de la longueur d’enuiron 4. pouces & de la groſſeur d’vn ver à ſoye mediocre.

La couleur en eſtoit minime, ayant vn double rang de pieds ſous le ventre, & ſon corps eſtoit comme de petits anneaux qui ſe tenoient & ſe continuoient depuis la teſte iuſques à la queuë, qu’il portoit retrouſſée & fourchuë par le bout. Il auoit ſur la teſte deux cornes fourchuës & faites comme les petites pates d’vne eſcreuiſſe. Quand on le touchoit il ſe tourmentoit extremement, & quoy qu’il euſt vne infinité de pieds, neantmoins il ne marchoit pas en ligne droite mais en ſerpentant.

On l’apporta icy à M. Fouques Medecin, auec vne lettre du Chirurgien du lieu pour conſulter ſur le doute que la mere auoit, qu’en donnant à tetter à ſon enfant elle ne luy fiſt tort. Elle ſentoit auant que cet animal fut ſorty de ſa mammelle, comme des picqueures, qu’elle imputoit à la trop grande abondance de lait.

Cet animal eſt mort apres auoir eſté conſerué 24. heures depuis qu’il fut apporté icy. Vne infinité de perſonnes l’ont veu, & i’ay regret de ce qu’il a eſté perdu au logis du Sieur Fouques auant que i’aye pû le faire peindre & bien examiner auec vne lunette, comme i’en auois enuie.


(suite)


Police d’écriture utilisée pour la reproduction du texte ancien : IM FELL DW Pica. The Fell Types are digitally reproduced by Igino Marini. www.iginomarini.com

#272 – Les sales mesnies de ces messieurs Gauchelin et Seckendorf

Faudrait pas être autorisé·e à faire des jeux de mots comme ça, je sais bien, mais c’est tentant quand on cherche un titre et qu’on est à plat. Du coup, à part les trois folkloristes réchappés·es du XXe siècle, j’imagine que vous l’avez pas pigé, le jeu de mots, alors j’essplique.

Je viens de réaliser un petit jeu textuel à l’occasion de la game jam Nouvim 3000 organisée par mon ami Feldo. Un jeu en 3000 mots, donc, sur le thème « Infamie ».

Ce jeu s’appelle InfÂmes Hellequin (ouais encore un jeu de mots, je l’emporterai pas au paradis) justement à cause de la mesnie Hellequin ! Alors, ça y est, vous pigez ? Non ? Toujours pas ? Okay. Allez donc lire cet article de l’Encyclowiki sur la chasse fantastique et revenez me voir ensuite. Je peux pas non plus passer mon temps à vous apprendre les bases. En ce moment, du temps, j’en ai pas. On menace de me sucrer mon RSA, je suis forcé de chercher du travail en toute vitesse. Quelle misère ! Ah, les infâmes organismes de surveillance auto-proclamés d’accompagnement…

Je me perds. Je jeu est là, l’explication en dessous, et les textes originaux tout en bas :

Pour l’explication, je copie colle la description que j’ai posté par itch.io en l’augmentant à peine parce que devinez quoi ? Voilà. J’ai pas le temps.

En gros :

Jeu type fiction interactive (on en causait ici), en 3000 mots, sur le thème « Infamie » . Sept fins possibles. Y en a de bonnes et des moins bonnes.

Dans le détail :

C’est donc principalement un travail de traduction et d’adaptation à la F.I. de la vision du prêtre Gauchelin, rédigée dans la première moitié du XIIe siècle par Orderic Vital dans son Historia ecclesiastica. Je ne l’ai pas traduite depuis le latin mais depuis la version anglaise de Thomas Forester éditée à Londres en 1854 (Volume II, Livre VIII, Chapitre XVII, pp. 511-520)

[Je viens à ce sujet de trouver aujourd’hui (lendemain de la publication du jeu) une version traduite en français depuis le latin datant de 1824. J’ai donc, encore une fois, passé des heures et des heures à un travail inutile. Non, ne me plaignez pas. Ça me servira de leçon, il faut vraiment que j’arrête d’être con. Mais pour la peine je ne vous la donne pas, vous n’avez qu’à jouer au jeu avec MA traduction dupuis l’anglais, nah.]

J’y ai également mélangé deux autres légendes, celle du compte Seckendorf tirée de la Zimmerische Chronik de Frobern Christoph von Zimmern (XVIIe siècle) et celle de Dame Ingelbjorg de Voergård, tirée du folk-lore Danois et dont j’ignore l’époque à laquelle elle a été recueillie.

Pour ces parties-là, je me suis surtout livré à un travail de transformation et d’adaptation des l’histoires à ma version F.I. de la vision de Gauchelin, histoire que ça colle, ainsi qu’au format court (3000 mots c’est sacrément court), car j’ai trouvé ces histoires déjà en français dans le recueil de textes Elle mangeait son linceul de Claude Lecouteux (I. 4, pp. 28-31 et III. 2, pp. 71-73)

J’ai moi-même inventé quelques passages pour fermer toutes les boucles. (En passant, veuillez noter que je ne cautionne pas la morale véhiculée par ces textes anciens, et donc par le jeu.)

Je pense me mettre, un jour, à réaliser une version sans contrainte des 3000 mots, comprenant l’intégralité de ma traduction de la vision de Gauchelin (toujours adaptée à la F.I. évidemment) comme tronc principal, et dont chacun des embranchements serait l’adaptation d’une autre légende mettant en scène la mesnie Hellequin ou une autre chasse fantastique, ou encore n’importe quelle légende de revenant qui s’y prête.

Ouais, je pense m’y mettre un jour. C’est ce qu’on dit. Vous emballez pas trop. En attendant, InfÂmes Hellequin, c’est 3000 mots, pas plus pas moins, réalisé dans les deux jours que je pouvais y consacrer. Faudra vous en satisfaire.

MAINTENANT

…comme je suis très sympa, voici l’intégralité des textes originaux de :

  • La vision du prêtre Gauchelin ou Gaulchelmus ou Walkelin (selon les versions) par Orderic Vital (1075 – 1141 ou 1143) extrait de son Historia ecclesiastica telle que publiée en latin dans : Orderici Vitalis, Angligenae coenobii Uticensis monachi Historia ecclesiastica, J.-P. Migne (ed.), Petit-Montrouge, Paris, 1855. (Voir sur Gallica)
  • L’histoire du Sire Seckendorf par Frobern Christoph von Zimmern (1519 – 1566) telle que publiée en moyen haut-allemand tardif dans : Zimmerische Chronik, Barack, Karl August (ed.), Akademische Verlagsbuchhandlung von J. C. B. Mohr (Paul Siebeck), Freiburg und Tübingen, 1881-1882. (Voir sur Wikisource)
  • Et non, pas de la légende de Dame Ingelbjorg de Voergård, puisque je n’ai pas eu le temps de remonter à une version plus ancienne que celle trouvable dans : Scandinavian Folktales, Simpson, Jacqueline (ed.), Penguin, London and New York, 1988.

HISTORIA ECCLESIASTICA

LIVRE VIII

XVII. Mirificus casus cujusdam presbyteri episcopatus Lexoviensis.

Quid episcopatu Lexoviensi, in capite Januarii, contigerit cuidam presbytero, praetereundum non aestimo, nec comprimendum silentio. In villa, quae Bonavallis dicitur, Gualchelmus sacerdos erat, qui ecclesiae Sancti Albini Andegavensis, ex monacho episcopi et confessoris, deserviebat. Hic anno Dominicae Incarnationis 1091 in capite Januarii accersitus, ut ratio exigit, quemdam aegrotum in ultimis parochiae suae terminis noctu visitavit. Unde dum solus rediret, et longe ab hominum habitatione remotus iret, ingentem strepitum velut maximi exercitus coepit audire, et familiam Rodberti Belesmensis putavit esse, quae festinaret Curceium obsidere. Luna quippe octava in signo arietis tunc clare micabat, et gradientibus iter demonstrabat. Praefatus presbyter erat juvenis, audax et fortis, corpore magnus et agilis. Audito itaque tumultu properantium, timuit et plurima secum tractare coepit an fugeret, ne a vilibus parasitis invaderetur, et inhoneste spoliaretur; aut validam manum pro defensione sui erigeret, si ab aliquo impeteretur. Tandem quatuor mespileas arbores in agro, procul a calle, prospexit, ad quas latitandi causa, donec equitatus pertransiret, cito divertere voluit. Verum quidam enormis staturae, ferens ingentem maxucam, presbyterum properantem praevenit, et super caput ejus levato vecte dixit: « Sta, nec progrediaris ultra. » Mox presbyter diriguit, et baculo quem bajulabat appodiatus, immobilis stetit. Arduus vero vectifer juxta eum stabat, et nihil ei nocens praetereuntem exercitum exspectabat.

Ecce ingens turba peditum pertransibat, et pecudes ac vestes, multimodamque supellectilem, et diversa utensilia, quae praedones asportare solent, super colla scapulasque suas ferebat. Omnes nimirum lamentabantur, seseque ut festinarent cohortabantur. Multos etiam vicinorum suorum, qui nuper obierant, presbyter ibidem recognovit, et moerentes pro magnis suppliciis, quibus ob facinora sua torquebantur, audivit. Deinde turma vespilionum secuta est, cui praefatus gigas repente associatus est. Feretra fere quinquaginta ferebantur, et unumquodque a duobus bajulis ferebatur. Porro super feretra homines parvi velut nani sedebant, sed magna capita ceu dolia habebant. Ingens etiam truncus a duobus Aethiopibus portabatur, et super truncum quidam misellus, dire ligatus, cruciabatur, et inter angores diros ululatus emittens, vociferabatur. Teterrimus enim daemon, qui super eumdem truncum sedebat, igneis calcaribus in lumbis et tergo sanguinolentum importune stimulabat. Hunc profecto Galchelmus interfectorem Stephani presbyteri recognovit, et intolerabiliter cruciari pro innocentis sanguine vidit, quem ante biennium idem effudit, et tanti non peracta poenitentia piaculi obierat.

Deinde cohors mulierum secuta est, cujus multitudo innumerabilis presbytero visa est. Femineo more equitabant, et in muliebribus sellis sedebant, in quibus clavi ardentes fixi erant. Frequenter eas ventus spatio quasi cubiti unius sublevabat, et mox super sudes relabi sinebat. Illae autem candentibus clavis in natibus vulnerabantur, et punctionibus ac adustione horribiliter tortae, « vae! vae! » vociferabantur, et flagitia, pro quibus sic poenas luebant, palam fatebantur. Sic nimirum pro illecebris et delectationibus obscenis, quibus inter mortales immoderate fruebantur, nunc ignes et fetores, et alia plura quam referri possint supplicia dire patiuntur, et ejulantes miserabili voce poenas suas fatentur. In hoc agmine praefatus sacerdos quasdam nobiles feminas recognovit, et multarum, quae vitales adhuc carpebant auras, mannos et mulas cum sambucis mulieribus prospexit.

Stans presbyter talibus visis contremuit, et multa secum revolvere coepit. Non multo post, numerosum agmen clericorum et monachorum, judices atque rectores eorum, episcopos et abbates cum pastoralibus cambutis advertit. Clerici et episcopi nigris cappis induti erant. Monachi quoque et abbates nigris nihilominus cucullis amicti erant. Gemebant et plangebant, et nonnulli Galchelmum vocitabant, ac pro pristina familiaritate ut pro se oraret, postulabant. Multos nimirum magnae aestimationis ibi presbyter se vidisse retulit, quos humana opinio sanctis in coelo jam conjunctos astruit. Hugonem nempe vidit, Lexoviensem praesulem, et abbates praecipuos, Mainerum Uticensem, atque Gerbertum Fontinellensem, aliosque multos, quos nominatim nequeo recolere, neque scripto nitor indere. Humanus plerumque fallitur intuitus, sed Dei medullitus prospicit oculus. Homo enim videt in facie, Deus autem in corde. In regno aeternae beatitudinis perpetua claritas omnia irradiat, ibique perfecta sanctitas, omne delectamentum adepta, in filiis regni exsultat. Ibi nihil inordinate agitur, nihil inquinatum illuc intromittitur. Nihil sordidum, honestatique contrarium, illic reperitur. Unde quidquid inconveniens faex carnalis commisit, purgatorio igne decoquitur, variisque purgationibus, prout aeternus censor disponit, emundatur. Et sicut vas excocta rubigine mundum, et diligenter undique politum, in thesaurum reconditur, sic anima omnium vitiorum a contagione mundata, paradisum introducitur, ibique omni felicitate pollens, sine metu et cura laetatur.

Terribilibus visis presbyter admodum trepidabat, baculoque innixus, terribiliora exspectabat. Ecce ingens exercitus militum sequebatur, et nullus color, [sed] nigredo et scintillans ignis in eis videbatur. Maximis omnes equis insidebant, et omnibus armis armati, velut ad bellum festinabant, et nigerrima vexilla gestabant. Ibi Richardus et Balduinus, filii Gisleberti comitis, qui nuper obierant, visi fuere; et alii multi, quos non possum enumerare. Inter reliquos Landricus de Orbecco, qui eodem anno peremptus fuerat, presbyterum alloqui coepit, eique legationes suas horribiliter vociferando intimavit, ac ut mandata sua uxori suae referret, summopere rogavit. Subsequentes autem turmae, et quae praecedebant, verba ejus interrumpendo impediebant, presbyteroque dicebant: « Noli credere Landrico, quia mendax est. » Hic Orbecci vicecomes et causidicus fuerat, et ultra natales suos ingenio et probitate admodum excreverat. In negotiis et placitis ad libitum judicabat, et pro acceptione munerum judicia pervertebat, magisque cupiditati et falsitati quam rectitudini serviebat. Unde merito in suppliciis turpiter devotatus est, et a complicibus suis mendax manifeste appellatus est. In hoc examine nullus ei adulabatur, nec ingeniosa loquacitate sua ei aliquis precabatur. Verum, quia dum poterat aures suas ad clamores pauperis obturare solitus est, nunc autem in tormentis, ut exsecrabilis, auditu indignus omnino judicatus est.

Gualchelmus autem, postquam multorum militum ingens cohors pertransiit, intra semetipsum sic cogitare coepit: « Haec sine dubio familia Herlechimi est. A multis eam olim visam audivi; sed incredulus relationes derisi, quia certa indicia nunquam de talibus vidi. Nunc vero manes mortuorum veraciter video; sed nemo mihi credet, cum visa retulero, nisi certum specimen terrigenis exhibuero. De vacuis ergo equis, qui sequuntur agmen, unum apprehendam, confestim ascendam, domum ducam, et, ad fidem obtinendam, vicinis ostendam. » Mox nigerrimi cornipedis habenas apprehendit; sed ille fortiter se de manu rapientis excussit, aligeroque cursu per agmen Aethiopum abiit. Presbyter autem voti compotem se non esse doluit. Erat enim aetate juvenis, animo audax et levis, corpore vero velox et fortis. In media igitur strata paratus constitit, et venienti paratissimo cornipedi obvians manum extendit. Ille autem substitit ad suscipiendum presbyterum, et exhalans de naribus suis projecit nebulam ingentem veluti longissimam quercum. Tunc sacerdos sinistrum pedem in teripedem misit, manumque arreptis loris clitellae imposuit, subitoque nimium calorem velut ignem ardentem sub pede sensit, et incredibile frigus per manum, quae lora tenebat, ejus praecordia penetravit.

Dum talia fiunt, quatuor horrendi equites adveniunt, et terribiliter vociferantes, dicunt: « Cur equos nostros invadis? Nobiscum venies. Nemo nostrum laesit te, cum tu nostra coepisti rapere. » At ille, nimium territus, caballum dimisit, tribusque militibus eum prendere volentibus, quartus dixit: « Sinite illum, et permittite loqui mecum, quia conjugi meae filiisque meis mea mittam mandata per illum. » Deinde nimium paventi presbytero dixit: « Audi me, quaeso, et uxori meae refer quae mando. » Presbyter respondit: « Quis sis nescio, et uxorem tuam non cognosco. » Miles dixit: « Ego sum Guillelmus de Glotis, filius Baronis, qui famosus fui quondam dapifer Guillelmi Bretoliensis, et patris ejus Guillelmi, Herfordensis comitis. Praejudiciis et rapinis inter mortales anhelavi, multisque facinoribus plus quam referri potest, peccavi. Caeterum super omnia me cruciat usura. Nam indigenti cuidam pecuniam meam erogavi, et quoddam molendinum ejus pro pignore recepi, ipsoque censum reddere non valente, tota vita mea pignus retinui, et legitimo haerede exhaeredato, haeredibus meis reliqui. Ecce candens ferrum molendini gesto in ore, quod sine dubio mihi videtur ad ferendum gravius Rothomagensi arce. Dic ergo Beatrici uxori meae, et Rogerio filio meo, ut mihi subveniant, et vadimonium unde multo plus receperunt quam dedi, velociter haeredi restituant. » Presbyter respondit: « Guillelmus de Glotis jamdudum mortuus est, et hujusmodi legatio nulli fidelium acceptabilis est. Nescio quis es, nec qui tui sunt haeredes. Si Rogerio de Glotis, vel fratribus ejus, aut matri eorum praesumpsero talia enarrare, ut amentem deridebunt me. » Porro Guillelmus obnixe insistens rogabat, et plurima notissimaque signa diligenter inculcabat. Presbyter autem intelligens ea quae audiebat, omnia tamen se scire dissimulabat. Tandem multa prece victus, acquievit, et iterum ut rogatus fuerat se facturum promisit. Tunc Guillelmus cuncta recapitulavit, et longa confabulatione multa eidem replicavit. Interea sacerdos coepit secum tractare quod non auderet exsecrabilia biothanati mandata cuilibet annuntiare. « Non decet, inquit, talia promulgare. Nullatenus quae injungis cuilibet referam. » Mox ille furibundus manum extendit, et presbyterum per fauces apprehendit, secumque, per terram trahens, minare coepit. Captivus autem manum, qua tenebatur, ardentem velut ignem persensit, et in tali angustia repente exclamavit: « Sancta Maria, gloriosa mater Christi, adjuva me! » Protinus, ad invocationem piissimae genitricis, filii Domini auxilium praesto adfuit, quale Omnipotentis ordinatio disposuit. Nam quidam miles, ensem dextra ferens, supervenit, gladiumque suum, quasi ferire vellet, vibrans, dixit: « Cur fratrem meum interficitis, maledicti? Sinite illum, et abite. » Mox illi avolarunt, Aethiopicamque phalangem prosecuti sunt.

Abeuntibus cunctis, miles in via cum Gualchelmo demoratur, et ab eo sciscitatur: « Cognoscis-ne me? » Presbyter respondit: « Non. » Miles dixit: « Ego sum Rodbertus, filius Rodulfi, cognomento Blondi, et sum frater tuus. » Cumque presbyter pro tam insperata re vehementer admiraretur, nimiumque pro his quae viderat, ut dictum est, vel senserat, angeretur, miles ei de pueritia utriusque multa coepit recensere, et notissima signa recitare. Sacerdos autem audita optime recolebat, sed ore confiteri non ausus, omnia denegabat. Tandem praefatus eques ait: « Miror duritiam et hebetudinem tuam. Ego te post mortem utriusque parentis nutrivi, et super omnes mortales dilexi. Ego te ad scholas in Galliam direxi, et vestes nummosque tibi copiose porrexi, aliisque multis modis tibi prodesse satis elaboravi. Nunc horum immemor efficeris, meque tantummodo recognoscere dedignaris! »

Tunc presbyter, veridicis faminibus ubertim prolatis, convictus est allegationibus certis, palamque cum lacrymis fassus est affamina fratris. Tunc miles dixit ei: « Merito debuisses mori, nostrarumque particeps poenarum nunc nobiscum trahi, quia res nostras nefaria temeritate invasisti. Hoc nullus alius inchoare ausus fuit. Sed missa, quam hodie cantasti, ne perires te salvavit. Mihi quoque nunc permissum est tibi apparere, meumque miserum esse tibi manifestare. Postquam in Normannia tecum locutus fui, a te salutatus in Angliam perrexi, ibique finem vitae jussu Creatoris accepi, et pro peccatis, quibus nimis oneratus eram, immania supplicia pertuli. Arma quae ferimus, ignea sunt, et nos fetore teterrimo inficiunt, ingentique ponderositate nimis opprimunt, et ardore inexstinguibili comburunt. Hactenus itaque hujuscemodi poenis inenarrabiliter cruciatus sum. Sed quando in Anglia ordinatus fuisti, et primam missam pro fidelibus defunctis cantasti, Radulfus pater tuus suppliciis ereptus est, et scutum meum, quo vehementer angebar, elapsum est. Ensem hunc, ut vides, fero. Sed in anno relaxationem ab hoc onere fiducialiter exspecto. »

Dum miles haec et alia hujusmodi diceret, et diligenter ad eum presbyter intenderet, quasi strumam sanguinis instar humani capitis ad ejus talos circa calcaria vidit, stupensque sic interrogavit; « Unde tanta coagulatio cruoris imminet calcaneis tuis? » At ille respondit: « Non est sanguis, sed ignis; et majoris mihi videtur esse ponderis, quam si ferrem super me Montem Sancti Michaelis. Et quia pretiosis et acutis utebar calcaribus, ut festinarem ad effundendum sanguinem, jure sarcinam in talis bajulo enormem; qua intolerabiliter gravatus, nulli hominum exprimere valeo poenae quantitatem. Haec indesinenter meditari mortales deberent, et timere, imo cavere, ne pro reatibus suis tam dira luerent. Plura mihi non licet tecum, frater, fari, quia miserabile agmen festinanter cogor prosequi. Obsecro, memento mei, precibusque piis et eleemosynis succurre mihi. Nam a Pascha Florum usque ad unum annum spero salvari, et clementia Creatoris ab omnibus tormentis liberari. Tu vero sollicitus esto de te, vitamque tuam prudenter corrige, quae pluribus vitiis sordescit, scitoque quod diuturna non erit. Ad praesens sile. Res, quas nunc ex insperato vidisti et audisti, silentio comprime, et usque ad tres dies nemini praesumas enarrare. »

His dictis, miles festinus abscessit. Presbyter autem tota septimana graviter aegrotavit. Deinde postquam invalescere coepit, Lexovium adiit, Gisleberto episcopo cuncta ex ordine recitavit et ab eo medicamenta sibimet necessaria impetravit. Postmodum fere XV annis vegetus vixit, et haec quae scripto tradidi, aliaque plurima, quae oblivione abolita sunt, ab ore ipsius audivi, et faciem ejus horrendi militis tactu laesam prospexi.

Haec ad aedificationem legentium scripsi, ut in bonis consolidentur justi, et a malis resipiscant perversi. Amodo incoeptam repeto materiam.


ZIMMERISCHE CHRONIK

BAND IV
(pp. 124-127)

Solch gescheft mit dem wuteshere ist einest vor jaren bei der frommen welt vil umbher gefaren und mehrmals zu Mösskirch gewesen, aber lenge halben der zeit und user unfleis unserer vorfaren, alles in ain vergess kommen. Es hat auch solches wueteshere nit allain in der nacht sich hören lasen, sonder auch mermals am morgen früe, auch abendts und gegen der nacht sich erzaigt und sehen lasen, dess wir dann ain glaupliche histori haben, die sich bei mentschen gedechtnus im landt zu Franken und dann im closter zu Maulbronnen begeben hat. Es sein zwen vom adel im landt zu Franken wonhaftig gewesen, under denen der ein einer von Seckendorf, der ander aber des geschlechts von Erlikom gewesen. Dieselbigen sein ein andern so feindt gewesen, auch baiderseits ainandern allen unwillen und [1078] widerdrieß zugefüegt, das ieder uf den andern gehalten und den todt getrewet, und ist gleichwol das auch darbei gewesen, das der ain des andern eheweib zu vil haimlich und freundtlich soll gewesen sein. Uf ein zeit aber, als sie baide uf ainandern geritten und gehalten, do ist der von Seckendorf eins abendts, als sich tag und nacht schier von einandern geschaiden, durch ein waldt selbander gerüst, mit ufzognen bögen, geritten, und als er ein gueten weg ins holz, do ist er neben der straß zu ainer capellen kommen, darin bliben sie übernacht. Gegen tag waren sie baide in aller früe uf und ritten wider uf iren halt. Es vergaß aber der junker in dem eilen seiner beden1 hendtschuch, die ließ er in der capellen uf einer todtenbar ligen. Wie er nun uf den halt kompt und seiner plechhendtschuch vermist, do schickt er den knecht, die zu holen. Wie aber derselb dahin kompt, war dess noch dunkel und nit recht tag, so findt er ain feurigs gespenst uf der todtenbar sitzen, das het die hendtschuch2 angelegt und schlueg die in ainandern. Do lief dem knecht die catz den rugken ufhin und wolt lenger nit bleiben, kert umb und sagts seim junkern. Der war übel zufriden, schalt ine seiner kleinmüetigkait; damit kert er selbs umb, die hendtschuch zu holen. Indess facht es an zu tagen; so erhört er, als er ain kleinen weg ins holz geritten, ein wunderbarlichs geschrai, gedöß, clingeln und jämern mit eim grosen brastlen, als ob alle beum im waldt entzwai brechen und umbfielen. Dem von Seckendorf war hiebei nit haimlich, dann er nit wissen mogt, was das für ein wesen, aber wol hörte, das es sich neherte. Derhalben er abwegs gewichen und sich zwischen die peum versteckt. Alda ist er halten bliben. Unlangs darnach do hat er ein wunderbarliche reuterei gesehen, ein tail haben kaine köpf gehapt, nur ain arm, die ross etwann nur zwen füeß, auch ohne ein haupt; vil fueßgenger sein mitgeloffen, under denen etwann der ain auch nur ain schenkel, etwann einer mit einer handt, vil ohne häupter, ein tail halber verbrent, vil, die blose schwerter durch den leib gehapt. In soma, es ist ein sollichs seltzams, abenteurigs gesündle bei ainandern gewesen, dergleichen er sein lebenlang nit gesehen gehapt, ich geschweig das gedöß und prausen, das im luft umbher und dem haufen nachgefaren. Aber under diesem haufen allen ist nichs gewest, darab er sich mehr verwundert, als ab ainem raisigen man, der hat ein weisen, dürren, magern und hinkenden gaul an der handt gefüert, hat ain schlecht claidt angehapt und ist also verwundet gewesen, das im die derm userm leib gangen und über das claidt und das ross hinab gar nahe dem boden eben gehangen sein. Als nun das gefert, wie erzellt, alles ohne sein schaden fürüber (wie man dann sagt, das niemands vom wueteshere was nachtails begegne, so man user dem weg thue weichen), do ist er dem weg oder straßen wider zugeritten. Also ist im noch ainer uf eim raisigen pferdt begegnet, der zu der andern compania3 auch gehört hat, und dieweil derselbig allain gewesen, do ist er erkecket und hat in gefragt, was das für ein haufen leut seien, die unlangs alda fürzogen. Derselb hat im geantwurt, es seie das wueteshere. Do hat er in abermals gefragt, wer aber der seie, so das mager pferdt an der handt füere und dem das gederm über das ross hinab hange. Do hat er widerumb gesagt: »Es gehört dem von Seckendorf zu«, damit hat er in, von Seckendorf, mit dem taufnammen genempt, »der soll von dem von Erlikom, seinem feindt, uf eim solchen weisen, mageren ross von heut über ain jar gewisslichen erschossen werden, und im wurt sein gederm also userm leib über die claider und das pferdt herabhangen.« Der von Seckendorf, als er sich hört nennen und das er der sein, der also von seinem todtfeindt jemerlichen solte umbgebracht werden, erschrack er nit wenig, und wiewol er wenig gern noch mer gefragt, so wolt doch der ander lenger nit bleiben und zohe den andern nach. Der von Seckendorf het den hasen im busem und rit widerumb haim, gieng in sich4 selbs und nam diese abenteurer so hoch zu herzen, das er im endtlichen fürsatzte, ein sinn zu erdenken, damit er eim sollichen jämerlichen todt und insonderhait seinem todtfindt [1079] entpfliehen megte; übergab er den nechsten freunden seine güeter, nam ein klains badtgelt mit sich. Damit kam er geen Maulbronnen ins closter5 und wardt ein convers oder laienbrueder, wie mans nempt. Seitmals aber er sich nit zu erkennen gab, do wust auch niemands, wer er ware. Er blib im closter etliche zeit, und so etwar frembder kam, ließ er sich nit sehen. Letstlich aber verhoffte er, Erlikom were todt oder het sein vergessen, und da er gleich noch lebte, so würd er in doch, sonderlichen in dem habit und beclaidung, nit wol erkennen. Darumb wardt er ie lenger, ie freier, ließ sich zum oftermal für das closter hinauß. Aber Erlikom het wol vernommen, das in Seckendorf gewichen und in ferre in ain closter begeben het. Derhalben raist er von eim closter in das ander. Uf ain zeit und auf den tag, als das jar herumb, das er, von Seckendorf, zu Maulbronnen gewesen, unerkannt und gar sicher seiner sachen, do füegt sich user der verhengnus Gottes, das der Erlikom geen Maulbronnen kam. Wie er dem closter nahet, so ersicht er ohne geferdt den von Seckendorf; der stande beklaidt wie ein laienbrueder und las spen bei den zimerleuten. Wie er in nun erkennt, schreit er ine an, do sei er im worden, iezo sei die stund verhanden, das er daran müese. Seckendorf gab die flucht dem closter zu. Under wegen ersicht er ein ledig, weiß paurenross, ganz mager; darauf sprang er eilendts und understandt sich zu entreiten. Wie er aber sicht, das solichs nit sein mocht, do kert er das pferdt umb, erwüscht ein stangen, der mainung, dem Erlikomer zu begegnen und sich umb sein leben, so böst er künde, zu weren. Hiezwischen aber het der Erlikom sein bogen ufzogen, scheust uf in ab und trifft den Seckendorf mit eim stral, inmaßen im das ingewaidt und die derm über den rock und über das ross abher hiengen, wie im zuvor geweissagt worden. Er het kain craft mehr, fiel ab dem ross und starb und ist zu Maulbronen begraben worden. Der Erlikommer ist entritten. Wo er aber hinkommen oder wie es im weiter ergangen, das ist nit bewist, aber wol zu erachten, er hab hinfüro auch nit vil glücks mehr gehapt und sei kains rechten tods gestorben.

1 beden] hs. bleden; vielleicht auch statt blechen; s. unten z. 40.
2 hendtschuch] über diese sage vom Seckendorfer, sonst auch vom junker Rechberger s. Liebrecht, Germania XIV, 401 ff.; s. auch Wendunmuth I, 67, und darnach Stockhausen, Mira praesagia mortis (1698) s. 53; Eichholtz, Quellenstudien zu Uhlands Balladen (1879) s. 63 ff.; Eichholtz kannte diese chronikstelle nicht.
3 compania] hs. copania.
4 sich] hs. sichs.
5 ins closter] vgl. die folgende erzählung s. 127, 22 ff.


Alors ? Heureux·ses ?